13 janvier 1997 : Le jour où Carlos Moya a battu Boris Becker, tenant du titre, au premier tour de l’Open d’Australie
Le 13 janvier 1997, Carlos Moya, 25e mondial, renverse à la surprise générale Boris Becker, le tenant du titre, au premier tour de l’Open d’Australie.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi c’est historique : Une première depuis 20 ans
Ce jour-là, le 13 janvier 1997, Carlos Moya, 25e mondial, renverse à la surprise générale Boris Becker, le tenant du titre, au premier tour de l’Open d’Australie (5-7, 7-6, 3-6, 6-1, 6-4). L’Allemand est le premier tenant du titre à s’incliner au premier tour du tournoi depuis Roscoe Tanner, en 1977. L’Espagnol, quant à lui, se hissera jusqu’en finale, éliminant au passage le n°2 mondial, Michael Chang, avant d’être dominé par Pete Sampras (6-2, 6-3, 6-3).
Les personnages : Carlos Moya et Boris Becker
- Carlos Moya, jeune prometteur
Carlos Moya, né en 1976 à Majorque, devient professionnel en 1995. Gaucher dans la vie de tous les jours mais droitier au tennis, il intègre le top 100 en novembre de cette même année, juste après avoir remporté son premier titre, à Buenos Aires, aux dépens de Felix Mantilla (6-0, 6-3). En 1996, il ajoute un deuxième tournoi à son palmarès, en s’imposant à Umag (en battant à nouveau Mantilla en finale, 6-0, 7-6), et, disputant deux autres finales sur le circuit, il termine l’année à la 28e place mondiale. Avec son énorme coup droit, il est l’un des joueurs les plus prometteurs de sa génération, ce qu’il confirme à l’entame de 1997 en atteignant la finale à Sydney (battu par Tim Henman, 6-3, 6-1).
- Boris Becker, tenant du titre
Boris Becker est né en 1967. En 1985, à 17 ans, l’Allemand devient le plus jeune vainqueur de l’histoire de Wimbledon, en battant Kevin Curren en finale (6-3, 6-7, 7-6, 6-4). Au total, il remporte pas moins de trois titres au All England Club, qui est aussi le théâtre de sa célèbre rivalité avec le Suédois Stefan Edberg. A trois reprises, les deux hommes y croisent le fer en finale, Becker ne l’emportant qu’une fois, en 1989 (6-0, 7-6, 6-4), bien qu’il mène pourtant largement sur l’ensemble de leurs affrontements. Son service surpuissant lui vaut le surnom de « Boum Boum ». Il est connu pour ses spectaculaires plongeons à la volée. C’est un joueur très expressif qui est capable parfois de « péter les plombs ». Sa grande époque a lieu entre 1989 et 1991 : pendant cette période, il accumule trois titres du Grand Chelem et atteint la place de numéro 1 mondial le 28 janvier 1991, suite à son triomphe face à Ivan Lendl en finale à Melbourne (1-6, 6-4, 6-4, 6-4). Becker traverse ensuite une période plus difficile et, en 1993, il sort même du top 10 pour la première fois en huit ans. En 1994, il parvient en demi-finales de Wimbledon et remporte le tournoi de Stockholm, où il bat les trois premiers mondiaux à la suite, terminant l’année à la troisième place mondiale. En 1995, il est finaliste à Wimbledon, battu par Pete Sampras (6-7, 6-2, 6-4, 6-2) et se hisse dans le dernier carré à Flushing Meadows, mais en 1996, il gagne son sixième tournoi du Grand Chelem à Melbourne, aux dépens de Michael Chang (6-2, 6-4, 2-6, 6-4). Après un quatrième triomphe au Queen’s, une blessure au poignet l’éloigne des courts jusqu’à la saison indoor, au cours de laquelle il évolue à un très haut niveau. Après avoir battu Sampras en finale de Stuttgart (3-6, 6-3, 3-6, 6-3, 6-4), il le domine à nouveau lors de la phase de poules du Masters (7-6, 7-6), mais l’Américain le domine sur le fil à l’issue d’une finale qui marquera l’histoire du tennis (3-6, 7-6, 7-6, 6-7, 6-4). Il semble alors que Becker est redevenu l’un des joueurs les plus dominateurs du circuit, et il est l’un des favoris de l’Open d’Australie.
Le lieu : Melbourne
Contrairement aux autres tournois du Grand Chelem, l’Open d’Australie (d’abord appelé Championnat d’Australasie puis Championnat d’Australie) a changé plusieurs fois de lieu au fil des ans. L’épreuve changeait même de ville chaque année avant de s’installer à Melbourne en 1972, et pas moins de cinq villes australiennes l’ont accueillie à au moins trois reprises : Melbourne, Sydney, Adelaide, Brisbane et Perth. Ses dates ont été assez mouvantes également, entre début décembre et fin janvier, faisant de l’Open d’Australie parfois le premier, parfois le dernier Grand Chelem de la saison. Jusqu’en 1982, la plupart des meilleurs joueurs font l’impasse sur l’épreuve en raison de son éloignement et des prix insuffisants, mais à partir de la victoire de Mats Wilander, la dynamique change. Pour rendre le tournoi plus attractif, le comité du tournoi déploie d’énormes efforts qui mènent au déménagement de l’épreuve vers un nouveau site, Flinders Park (qui sera plus tard renommé Melbourne Park), à l’abandon du gazon pour des courts en dur, et à la construction du premier court central doté d’un toit rétractable. La dotation augmente également, et depuis que le tournoi s’est établi à Flinders Park, tous les vainqueurs du tournoi ont un jour occupé la première place mondiale.
L’histoire : Moya a épuisé Becker
À son arrivée en Australie, le tenant du titre Boris Becker est l’un des favoris du tournoi. En 1996, il a joué un grand tennis, et lorsque les blessures l’ont laissé en paix, il était certainement le deuxième meilleur joueur après Pete Sampras. Bien que son adversaire, le jeune Espagnol Carlos Moya, 21 ans, vient d’atteindre la finale à Sydney, personne ne pense qu’il représente le moindre danger pour Becker. Personne, à part les joueurs eux-mêmes, qui se souviennent que l’Espagnol a défait l’Allemand au mois de novembre, à Paris-Bercy (6-3, 5-7, 6-4).
Sous une chaleur extrême typiquement australienne, les deux hommes se livrent une bataille féroce, Becker tentant de prendre le filet d’assaut dès que possible, et Moya tentant de mettre assez de lift pour tenir l’Allemand à distance. Au bout du compte, c’est peut-être la précision des passings shots de Moya qui fait la différence. Malgré 22 aces et 30 volées gagnantes, le tenant du titre s’incline après trois heures et demie de jeu ((5-7, 7-6, 3-6, 6-1, 6-4). Avec 17 doubles fautes et 87 fautes directes, Becker a selon lui produit « le pire de tennis de (sa) vie en Australie. »
« Jouer contre lui me donne une motivation supplémentaire », avoue Moya. « Becker est l’un des plus grands joueurs de tous les temps. »
« Mon cerveau ressemble à des œufs brouillés en ce moment », déclare Becker à l’issue de la rencontre, évoquant ainsi les conditions caniculaires. « J’ai du mal à m’exprimer normalement parce que je suis en train de brûler. »
L’Allemand est le premier tenant du titre d’un tournoi du Grand Chelem, depuis Roscoe Tanner en 1977, à être évincé dès le premier tour.
La postérité du moment : Moya deviendra numéro un mondial
Carlos Moya continuera sa route jusqu’en finale de l’Open d’Australie, éliminant au passage le n°2 mondial, Michael Chang, en demi-finale (7-5, 6-2, 6-4). Il y sera balayé par Pete Sampras (6-2, 6-3, 6-3). La carrière de Moya culminera en 1998, année où il remportera à Roland-Garros son unique titre du Grand Chelem, en battant Alex Corretja en finale (6-3, 7-5, 6-3). Atteindre également les demi-finales de l’US Open et la finale du Masters lui permettra d’atteindre la première place mondiale en mars 1999, même s’il ne l’occupera que deux semaines. Retraité des courts en 2010, Moya sera ensuite connu comme l’entraîneur de Rafael Nadal à la fin des années 2010.
Après avoir perdu contre Sampras en quarts de finale de Wimbledon 1997 (6-1, 6-7, 6-1, 6-4), Boris Becker annoncera renoncer aux tournois du Grand Chelem. En 1998, il ne disputera que 11 tournois, sans en gagner un seul, et en 1999, il jouera son dernier tournoi à Wimbledon, éliminé par Patrick Rafter en huitièmes de finale (6-3, 6-2, 6-3).