La thérapie qui a tout changé : comment Madison Keys s’est libérée d’un poids pour conquérir son premier Grand Chelem

Après avoir conquis son premier titre du Grand Chelem à l’Open d’Australie, Madison Keys a expliqué en conférence de presse comment une longue thérapie l’avait aidée à atteindre enfin un Graal que l’on pensait envolé, à bientôt 30 ans.

Madison Keys, Brighton Beach Boxes, Open d'Australie 2025 Madison Keys, Brighton Beach Boxes, Open d’Australie 2025 | © AP Photo/Ng Han Guan/SIPA

Ce sont dans les échecs que l’on bâtit les victoires, et dans l’acceptation de soi-même que l’on finit par se trouver soi-même. Madison Keys en a fait une splendide démonstration, samedi à l’Open d’Australie : d’abord sur le court, où elle a terrassé la double tenante du titre et numéro 1 mondiale Aryna Sabalenka au bout d’un troisième set haletant (6-3, 2-6, 7-5) ; puis lors d’une passionnante conférence de presse, où elle a longuement expliqué comment une thérapie l’avait aidée à surmonter ses blocages et conquérir enfin ce Graal, à bientôt 30 ans, et alors que l’on pensait le meilleur de sa carrière définitivement derrière elle.

Ce sacre de l’Américaine ne ressemble pas à d’autres consécrations tardives, comme celles de Francesca Schiavone (Roland-Garros 2010), Marion Bartoli (Wimbledon (2013) ou Flavia Pennetta (US Open 2015), tout aussi admirables mais presque inespérées au regard de leur début de carrière. Plus comme une Caroline Wozniacki également à Melbourne en 2018, Keys, elle, était depuis longtemps promise à un tel Graal. Voilà dix ans qu’elle avait atteint sa première demi-finale majeure, en Australie déjà, en 2015. Et plus de sept ans qu’elle avait joué sa première finale de Grand Chelem, perdue face à son amie et compatriote Sloane Stephens à l’US Open 2017.

On pensait le train définitivement passé lorsqu’elle avait perdu sa cinquième demi-finale de Grand Chelem face à une certaine Aryna Sabalenka, à l’US Open 2023, au terme d’un combat ultra-serré qu’elle avait fini en larmes. Oui, Madison Keys paraissait pour de bon destinée à rejoindre la longue liste des immenses espoirs (plus ou moins) déchus qui échoueraient obstinément là où tant d’autres, beaucoup moins bardés de promesses, ont fini par réussir. Elle était du reste devenue, peut-être, la première à le penser.

« Je me posais beaucoup de questions : pourquoi je n’ arrive pas A gagner un grand chelem ? Si je n’y arrive jamais, devrais-je considérer ma carrière comme un échec ? 

« J’ai dû traverser pas mal de moments difficiles, qui ont fini par m’obliger à me regarder dans le miroir et à travailler sur cette pression que je m’imposais à moi-même », a-t-elle ainsi raconté samedi face à la presse. « En fait, j’entends que je dois gagner un Grand Chelem depuis que j’ai 11 ou 12 ans. A la base, c’est plutôt positif mais le fait que ça n’arrive pas avait fini par devenir un fardeau lourd à porter. Avec le temps, j’ai commencé à paniquer, à me dire que si je n’y arrivais pas, je n’aurais pas été à la hauteur des espoirs de tous ces gens. »

Keys a expliqué avoir alors entrepris une thérapie approfondie, et intimiste, pour d’abord comprendre puis progressivement se libérer de ce fardeau qui, fatalement, finissait par la rattraper dans tous les matches cruciaux. La fait de libérer sa parole l’a aidée à libérer son tennis.

« Je me posais beaucoup de questions : pourquoi je n’y arrive pas ? Si je n’y arrive jamais, devrais-je considérer ma carrière comme un échec ? », a-t-elle poursuivi. « Mais la thérapie m’a énormément aidée. Elle m’a finalement permis d’arriver à un point où j’ai compris que je pourrai être fière de ma carrière, avec ou sans Grand Chelem. J’ai compris que je n’en avais pas spécialement besoin pour que l’on parle de moi comme d’une grande joueuse de tennis. Petit à petit, j’ai réussi à changer mon discours interne. »

C’est presque l’ironie de l’histoire : Madison Keys a fini par gagner un Grand Chelem au moment précis où elle avant abandonné sa quête obsessionnelle du Grand Chelem. En tout cas, accepté l’idée qu’elle n’en gagnerait peut-être jamais. Il n’y avait eu aucun signe avant-coureur en 2024, saison lors de laquelle elle n’avait pas fait mieux qu’un huitième de finale à Wimbledon. Mais c’est aussi parce qu’elle avait connu pas mal de soucis physiques, à l’épaule et à la cuisse notamment, raison pour laquelle elle n’avait pas joué à Melbourne l’an dernier et dû cruellement abandonner à 5-5 au troisième set face à Jasmine Paolini à Wimbledon.

si je n’avais pas fait cette therapie, je ne serais pas assise devant vous ici avec le trophée.

Dans la tête en revanche, Madison sentait que ça commençait à « cliquer », comme elle l’a par ailleurs expliqué : « Je sentais que j’étais davantage dans le moment présent, je réussissais à mieux jouer point par point là où, avant, j’avais tendance à paniquer dès que les choses commençaient à mal tourner. Là-dessus, j’ai beaucoup travaillé pendant la saison hivernale et, à la reprise, je me suis mis à gagner un tas de matches à Adelaïde. Ensuite, à Melbourne, ce match contre Iga (Swiatek, face à laquelle elle a sauvé une balle de match en demi-finales, Nldr) représentait à mes yeux un gros obstacle. Après l’avoir franchi, je me suis dit que je pouvais vraiment gagner en finale. »

Et elle l’a fait, au terme d’une balle de match qu’elle pourra ériger en symbole de son nouvel état d’esprit, avec ce coup droit gagnant qu’elle aurait peut-être expédié en tribunes en d’autres temps. Keys savait que Sabalenka ne se battrait pas toute seule et qu’il faudrait aller la chercher. Elle était prête à cela, prête à y aller franchement, en se disant que, si elle ratait, elle n’aurait de toutes façons rien à regretter. Mais elle a réussi, et c’est évidemment tout sauf un hasard.

S’il fallait un énième exemple pour rappeler à quel point le tennis est un sport mental, cette finale dames de l’Open d’Australie 2025 pourrait tenir le haut du pavé. Bien plus que de coup droit ou de revers, l’Américaine a d’ailleurs attribué son sacre à une seule chose (en plus du dévouement de son staff) : ses longues séances de discussions avec sa thérapeute.

« J’ai vraiment adhéré à cette thérapie », a-t-elle conclu. « J’avais souvent fait de la préparation mentale purement sportive, où il était davantage question de routine et d’apprendre à contrôler les choses que l’on peut contrôler. Là, j’ai creusé beaucoup plus sur moi-même. C’était parfois inconfortable, parce que cela a remué des choses en moi, des choses difficiles. Mais je pense sincèrement que si je ne l’avais pas fait, je ne serais pas assise devant vous ici avec le trophée. »

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