15 janvier 2002 : Le jour où Hewitt est devenu le premier n°1 mondial à perdre au premier tour de l’Open d’Australie
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Aujourd’hui, nous retournons en 2002 pour voir comment Lleyton Hewitt, le premier joueur local à être tête de série n°1 à l’Open d’Australie depuis Ken Rosewall en 1976, est également devenu la première tête de série numéro 1 à quitter le tournoi dès le premier tour, battu par le 39e mondial, Alberto Martin.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi c’est historique : Devant son public, Hewitt, numéro 1 mondial, s’effondre
Ce jour-là, le 15 janvier 2002, Lleyton Hewitt, qui venait de devenir le plus jeune numéro 1 mondial de l’histoire du tennis, est éliminé au premier tour de l’Open d’Australie par l’Espagnol Alberto Martin (1-6, 6-1, 6-4, 7-6). Première tête de série n°1 à être battue au premier tour dans l’histoire du tournoi, Hewitt avait été touché par la varicelle moins de deux semaines plus tôt et n’était pas complètement rétabli de la maladie. Cette nouvelle est dévastatrice pour le tournoi qui, après le forfait d’Andre Agassi et la défaite de Gustavo Kuerten au premier tour, se voit privé des trois premières têtes de série avant même le deuxième tour.
Les personnages : Lleyton Hewitt et Alberto Martin
- Lleyton Hewitt, jeune prodige
Lleyton Hewitt est né en 1981. Alors que son père avait été joueur professionnel de football australien et sa mère joueuse de netball professionnelle, le jeune Lletyon choisit le tennis. En janvier 1997, à l’âge de 15 ans et 11 mois seulement et sans classement ATP, il est invité aux qualifications de l’Open d’Australie, où il remporte trois matches pour devenir le plus jeune qualifié de l’histoire du tournoi (battu au premier tour du tableau principal par Sergi Bruguera, 6-3, 6-4, 6-3).
Un an plus tard, en 1998, le jeune Aussie surprend le monde du tennis en remportant son premier titre ATP avant même son 17e anniversaire, dans sa ville natale d’Adelaïde. En cours de route, il y bat le grand André Agassi (7-6, 7-6) et, en finale, Jason Stoltenberg (3-6, 6-3, 7-6).
En 1999, il remporte un deuxième titre, à Delray Beach (en battant Xavier Malisse, 6-4, 6-7, 6-1) et termine la saison à la 25e place mondiale, participant également au triomphe de l’équipe australienne en Coupe Davis.
En 2000, il devient le premier joueur de moins de 20 ans à remporter quatre titres en une saison depuis Pete Sampras ; le plus important de ces quatre titres est le tournoi du Queen’s, où il bat en finale Sampras, sextuple champion de Wimbledon (6-4, 6-4). C’est également en 2000 qu’il obtient son premier grand résultat en Grand Chelem, atteignant les demi-finales de l’US Open, où Sampras prend sa revanche (7-6, 6-4, 7-6).
“Rusty”, comme l’appelle son entraîneur Darren Cahill, fait désormais partie du top 10, et en 2001, il change encore de dimension en triomphant à l’US Open, en battant Sampras en finale (7-6, 6-1, 6-1). À seulement 20 ans, il devient ensuite le plus jeune numéro 1 mondial de tous les temps en remportant le Masters aux dépens de Sébastien Grosjean (6-3, 6-3, 6-4). Hewitt, très habile au retour de service, possède l’un des meilleurs jeux de jambes au monde, et il est surtout un incroyable combattant : son caractéristique “come on !” est déjà célèbre dans le monde du tennis.
- Alberto Martin, terrien espagnol
L’Espagnol Alberto Martin, né en 1978, était l’un des jeunes les plus prometteurs de sa génération, remportant le titre chez les juniors à Roland-Garros en 1996. Cependant, bien qu’il ait eu une carrière décente jusqu’à présent, il n’a jamais connu le même succès sur le circuit principal.
Il a tout de même remporté trois titres ATP, tous sur terre battue, dont le plus important à Majorque, en 2001, où il a battu Guillermo Coria en finale (6-3, 3-6, 6-2). La même année, il obtient son meilleur classement, 34e mondial. Au début de l’année 2002, il n’a encore jamais atteint les huitièmes de finale d’un tournoi du Grand Chelem et occupait le 39e rang mondial.
Le lieu : Open d’Australie
Contrairement aux autres tournois du Grand Chelem, l’Open d’Australie (d’abord appelé Championnats d’Australasie puis Championnats d’Australie) a changé plusieurs fois de lieu au fil des ans. L’épreuve changeait même de ville chaque année. Avant de poser ses bagages à Melbourne en 1972, pas moins de cinq villes l’ont accueillie à au moins trois reprises : Melbourne, Sydney, Adelaïde, Brisbane et Perth.
Ses dates ont été assez mouvantes également, entre début décembre et fin janvier, faisant de l’Open d’Australie parfois le premier, parfois le dernier Grand Chelem de la saison. Jusqu’en 1982, la plupart des meilleurs joueurs font l’impasse sur l’épreuve en raison de son éloignement et d’un prize-money peu attractif, mais la dynamique va changer à partir de la fin des années 80.
Pour rendre le tournoi plus attractif, le comité du tournoi déploie d’énormes efforts qui mènent au déménagement de l’épreuve en 1988 vers un nouveau site, Flinders Park (qui sera plus tard renommé Melbourne Park), doté du premier court central avec un toit rétractable. En même temps le gazon est abandonné au profit du dur, et la dotation augmente également. Il ne faut alors que quelques années pour que l’Open d’Australie devienne le Grand Chelem préféré de nombreux joueurs.
L’histoire : Hewitt était loin d’être à 100% physiquement
En 2002, pour la première fois depuis 1976, la tête de série numéro 1 de l’Open d’Australie est australienne. Lleyton Hewitt, qui n’a cessé de battre des records de précocité depuis qu’il s’est qualifié dans le tableau principal de Melbourne à l’âge de 15 ans, est devenu en novembre 2001 le plus jeune numéro 1 mondial de l’histoire du tennis.
Alors que l’autre star locale, Patrick Rafter, est sur le déclin (en raison d’une blessure à l’épaule, il n’apparaîtra d’ailleurs plus jamais sur le circuit), “Rusty” porte sur ses épaules l’espoir d’une nation, celui de voir à nouveau un joueur australien triompher sur ses propres terres, ce qui n’est pas arrivé depuis la victoire inattendue de Mark Edmondson en 1976.
Cependant, onze jours avant le début du premier Grand Chelem de l’année, Hewitt se retire de la Hopman Cup car il a attrapé la varicelle. Après s’être assuré qu’il ne serait plus contagieux au début du tournoi, il doit ensuite décider avec son médecin s’il est en mesure de jouer. Ceux qui le connaissent ne sont nullement surpris de le voir faire son entrée sur le court le 15 janvier pour disputer son premier tour contre le 39e mondial, Alberto Martin.
Après avoir facilement remporté le premier set, le numéro un mondial a manifestement du mal et se fait soigner des ampoules à plusieurs reprises aux changements de côté. Malgré la perte des deuxième et troisième sets, il continue à se battre à sa manière, poussant son adversaire au tie-break du quatrième set.
Puis, alors que Martin mène 5-4 dans le tie-break, service à suivre, l’Espagnol prend une décision controversée : touché par des crampes, il demande un temps mort médical. Après avoir été soigné, il remporte les deux points suivants, concluant ainsi le match, 1-6, 6-1, 6-4, 7-6. Hewitt écume de rage et ne peut contenir sa colère dans ses interviews d’après-match.
“Ce n’est pas la bonne chose à faire en plein jeu”, déclare Hewitt, selon CNN. “Je pense que c’est choquant de faire cela à 5-4. (…). J’ai vu au moins trois officiels au bord du court qui ont assisté à la scène, mais personne n’a rien dit. A un moment donné, il faut que quelqu’un pose ses c…sur la table, sinon quelqu’un en profitera comme il l’a fait aujourd’hui. (…) J’ai moi-même eu des douleurs aux jambes en début de match, puis des crampes.. Mais j’ai attendu le changement de côté parce que ce n’est pas bien d’interrompre le jeu.”
Alberto Martin répond simplement que ce qu’il a fait n’était pas contraire aux règles.
“Qu’est-ce que j’étais censé faire ? J’avais des crampes dans les deux jambes”, dit-il aux journalistes. “J’ai demandé à l’arbitre si je pouvais appeler le soigneur, je ne pense pas avoir fait quelque chose contre les règles. Si j’avais continué, je me serais retrouvé au sol”.
Quoi qu’il en soit, Lleyton Hewitt est la première tête de série numéro 1 de l’histoire du tournoi à être évincée dès le premier tour. Pour le directeur de l’Open d’Australie, c’est un énorme choc car, après le forfait de dernière minute d’Andre Agassi et la défaite de Gustavo Kuerten la veille, il a perdu ses trois premières têtes de série avant même le début du deuxième tour. Le numéro 1 mondial, quant à lui, quitte Melbourne en colère mais sans déception.
“Je ne suis pas aussi déçu que je l’ai été lors d’autres matches car je sais que je suis allé sur le terrain aujourd’hui sans être à 100 %”, affirme-t-il. “Je ne suis pas Superman.”
La postérité du moment : Hewitt se rattrapera à Wimbledon
Alberto Martin sera battu au troisième tour de l’Open d’Australie 2002 par Marcelo Rios (6-4, 6-3, 7-6). Le tournoi sera rempli de surprises jusqu’à son dénouement, avec le triomphe inattendu de la tête de série n°16, Thomas Johansson, qui battra Marat Safin en finale (3-6, 6-4, 6-4, 7-6).
Hewitt occupera la première place mondiale pendant 80 semaines, et notamment durant toute la saison 2002, durant laquelle il s’imposera à Wimbledon (en battant en finale David Nalbandian, 6-2, 6-3, 6-2) et au Masters (aux dépens de Juan Carlos Ferrero, 7-5, 7-5, 2-6, 2-6, 6-4).
Après avoir perdu la première place en 2003, Hewitt restera l’un des meilleurs joueurs du monde pendant deux bonnes années, finaliste à l’US Open 2004 (battu par Roger Federer, 6-0, 7-6, 6-0) et à l’Open d’Australie 2005 (battu par Marat Safin, 1-6, 6-3, 6-4, 6-4). Il quittera définitivement le top 10 au début de l’année 2006 puis, blessé successivement au genou, à la hanche, à la main, au poignet, au dos et au pied, il ne parviendra plus jamais à se hisser dans le dernier carré d’un tournoi du Grand Chelem.