« Le tennis, c’est sympa, mais mes rêves sont ailleurs » : les placides plaisirs de Gaël Monfils à Melbourne
Gaël Monfils affole les stats et les perspectives sur sa carrière lors d’un Open d’Australie où il a éliminé le quatrième mondial mondial. Mais à 38 ans, il s’amuse plutôt des superlatifs qu’il suscite.
Gaël Monfils, Open d’Australie 2025 (Julien Nouet / Psnewz)
C’était à l’issue de sa victoire au premier tour contre Giovanni Mpetshi Perricard. Un journaliste a demandé à Gaël Monfils s’il nourrissait toujours le rêve de remporter un tournoi du Grand Chelem. « Je vais faire une réponse générale si vous voulez bien. Dans la vie, il faut rêver. Et moi j’ai de nombreux rêves. »
Une interprétation possible de cette réponse elliptique et souriante était la suivante : oui Monfils n’a pas renoncé à remporter un majeur. Mais à 38 ans passés et l’essentiel de sa carrière derrière lui, il n’allait pas commettre l’erreur de l’affirmer publiquement et de se traîner une telle décale à l’âge où il compte les jours.
Cinq jours plus tard Gaël Monfils est toujours en lice à l’Open d’Australie. Il a cuisiné le n°4 mondial Taylor Fritz au point de l’éjecter du tableau. C’est statistiquement la plus grosse victoire de sa carrière en majeur. « S’il joue comme ça, il sera dur à battre pour tout le monde », venait de dire le Californien, interrogé sur le niveau de jeu réel du 41e mondial.
Vous savez moi mon rêve c’est d’être vieux, en bonne santé et d’avoir une maison avec plein d’enfants.
Monfils connaît trop les médias pour ne pas avoir senti le coup venir. Lui, le chantre du match par match, a cette fois choisi de se découvrir.
« Vous savez moi mon rêve c’est d’être vieux, en bonne santé et d’avoir une maison avec plein d’enfants. C’est ça mon rêve. »
Le journaliste auteur de la nouvelle question sur ses ambitions sportives a fait semblant de ne pas y croire. « Et moi je vous dis que mon rêve, c’est d’avoir une famille incroyable. Gagner un tournoi, ce n’est pas mon rêve. C’est peut-être le vôtre ? Le tennis, c’est sympa. Mais mes rêves sont ailleurs. »
Depuis 1991 un seul autre joueur de plus de 37 ans a atteint les huitièmes de finale en Grand Chelem : Federer
Samedi, depuis sa chambre d’hôtel, Monfils et son épouse Elina Svitolina – elle aussi vainqueur de la n°4 mondiale, sur le même court, le même jour – auront eu leur fille de deux ans en visio depuis leur hôtel du centre de Melbourne. « On va parler de tout sauf de ma victoire. Elle m’a fait un dessin. Et elle a été invitée à une petite fête. Ça, on va en parler. »
Tout était comme ça, dans les couloirs de Melbourne Park après ce qui fut sûrement le match le plus spectaculaire et le plus chargé d’émotions de la première semaine, avec Medvedev – Tien. Alors que les commentateurs et les fans, sur les réseaux sociaux, dissertaient de toutes les barrières abattues par la Monf, le Français avait pour unique obsession de ramener son chef-d’œuvre à sa juste valeur : un sympathique moment de sport.
« Les stats ? Franchement, je ne les regarde même pas », souriait le seul homme de 38 ans depuis 1991 à se retrouver en deuxièmes semaine de Grand Chelem, à l’exception de Roger Federer.
En jouant comme j’ai joué aujourd’hui, je (Taylor Fritz) gagne contre la plupart des joueurs. Il était juste trop fort.
Pour avoir une chance de se connecter à la Monf samedi, il fallait avoir envie de faire de l’humour. Sa petite danse de célébration? « C’était totalement spontané. J’ai eu envie de la faire et je l’ai faite. C’est cool.» Est-il l’un des meilleurs athlètes du circuit? « Je peux dire que je suis le meilleur athlète du circuit… parmi les joueurs de 38 ans. »
Si Monfils donne du crédit à ce qu’il répète de- puis le début de la semaine – il se sent chanceux, il profite des fruits de son travail, il surfe sur la vague d’une bonne intersaison – il laisse les autres se prendre au sérieux pour lui. Et résume de façon clinique la réalité tennistique de Gaël Monfils en janvier 2025.
« En jouant comme j’ai joué aujourd’hui, je gagne contre la plupart des joueurs, affirmait Fritz. Je ne vais pas ressasser trop longtemps. Il était juste trop fort. » Ni faiseur, ni briseur de rêves, Monfils a un drôle de statut à Melbourne. Qui charrie avec lui toutes les raisons pour lesquelles on se lève la nuit pour regarder du tennis.
