1er janvier 1973 : le jour où Margaret Court a établi un record en remportant l’Open d’Australie pour la 11e fois
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Aujourd’hui, nous retournons en 1973 pour voir comment Margaret Court est revenue en force sur le circuit, après avoir donné naissance à son premier enfant en 1972, en remportant le Grand Chelem australien pour la 11e fois.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi cela a marqué l’histoire du tennis
Ce jour-là, le 1er janvier 1973, Margaret Court établit un record qui restera hors d’atteinte pendant 45 ans, chez les hommes comme chez les femmes, en triomphant à l’Open d’Australie pour la 11e fois. Pour réaliser cet exploit, elle surmonte une blessure pour battre Evonne Goolagong en finale (6-4, 7-5). Elle est également la première joueuse de l’ère Open à remporter un tournoi du Grand Chelem après avoir fondé une famille.
Joueuses ayant gagné un Grand Chelem après avoir donné naissance à un enfant (ère open)
- Margaret Court : Open d’Australie (1973), Roland-Garros (1973), US Open (1973)
- Evonne Goolagong : Wimbledon (1980)
- Kim Clijsters : US Open (2009, 2010), Open d’Australie (2011)
Les personnages : Margaret Court et Evonne Goolagong
- Margaret Court, la reine est de retour
Margaret Court est née en 1942. A l’époque, l’Australienne est vue comme la plus grande joueuse de tennis de tous les temps. Sa grande envergure et sa qualité de déplacement font de son jeu de service-volée une arme fatale. Elle s’appuie également sur une force colossale, qui lui permet d’être impériale au smash. Court a gagné neuf tournois du Grand Chelem en simple avant l’ère Open, et en 1964, elle boucle un « Grand Chelem total », qui consiste à remporter, en carrière, tous les tournois du Grand Chelem à la fois en simple, en double et en double mixte. En 1963 et 1965, elle réalise même le Grand Chelem calendaire en double mixte. La révolution Open ne met pas un terme à sa domination. En 1969, le seul titre majeur qu’elle ne parvient pas à décrocher est Wimbledon. En 1970, elle remporte les quatre tournois du Grand Chelem, un exploit qui n’avait été accompli qu’une seule fois auparavant dans l’histoire du tennis féminin (par Maureen Connolly, en 1953). Court relâche sa domination sur le circuit en 1971, enceinte de son premier enfant, Daniel, qui naît en mars 1972. Elle est de retour sur le circuit avant la fin de la saison, atteignant les demi-finales de l’US Open.
- Evonne Goolagong, “Sunshine Supergirl”
Evonne Goolagong, surnomée “Sunshine Supergirl”, est célèbre pour sa grâce et son jeu décontracté. Née en 1951 dans une famille aborigène australienne, elle est, malgré les lourds préjugés raciaux en vigueur dans l’Australie rurale, encouragée à jouer au tennis et en 1965, elle part à Sydney étudier au lycée et perfectionner son jeu. Elle se révèle à l’international en 1971, lorsqu’elle remporte successivement Roland-Garros et Wimbledon, où elle bat la grande Margaret Court en finale (6-4, 6-1). Les années suivantes, elle participe à deux finales consécutives de l’Open d’Australie et, en 1972, elle atteint également la finale à Paris et à Wimbledon (battue à chaque fois par Billie Jean King, sur le même score de 6-3, 6-3).
Le lieu : l’Open d’Australie, à Melbourne
Contrairement aux autres tournois du Grand Chelem, l’Open d’Australie (d’abord appelé Championnat d’Australasie puis Championnat d’Australie) a changé plusieurs fois de lieu au fil des ans. L’épreuve changeait même de ville chaque année avant de s’installer à Melbourne en 1972, et pas moins de cinq villes australiennes l’ont accueillie à au moins trois reprises : Melbourne, Sydney, Adélaïde, Brisbane et Perth. Ses dates ont été assez mouvantes également, entre début décembre et fin janvier, faisant de l’Open d’Australie parfois le premier, parfois le dernier Grand Chelem de la saison. À l’époque, la plupart des meilleurs joueurs font l’impasse sur l’épreuve en raison de son éloignement et des prix insuffisants.
L’histoire : Curt triomphe malgré une blessure aux abdominaux
Pour la première fois de sa carrière, lorsque débute l’Open d’Australie 1973, Margaret Court, deuxième femme de l’histoire du tennis à avoir réalisé le Grand Chelem calendaire, n’a pas atteint une finale majeure depuis plus de deux ans. La plus grande joueuse de son temps a cependant une bonne excuse : neuf mois plus tôt, en mars 1972, elle a donné naissance à son premier enfant, Daniel. Elle est revenue sur le circuit à temps pour participer à l’US Open, où elle s’est hissée jusqu’en demi-finale (battue par Billie Jean King, 6-4, 6-4). À la fin du mois de décembre, Court a remporté 11 des 15 tournois auxquels elle a participé depuis son retour.
À l’Open d’Australie, où elle a déjà triomphé à dix reprises et n’a subi en tout et pour tout que deux défaites, elle est nommée tête de série numéro 1. Elle semble en grande forme : ses deux premières adversaires, Nathalie Fuchs et Brenda Dart, sont toutes deux balayées sans marquer le moindre jeu (6-0, 6-0), et jusqu’en finale, elle ne perd pas un seul set. Cependant, lors de sa victoire en demi-finale contre Kerry Melville (6-1, 6-0), elle se blesse aux muscles abdominaux.
Entre Court et une 11e couronne à l’Open d’Australie se tient encore la tête de série numéro 2, sa compatriote Evonne Goolagong. Les deux femmes se sont déjà affrontées à de nombreuses reprises et, après que Court se soit facilement imposée lors de leurs premières rencontres, elle fut poussée à ses limites lors de la finale de l’Open d’Australie 1971 (2-6, 7-6, 7-5) et finalement battue en finale de Wimbledon la même année (6-4, 6-1).
Malgré sa blessure, qui affecte surtout son service et son smash, Court livre une prestation impressionnante pour surclasser Goolagong (6-4, 7-5). Par un jour de l’an particulièrement chaud, avec une température de 45°C, la déjà décuple vainqueur du tournoi met constamment soin adversaire sous pression en montant au filet sur son point faible : le coup droit. Il ne faut que 62 minutes à Court pour s’imposer et remporter un incroyable 11e titre à l’Open d’Australie, devant 11 500 spectateurs.
La postérité du moment : Court gardera son record jusqu’au règne de Nadal à Roland-Garros
Margaret Court restera la seule joueuse de l’histoire du tennis à avoir remporté le même tournoi du Grand Chelem autant de fois pendant 45 ans, jusqu’à ce que, en 2018, Rafael Nadal remporte Roland-Garros pour la 11e fois avant d’établir un nouveau record avec un 12e et même un 13e triomphe.
Joueurs ayant remporté le plus de titres dans un même Grand Chelem
Tournoi | Hommes | Femmes |
Open d’Australie | Novak Djokovic (9) | Margaret Court (11, dont 4 durant l’ère Open)Ère open: Serena Williams (7) |
Roland-Garros | Rafael Nadal (13) | Chris Evert (7) |
Wimbledon | Roger Federer (8) | Martina Navratilova (9) |
US Open | Tous les temps: Richard Sears, William Larned, Bill Tilden (7) Ère open: Jimmy Connors, Pete Sampras, Roger Federer (5) | Tous les temps: Molla Mallory (8) Ère open: Chris Evert, Serena Williams (6) |
Elle reste la seule femme de l’histoire à avoir réalisé deux “Grand Chelem totaux” (c’est-à-dire remporter tous les tournois du Grand Chelem en simple, double et double mixte), une fois en tant qu’amateur, et une seconde fois en tant que professionnelle.
1973 sera sa dernière grande saison, durant laquelle elle remportera Roland-Garros puis l’US Open, son dernier titre du Grand Chelem, mais sa saison sera cependant assombrie par sa défaite face à Bobby Riggs lors du « Massacre de la Fête des Mères ». Elle prendra sa retraite en 1977, avec à son palmarès un record de 64 titres du Grand Chelem, dont 24 en simple, également un record. En 2003, un court de 6000 places sera rebaptisé à son nom à Melbourne Park. Elle se reconvertira en ministre du culte pentecôtiste, et créera à plusieurs reprises la polémique en tenant des propos homophobes.
Evonne Goolagong remportera l’Open d’Australie quatre fois d’affilée(1974-1977). Elle s’inclinera en finale de Wimbledon en 1975 et 1976 avant d’y remporter une deuxième couronne en 1980, en battant Chris Evert en finale (6-1, 7-6). En triomphant au All England Club cette année-là, elle deviendra la première mère à réaliser cet exploit depuis Dorothea Lambert Chambers en 1914 (elle avait donné naissance à son premier enfant en 1977). Le seul titre majeur qui manquera à son palmarès sera l’US Open, où elle disputera pourtant quatre finales (1973-1976) sans jamais soulever le trophée. Elle prendra sa retraite en 1985 et sera ensuite nommée rétrospectivement numéro 1 mondiale en 2007, car, sans une erreur informatique, elle aurait dû occuper cette place pendant deux semaines en 1976.