Des facs américaines à la Coupe Davis, la progression fulgurante d’Arthur Rinderknech
Le Français de 26 ans, qui était pour la première fois en finale d’un tournoi ATP à Adélaïde, en janvier, franchit les étapes à toute vitesse avec lucidité. Tombeur du n°12 mondial Denis Shapovalov a Doha, il a, de nouveau, été appelé en coupe Davis pour la rencontre face à l’Equateur (4 et 5 mars).
“Sa progression n’est pas ordinaire, ça va plutôt vite !” Très vite, même. Ces mots de Sébastien Villette, nous les amplifions à la place de l’entraîneur rennais. Il est convaincu du potentiel de son poulain, Arthur Rinderknech, mais il reste prudent dans son expression. “Arthur dit maladroitement qu’il n’a pas de limites. Mais c’est le cas : il est peut-être à sa limite (48e à l’ATP, en janvier), il n’y est peut-être pas du tout. On ne réfléchit pas comme ça”.
Grand (1,96m), droitier, âgé de 26 ans, Rinderknech continue de surprendre, tout en assommant un nombre croissant d’adversaires de son service et de ses frappes de cogneur. Samedi, il était pour la première fois de sa carrière en finale de l’ATP 250 d’Adélaïde 2. Mardi, il a écarté Alexei Popyrin devant son public au premier tour de l’Open d’Australie, avant de déclarer forfait avant son deuxième tour, touché au poignet droit. Difficilement imaginable il y a quatre ans, alors qu’il n’était même pas dans le top 1000.
2014. Le fils de Virginie Paquet – 208e mondiale en 1989 – et de Pascal Rinderknech, classé -15 à son meilleur, n’a pas le niveau suffisant pour faire partie d’un Pôle France à 18 ans. Et le joueur classé -15 ne se sent pas prêt à tenter de percer sur le Tour. Direction donc les Etats-Unis et la Texas A&M University. “Je pense que je n’étais même pas décidé à être joueur professionnel, nous raconte-t-il. Mais tout au long de mes quatre années là-bas, j’ai développé cette envie, j’ai fait ce qu’il fallait pour progresser, j’ai pris de l’âge et commencé à être plus mature.”
Là-bas, encadré par l’ex-12e mondial Steve Denton, Rinderknech se renforce à l’occasion des matchs par équipe. Parfois poussé par son public, qu’il n’hésite plus à haranguer, parfois conspué à l’extérieur par des spectateurs hostiles. Là-bas, il devient plus fort. “C’était le bon moment de se lancer.”
Les classements ATP de Rinderknech en fin d’année
- 2015 : non classé
- 2016 : 1032
- 2017 : 1066
- 2018 : 423
- 2019 : 343
- 2020 : 178
- 2021 : 58
- 2022 (janvier) : 48
Rinderknech revient en France en 2018, à 22 ans. D’abord au CNE, qu’il finit par quitter pour rejoindre Sébastien Villette à Saint-Grégoire, en banlieue de Rennes, fin 2019. Dès le début, le courant passe entre les deux hommes. Et les résultats ne tardent pas. Alors 328e mondial, il s’envoie “à domicile” le Challenger de Rennes. Puis celui de Calgary, en mars 2020. Son tennis ultra offensif couche de nombreux adversaire. Le voilà 160e, prêt à vite briser le mur des 100.
Mais l’élan de Rinderknech est coupé par le Covid et le confinement mondial.
Il est l’une des victimes du gel du classement. De ces joueurs qui n’ont pas autant progressé que prévu dans la hiérarchie mondiale. De ceux qui ont réalisé un très bon début de saison 2021 sans pour autant parvenir à rentrer dans les 100. Il a pesté en mai, alors qu’il était dans le top 50 à la Race, mais 124e à l’ATP.
Mais le natif de Grasse (Alpes-Maritimes) n’arrête pas de travailler et de faire de bons résultats. Mi-juillet, il réalise cet objectif après un nouveau quart de finale à Bastad (Suède).
“Cette règle ne favorisait pas ceux qui voulaient déboulonner les mieux classés”
Arthur Rinderknech, à propos du gel du classement ATP
“Ça n’a pas été facile, cette règle a duré un certain moment, analysait-il à froid. C’est comme ça. Il fallait faire avec. Mais ça ne favorisait pas ceux qui voulaient déboulonner les mieux classés.” Il en fait partie. “C’est déjà une très belle étape, mais j’espère que ce n’est qu’une étape”, confie-il, toujours de manière calme et mesurée.
Arthur Rinderknech a tout fait pour être dans ce cercle. 178e début 2021, il conquiert un troisième Challenger à Istanbul avant de rapidement atteindre les quarts d’un ATP 250 à Marseille. “Ils sort des qualifs, bat Davidovich Fokina, raconte son coach. Il n’avait jamais rencontré des joueurs de ce niveau-là. Il a balle de match contre Humbert… C’étaient les prémices.”
Rinderknech et Villette aiment fonctionner par paliers. Lucky loser à Lyon, le joueur se retrouve de nouveau en quart d’un tournoi ATP après son succès contre Jannik Sinner, alors 17e. Son premier top 20. Il y en aura un deuxième, quelques mois plus tard, Roberto Bautista-Agut. “Il est capable de rivaliser avec ces mecs-là”, selon Villette.
Les plus belles victoires de Rinderknech
- Roberto Bautista-Agut : 16e (Gstaad, juillet 2020)
- Jannik Sinner :17e (Lyon, mai 2020)
- Karen Khachanov : 30e (Adélaïde 2, janvier 2021)
- Filip Krajinovic : 33e (Kitzbühel, juillet 2020)
- Dusan Lajovic : 33e (Anvers, octobre 2020)
Le circuit principal, plutôt que le circuit Challenger, devient le terrain de jeu de Rinderknech. “Pour être dans les 100, il faut être capable de battre ces joueurs, de jouer les gros tournois. Si t’as le classement pour jouer les ATP, il faut les jouer et continuer d’avance”, explique Rinderknech.
Son entraîneur abonde : “Il était très performant en Challenger. Face à des joueurs au-delà du top 100, il ne perdait quasiment plus. On ne calcule par le nombre de points, on s’en fout ! Je veux qu’il affronte les meilleurs joueurs pour voir ce qui lui manque.”
Le bilan de la saison 2021 a été probant avec une demi-finale et six quarts en ATP 250, sa première sélection en Coupe Davis – il a pris un set à Cameron Norrie – et une première victoire en Grand Chelem, à l’US Open, après trois échecs au premier tour. Notamment cette défaite 13-12 au cinquième set à Wimbledon. “Quelques nuits très difficiles à y repenser, à refaire le match”, confesse-t-il.
“Je refais le match cent fois exactement dans les mêmes conditions, je ne le gagne pas une fois. C’était terriblement dur, mais tellement satisfaisant et jouissif !”
Arthur Rinderknech, à propos de sa première victoire en Grand Chelem, à l’US Open
A Flushing Meadows, il est mené deux manches à rien par Kecmanovic avant de l’emporter au bout de lui-même et des crampes. “C’était juste fantastique ! Je refais le match cent fois exactement dans les mêmes conditions, je ne le gagne pas une fois. C’était terriblement dur, mais tellement satisfaisant et jouissif !”
Le néo-Breton, qui connait son palmarès et ses données par cœur, résume : “Au bout de quatre quarts de finale, j’étais impatient de passer le cap. Même impatience en Grand Chelem, et j’ai réussi à gagner.”
Sur le circuit ATP, Rinderknech a atteint un nouveau palier : une finale à Adélaïde dès son premier tournoi de l’année 2022. Mais Il devra patienter avant d’ouvrir son palmarès. Le local Thanasi Kokkinakis, vainqueur d’un combat acharné (6-7, 7-6, 6-3), l’en a empêché. Au vu de son niveau de jeu, l’opportunité devrait se représenter dans les prochains mois. “Je suis satisfait du contenu, il y a une vraie progression. Les choses qu’on a bossées pendant l’hiver fonctionnent”, nous a déclaré ce dimanche Sébastien Villette.
Bientôt une deuxième semaine en Grand Chelem ?
En ce début de saison 2022, celle de la confirmation, Villette souhaitait que son protégé prenne encore plus le jeu à son compte. “Le but, c’est qu’il ait le moins de faiblesses exploitables par les autres, détaille l’entraîneur. Si les adversaires n’ont pas de failles à exploiter, lui peut utiliser ses points forts : son service et son coup droit. Qu’il soit en mode rouleau compresseur. Si on ne le met pas en danger, il n’y a plus qu’à dérouler.”
L’entraîneur de Rinderknech ajoute : “C’est un puzzle géant où il a ajouté des pièces qui lui manquaient. Après, une fois qu’on a les pièces, il faut réussir à les assembler.”
Il y parvient plutôt bien en ce début d’année avec trois victoires contre des top 60 et un beau succès contre le 30e mondial Karen Khachanov (ex-8e) à Adélaïde 2. Il est 48e mondial avant l’Open d’Australie, qu’il va débuter contre Alexei Popyrin mardi. Le prochain cap à franchir se situe sans doute là : s’offrir une deuxième semaine en Majeur.