“J’aime ce sport, tout simplement” – Après quatre opérations au coude, Ana Konjuh garde la “foi” en son come-back
Après trois ans quasiment sans jouer et quatre opérations du coude, Ana Konjuh est déterminée à laisser ses doutes derrière elle et à remonter au classement. Un retour en grâce accéléré par sa qualification pour le troisième tour du tournoi de Miami cette semaine.
C’est le retour sur la grande scène qu’Ana Konjuh attendait avec impatience. Victorieuse de Madison Keys jeudi (6-4, 6-2), la Croate s’est qualifié pour le troisième tour du WTA 1000 de Miami, après avoir sorti Katerina Siniakova pour son entrée dans le tournoi. C’est la première fois que Konjuh remporte deux matchs de suite dans un tournoi depuis août 2017 (Stanford) et son premier succès contre une Top 20 depuis Wimbledon la même année (Dominika Cibulkova). Un moment forcément fort pour celle qui a traversé tant d’épreuves ces dernières années et réintégrera le Top 300 au prochain classement WTA.
Avant l’Open d’Australie junior en 2013, Konjuh avait passé un marché avec ses parents : si elle gagnait le titre, ils l’autoriseraient à se faire un tatouage. Elle y songeait depuis un moment. Elle a soulevé le trophée et s’est fait tatouer “faith” (foi, en français) avec une croix à côté, sur son poignet gauche.
“Ce tatouage a un signification particulière désormais. Si je n’avais pas la foi, je ne ferais pas tout ça aujourd’hui. Je crois en moi et en mon come-back.”
Konjuh était un prodige destinée à réaliser de grandes choses. Après avoir remporté l’Open d’Australie et l’US Open chez les juniors en 2013, elle s’est concentrée pleinement sur le tennis professionnel dès l’âge de 16 ans.
Elle n’a pas attendu longtemps pour marquer les esprits sur le circuit WTA. La Croate a remporté son premier titre à Nottingham, en 2015, et a atteint les quarts de finale de l’US Open l’année suivante.
Konjuh était en deuxième semaine à Wimbledon en 2017, s’inclinant face à Venus Williams, future finaliste. Elle a ainsi grimpé à son meilleur classement en carrière, se retrouvant 20e mondiale fin juillet.
Deux mois plus tard, Konjuh subissait la première de ses quatre opérations du coude. Depuis, c’est un pas en avant pour deux pas en arrière, et elle n’a disputé que neuf matchs sur les deux saisons suivantes.
Sa tête était pleine de doutes. Mais elle n’a jamais cessé de croire en elle, comme son tatouage le lui rappelait. Son amour pour le tennis a continué à la pousser dans une période où beaucoup auraient jeté l’éponge. Personne ne l’aurait blâmée si elle avait cédé, mais encore une fois, Konjuh a démontré sa résilience.
Mon coude ne sera plus jamais à 100%, mais je me suis faite à cette idée
A la mi-septembre 2020, elle s’est engagé sur un tournoi ITF W25 à Zagreb, et elle l’a gagné. Sur terre battue, la surface qu’elle apprécie le moins.
“C’était très agréable d’être de retour après des années de galère. Ces trois dernières années, je n’étais vraiment pas une membre à part entière du circuit WTA, donc c’était réconfortant de voyager et de jouer des matchs à nouveau, a avoué Konjuh à Tennis Majors, depuis son domicile, à Zagreb. Sur le premier tournoi, j’ai ressenti tellement d’adrénaline, c’était incroyable. C’était un peu différent par rapport à d’habitude, parce que je dormais à la maison. Mais c’était une bonne chose, parce que j’étais plus relâchée. J’ai grandi sur terre battue, donc j’ai réussi à m’en sortir. Ce n’était pas un tournoi particulièrement relevé, mais j’ai battu de bonnes joueuses, comme (Kamilla) Rakhimova, qui a atteint le deuxième tour de Roland-Garros derrière.”
Konjuh, qui a fêté ses 23 ans le 27 décembre, s’est aligné sur cinq tournois supplémentaires avant de mettre un terme à sa saison. Elle a concédé des défaites sèches, comme celle face à Arantxa Rus (6-1, 6-2), mais elle a aussi décroché des victoires encourageantes, par exemple celle contre Kaia Kanepi, ex-n°15 mondiale. Plus important encore, elle était physiquement prête pour jouer. Elle a certes abandonné lors de son dernier match de l’année, en demi-finale d’un W25 à Selva Gardena, en Italie, mais à cause d’une légère entorse de la cheville.
“C’était bizarre, parce que j’ai reçu une centaine de messages pour me demander si tout allait bien avec mon bras. Mon coude ne sera plus jamais à 100%, mais je me suis fait à cette idée. Après quatre opérations et des années de torture, ce n’est plus une articulation saine. Mon échauffement et mes étirements durent plus longtemps désormais, le physio doit travailler sur mon coude trois fois par jour. Je dois redécouvrir mes limites, j’espère que ça tiendra pour quelques années encore. Ça suffirait vraiment à mon bonheur.”
Le mot-clé : amour
Il est souvent demandé à Konjuh où elle trouve la force de continuer malgré tous ces soucis. C’est un défi mental et physique, et pour dénicher la réponse, il faut creuser dans le passé.
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Konjuh est tombée en amour pour le tennis en regardant sa sœur aînée Andrea s’entraîner à Dubrovnik, la ville où elles ont grandi. Elle ramassait les balles pour sa sœur, mais très vite elle l’a rejointe sur le court. Elle a instantanément compris que le tennis serait sa passion. Konjuh en était tellement convaincue qu’avec sa sœur, elle a déménagé à Zagreb, la capitale de la Croatie, à 11 ans.
“J’ai eu des pensées négatives, des interrogations, en particulier avant une opération difficile, dont beaucoup d’athlètes n’ont pas réussi à revenir. Mais au bout du compte, le mot-clé pour moi, c’est ‘amour’. J’aime ce sport, tout simplement. J’aime frapper cette petite balle jaune, depuis que je suis enfant, c’est tout ce que j’ai toujours voulu faire. Mon père dit toujours que j’étais folle de ces balles et ça n’a pas changé depuis ce jour.”
Konjuh poursuit, après une courte pause :
“Le sentiment d’avoir des gens qui vous regardent et vous encouragent après un beau point, ça me galvanise, c’est même impossible de mettre des mots sur cette sensation. A mon sens, je ne pourrais pas ressentir cette passion dans un autre domaine. Je ne veux pas m’arrêter et nourrir des regrets par la suite, me disant que j’aurais pu en faire plus. J’ai envie de retenter ma chance et j’espère sincèrement que tout se passera bien.”
Konjuh est tombée au plus bas après sa troisième opération, en 2018. Une fois de plus, elle a dû en passer par un processus éreintant, entre la rééducation et la ré-athlétisation, repartant de zéro et devant à nouveau expérimenter la douleur. Comme elle l’admet, elle s’est heurtée un mur, se sentait frustrée, déçue, et commençait à se demander : “Mais pourquoi le sort s’acharne sur moi ?” Sa famille et son équipe l’ont pleinement soutenue à chaque étape, mais Konjuh remercie tout particulièrement une personne : Meri Trampić.
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“C’est ma physio depuis cinq ans, nous sommes devenues des amies. Meri sait tout ce par quoi je suis passée, nous n’avons aucun secret l’une pour l’autre et elle m’a énormément aidée à traverser tout ça mentalement. Meri était mon rocher.”
L’US Open 2016, le bon vieux temps
Pour traverser toutes les difficultés, Konjuh s’est raccrochée à l’idée qu’elle avait bien sa place au plus haut niveau. Elle en a apporté la preuve dans sa courte carrière sur le circuit principal, quand elle n’était encore qu’une adolescente. L’un des temps forts est bien évidemment son parcours jusqu’en quart de finale de l’US Open 2016, où elle avait battu Kiki Bertens, Kurumi Nara, Timea Bacsinszky et Agnieszka Radwanska, avant de finalement s’incliner contre Karolina Pliskova.
“Ça paraît appartenir à une autre vie… Je me souviens très bien du match contre Radwanska en huitièmes de finale (6-4, 6-4). Sur le court Arthur-Ashe, en night-session. Je l’avais affrontée à Wimbledon, et j’avais été très proche de la battre avant de me tordre la cheville. C’était une motivation supplémentaire, je sentais que c’était mon jour. Tout ce que j’avais planifié avait fonctionné sur le terrain et le public était incroyable. Quand on parlait de mon amour pour le tennis, ce match fait partie des moments qu’on ne peut pas décrire avec des mots. C’est une expérience rare et j’espère pouvoir en connaître d’autres à l’avenir.”
Même si Kristijan Schneider n’était pas encore son entraîneur à l’époque, il a travaillé avec Konjuh pendant plus de sept ans et elle lui en sera toujours reconnaissante.
“Il a joué un rôle crucial dans ma progression. Nous étions sérieux sur le terrain, la dose de travail était considérable, mais en dehors, il était très drôle aussi. Ça convenait bien à ma personnalité, je me sentais bien avec lui. Nous faisions tout le temps des paris pendant l’entraînement : se faire des colorations, faire des pompes dans l’avion pour l’Australie, une fois il a même promis de courir nu autour du terrain si je gagnais le tournoi. Je ne m’ennuyais jamais avec Kristijan.”
Adapter son style de jeu
Au moment de composer son staff, Konjuh veut s’entourer de bonnes personnes, qui lui fixent des objectifs réalistes et qui n’ont pas peur de dire les choses – “Tu dois apprendre à écouter en sachant que tu n’es pas toujours la personne la plus intelligente dans la pièce.” Elle collabore actuellement avec Antonio Veić, ancien No 119 mondial qui travaille avec elle depuis sa deuxième opération.
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Konjuh aime dicter l’échange et contrôler le tempo des points, elle a d’ailleurs toujours rencontré des difficultés face à des adversaires au style comparable, comme Venus Williams et Karolina Pliskova par exemple.
Konjuh souhaite maintenant faire évoluer son style de jeu pour que sa carrière se prolonge. Ses idoles était Kim Clijsters et Li Na, elle essaye de s’inspirer d’elles pour y parvenir.
“Je dois trouver un équilibre, jouer un ou deux coups supplémentaires, sans chercher à finir les points dans des positions impossibles, ce que j’ai parfois tendance à faire. Je dois mieux comprendre le tennis. Plus tôt, j’étais une enfant, et tu ne réfléchis pas vraiment, tu suis juste ton intuition. Désormais, Antonio me fait réfléchir un coup à l’avance, si je joue une balle ici, à quel endroit elle reviendra, des choses comme ça. J’envisage le jeu différemment, avec plus de précision, d’un point de vue tactique et mental.”
Le désir le plus fort de Konjuh en dehors du court est de fonder une famille et de devenir mère, elle ne se voit pas jouer bien longtemps la trentaine passée. Mais pour l’instant, elle n’y songe pas.
“Je veux juste jouer et revenir le plus vite possible.”