La leçon de maîtrise prise par Alcaraz de Djokovic à Melbourne

Carlos Alcaraz avait parfaitement conscience d’être passé à côté d’une victoire qui lui tendait les bras contre Novak Djokovic, bien plus mature dans la maîtrise d’une situation inhabituelle comme sa blessure musculaire à la cuisse gauche.

Carlos Alcaraz, Open d'Australie 2025 Carlos Alcaraz, Open d’Australie 2025 | © Tennis Majors / Julien Nouet

Quand Carlos Alcaraz s’est présenté face aux médias à 1h45 du matin après sa défaite contre Novak Djokovic, il portait sous sa veste noire un poids inhabituel. Lui, d’habitude si enclin à croquer dans les événements, sentait qu’il était passé à côté de moments importants de la soirée et, pour résumer, qu’il s’était fait avoir comme un bleu par les 37 ans de Djokovic et sa capacité désormais légendaire à gagner en étant diminué.

« Mon sentiment est que je contrôlais le match et que je l’ai laissé revenir, a analysé d’emblée le tenant du titre à Roland-Garros et Wimbledon. C’est la plus grosse erreur que j’ai commise ce soir. J’aurais dû jouer beaucoup mieux pour le pousser plus près de sa limite alors qu’il avait des problèmes pour se déplacer. Je ne l’ai pas fait. Après ça il a commencé à mieux se sentir et à évoluer à un très haut niveaux aux troisième et quatrième sets, où je trouve qu’il se déplaçait bien. »

« J’ai eu mes chances, a-t-il enchaîné. C’était très serré. Mais la plupart des points clefs ont tourné en sa faveur. Et quand Novak joue à ce niveau, il est très difficile de trouver la faille. »

Dit autrement, à 21 ans, et même s’il a déjà remporté quatre tournois du Grand Chelem dont deux à l’issue de finales en cinq sets, Alcaraz a été victime de ce syndrome qui, du joueur de club, aux pros les plus crédibles, peut vous voir perdre vos moyens contre un joueur en difficulté.

Djokovic : « Tu paniques un peu dans ces moments-là »

« J’ai connu ça moi aussi, a indiqué Djokovic après lui. J’ai essayé de tourner la situation à mon avantage, en prenant l’initiative assez tôt dans l’échange pour profiter de ses hésitations. Il a essayé de me faire courir avec des amortis. Ce n’est pas facile de jouer face à quelqu’un de diminué mais qui continue et qui d’un coup se sent mieux et ramène plus de balles. Tu paniques toujours un peu dans ces cas-là. »

Alcaraz ne reprend pas le mot panique mais décrit ces hésitations : « Quand on a quelqu’un en face qui est en galère, vous ne jouez plus au même niveau vous-même, reconnaît le Murcien. Vous pensez : ‘OK ce sera plus facile que prévu’. Vous vous concentrez sur le fait de ne pas faire de faute. Et votre qualité de balle n’est plus tout à fait la même. Pour moi c’est ce qui s’est passé. »

Novak Djokovic, Open d'Australie 2025
Novak Djokovic, Open d’Australie 2025 | © Julien Nouet / Tennis Majors

Interpellé sur la nature exacte de la douleur de Djokovic, et pas contraste sur une possible exagération de sa gêne, Alcaraz a joué la carte de la diplomatie. « Je ne dis pas qu’il s’est donné en spectacle (« made a show »). Je dis juste qu’il est évident qu’il était en souffrance au deuxième set. Tout le monde l’a vu. Et qu’après, au troisième et au quatrième, il était très bon et je n’ai pas remarqué qu’il était diminué. »

Alcaraz préfère finalement considérer ce match comme un bras de fer à la régulière qui a encore nourri sa formation de joueur de très haut niveau. « Contre Novak, a poursuivi Alcaraz, on se pousse toujours l’un et l’autre à la limite. Au final, ça a été serré d’un bout à l’autre et ça reste pour moi une expérience incroyable de pouvoir jouer de tels matches contre de tels joueurs pour apprendre à gérer toutes les situations. »

C’est quelque peu anecdotique au vu des enjeux mais ce résultat permet à Novak Djokovic de rester le seul joueur de l’ère Open à avoir joué une demi-finale dans tous les Grands Chelems à 21 ans ou moins. Dans la course au palmarès le plus légendaire du tennis masculin (24 titres pour Djokovic), dans laquelle Alcaraz est parfaitement lancé – il a trois majeurs de plus que Djokovic au même âge – c’est un jalon qui raconte quelque chose.

Carlos Alcaraz, Open d'Australie 2025
Carlos Alcaraz, Open d’Australie 2025 | © Julien Nouet / Tennis Majors

Alcaraz court toujours après l’Open d’Australie

Même si l’Open d’Australie est le seul Grand Chelem qui continue de résister à l’inouï potentiel l’Alcaraz – 3e tour en 2022, forfait en 2023, quart de finale en 2024 et 2025 – l’Espagnol affirme « quitter Melbourne la tête haute », heureux de l’hommage spontané que Djokovic lui a rendu à chaud en désignant son match comme un des plus épiques de sa carrière.

« Je compatis, a conclu Djokovic sur la situation du protégé de Juan Carlos Ferrero. Je sais à quel point ce n’est pas confortable de jouer face à quelqu’un dont on ne sait pas s’il va continuer ou pas. On se dit : il bouge encore ou pas ? Il court vraiment ou pas ? Il se passe quoi ? J’ai vu qu’il m’observait plus qu’il ne se contait sur lui. »

Cette dernière remarque ressemble à la leçon apprise par Alcaraz de la bouche et de la raquette de Djokovic après ce quart de finale : « Moi je me concentre sur moi, sur mon corps, sur ce qu’il me permet de faire, puis que chaque point et les options que ke possède pour lui mettre la pression. » Contre Alcaraz, ça marche toujours pour le Serbe : lors de leur premier match en Grand Chelem en demi-finale de Roland-Garros 2023, Alcaraz avait commencé à mal se déplacer en raison de crampes. Alcaraz n’avait pas abandonné. Djokovic, à un set partout (6-3, 5-7), tandis que cette nouvelle donne survenait, s’était concentré sur lui. Il n’avait fait qu’une bouchée d’Alcaraz (6-1, 6-1).

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