Et maintenant, l’US Open pour Barty ? Oui, mais ça n’est pas si simple…
Victorieuse de “son” Open d’Australie ce samedi à Melbourne, Ash Barty a désormais remporté trois des quatre tournois du Grand Chelem. Il ne lui manque que plus que l’US Open, où elle a toujours eu davantage de mal. Il y a des explications à cela. Dont une à laquelle on n’aurait pas forcément pensé…
Fidèle à elle-même, Ash Barty s’est montrée d’une humilité extrême après avoir parachevé victorieusement un Open d’Australie quasiment parfait de bout en bout, ce samedi à Melbourne, en battant Danielle Collins en finale.
Alors qu’on lui faisait remarquer qu’elle intégrait le club select des joueuses et joueurs ayant triomphé en Grand Chelem sur les trois surfaces différentes (Serena Williams et le Big Three masculin), l’Australienne paraissait presque étonnée : “Pour être honnête, je n’ai pas le sentiment d’appartenir à la même catégorie que ces champions. Moi, j’ai plutôt l’impression d’être encore à une phase où j’en apprends tous les jours.”
Il faudra néanmoins que Barty s’habitue à la lumière, car la voilà désormais au pied d’un exploit rarissime dans le monde du tennis : remporter les quatre tournois du Grand Chelem (en carrière). Un véritable sommet que seulement six joueuses ont gravi dans l’ère Open, de Margaret Court à Maria Sharapova en passant par Chris Evert, Martina Navratilova, Steffi Graf et Serena Williams. Vous avez dit légendes ?
A 25 ans, la discrète et placide Ash Barty, l’anti-star par excellence (mais dans le bon sens du terme), a, qu’elle le veuille ou non, réussi à se hisser, à l’aide de son jeu excellemment construit et éminemment varié, parmi les plus grandes championnes de sa discipline. Victorieuse de Roland-Garros 2019, Wimbledon 2021 et donc l’Open d’Australie 2022, la numéro un mondiale sait désormais vers quoi elle doit focaliser son esprit pour intégrer définitivement le panthéon : l’US Open.
A priori, le défi paraît tout-à-fait à la mesure d’une joueuse aussi complète et dominatrice. On aurait d’ailleurs pensé que Roland-Garros et sa terre battue aurait été le dernier lieu sacré à lui résister. Il a été le premier à tomber sous ses coups. Vu que le dur extérieur reste de loin sa surface la plus prolifique sur le circuit WTA (10 titres sur 15), il n’y a aucune raison que l’Australienne ne finisse pas par conquérir un jour l’US Open.
Et pourtant, à y regarder de plus près, ça n’est pas si simple. Jusqu’à présent, le Majeur new-yorkais est clairement celui qui lui a posé le plus de problème puisque Barty n’y a jamais dépassé les huitièmes de finale, une feuille de résultat presque indigne pour une joueuse de son standing. Il y a sans doute un concours de circonstances assez fortuit à tout cela, mais aussi des explications plus rationnelles.
Aussi longtemps que l’US Open ne changera pas ses balles, Ash ne le gagnera pas.
Craig Tyzzer (entraîneur de Barty)
La première est que Barty arrive souvent un peu en bout de course à ce stade de la saison. Comme tout le monde nous direz-vous. Mais elle peut-être encore plus que d’autres, puisqu’en tant qu’habitante d’une contrée lointaine de la planète, elle est obligée de passer plus de temps que les autres sans rentrer chez elle. A l’image de la saison 2021 où elle avait passé six mois on the road. Résultat : une défaite au 3e tour à l’US Open contre Shelby Rogers. Et une saison terminée derrière. Barty n’en pouvait plus…
Et puis, il y a une autre explication d’ordre plus technique que Craig Tyzzer, son entraîneur, a délivrée en conférence de presse. “Le gros problème à l’US Open est la balle utilisée pour les femmes, qui est différente de celle des hommes. Or, c’est une balle terrible pour Ash’ car elle est beaucoup trop légère, a expliqué l’ancien joueur australien, qui collabore avec Barty depuis 2016. D’ailleurs, c’est le seul tournoi où on a dû changer son cordage pour passer en tout polyester alors que normalement, elle mixe avec du boyau. Il fallait tenter quelque chose pour retrouver du contrôle.”
Pourtant, juste avant l’US Open, Barty avait remporté le tournoi de Cincinnati, qui utilise la même balle. Mais pour son coach, c’est presque un accident de l’histoire. Craig Tyzzer le dit et le martèle : “Avec une balle pareille, une joueuse de son profil ne peut pas gagner l’US Open. Vous avez vu le tournoi l’an dernier ? Ce sont deux joueuses avec un profil très différent qui étaient au bout. Moi, ça ne m’a pas surpris. Je ne sais pas pourquoi l’US Open reste le seul tournoi qui dissocie les balles pour les hommes et pour les femmes. Mais aussi longtemps que le tournoi ne changera pas ses balles, Ash ne le gagnera pas.”
Une déclaration forte en guise de coup de poing et, peut-être aussi, de coup de pression. Mais c’est vrai que Barty, joueuse à l’horlogerie extrêmement fine, est très sensible aux balles. Lorsqu’elle s’est retrouvée menée 5-1 au deuxième set par Danielle Collins en finale, elle a fait signe à son coach qu’elle sentait moins les projectiles, devenus un peu trop mous, un peu trop spongieux à son goût.
Si nul ne peut nier les sensations de Barty, à quel point une partie psychologique intervient tout de même un peu là dedans ? Difficile à dire. Mais il serait quand même “ballot” que les portes de la grande Histoire du jeu lui restent fermées pour une simple histoire de balles.