Comment le Delray Beach Open a “saisi l’opportunité” d’ouvrir la saison 2021
Le Delray Beach Open a dû accélérer ses plans pour 2021 avec la refonte totale du calendrier ATP ce mois-ci. Tennis Majors s’est entretenu avec John Butler, directeur exécutif du tournoi, pour savoir comment les organisateurs ont travaillé sous la pression d’un timing très serré.
Durant le mois de novembre, quand le premier trimestre du calendrier 2021 de la saison de tennis était encore flou, le Delray Beach Open était confronté à de nombreuses incertitudes, tout en gardant l’espoir de pouvoir organiser le tournoi aux dates prévues, du 12 au 21 février.
Avant Thanksgiving, Tennis Majors avait contacté John Butler, directeur exécutif du tournoi, pour évoquer ses plans pour 2021. Il avait alors assuré que son équipe se préparait à tous les scénarios possibles et voulait maintenir l’événement, malgré le contexte particulier.
C’est à ce moment-là, avec la décision de l’Open d’Australie de reporter le premier Grand Chelem de l’année de trois semaines pour le placer du 8 au 21 février, que le script a changé. Une fois de plus…
La saison ATP 2021 commencera à Delray Beach
L’ATP a confirmé que sa saison 2021 débuterait à Delray Beach, dont la 29 édition se tiendra du 4 au 13 janvier.
Tennis Majors s’est à nouveau entretenu avec Butler pour en savoir davantage sur ce changement de dernière minute et se rendre compte que les conséquences de la pandémie de coronavirus n’ont en rien entamé l’enthousiasme de Butler ou de Mark Baron, directeur du tournoi.
Rien n’a changé, mais il faut désormais travailler dans l’urgence.
“C’est devenu une évidence dès que nous avons compris que l’Open d’Australie serait repoussé au 8 février, explique Butler. Nous n’avions vraiment pas le choix. Nous aurions pu envisager de jouer plus tard dans l’année. Nous avons décidé de saisir cette opportunité. L’ATP voulait vraiment que des tournois se disputent pour les joueurs et en ce moment, la Floride est prête à en accueillir, donc nous nous sommes dits: ‘Faisons-le !'”
Si le report tardif de l’Open d’Australie a rendu la situation bien plus stressante pour les organisateurs du Delray Beach Open, le tournoi est serein sur sa capacité à exécuter son plan pour être prêt dans deux semaines.
2 000 spectateurs par session
Pendant que les Etats-Unis battent régulièrement des records de nouveaux cas positifs à la Covid-19, la Floride est l’un des rares Etats dont l’activité économique se poursuit quasi normalement. Elle enregistre pourtant plus de 10 000 nouveaux cas par jour, et dans le Comté de Palm Beach, où se situe Delray Beach, il y avait environ 550 nouveaux cas par jour en moyenne sur la dernière semaine, d’après les chiffres du New York Times.
Il y a des raisons de s’inquiéter. C’est pourquoi le tournoi travaille pour garantir que les protocoles de distanciation sociale et physique soient respectées à la lettre pour les spectateurs. En l’état actuel, le tournoi compte ouvrir son stade à 25% de sa capacité pour chaque session.
“On fixe la limite à 2 000 spectateurs par session, précise Butler, qui ajoute que les mesures prises pour assurer la distanciation physique sont à l’étude depuis des mois. Je ne pense qu’il y ait une pression supplémentaire pour que tout se passe bien (à cause des nouvelles dates), parce que nous devons faire en sorte que tout se passe bien. Point. Nous devons avoir une attention de tous les instants.”
“Un rang sur deux, quatre sièges occupés pour quatre vides, en quinconce, pour que personne ne soit assis devant ou derrière quelqu’un. Nous ne sommes pas contraints de faire ça, selon les règles en vigueur en Floride, mais nous le faisons pour assurer un certain niveau de confort et de sécurité aux fans.”
Nouvelles dates, nouveaux joueurs ?
Etre le premier tournoi au calendrier ATP en 2021 implique que le Delray Beach Open pourrait bénéficier d’un plateau bien plus séduisant qu’à l’accoutumée. De nombreux tournois étant annulés en raison de la période de quarantaine de deux semaines imposée à l’arrivée des joueurs en Australie, potentiellement tous les joueurs basés aux Etats-Unis chercheront à venir en Floride pour y jouer, s’il n’y sont pas déjà.
Le toujours bien informé Jon Wertheim a fait part sur Twitter de bruits sur l’inscription de joueurs référencés dans le tableau.
Butler souffle que les joueurs pourraient être d’autant plus incités à s’inscrire avant la date butoir du 22 décembre si l’ATP et Tennis Australia organisent des vols directs depuis la Floride en direction de Melbourne.
“Il y a des discussions en ce sens. Initialement, ce devait être au départ de LAX (aéroport de Los Angeles), les joueurs devaient se démener ici, avant de se rendre là-bas et de prendre le charter depuis LA. Mais j’ai entendu, sans que ce soit encore confirmé, qu’il y a des discussions au sujet d’un vol depuis Palm Beach, pour que les joueurs puissent grimper dans l’avion ici directement pour Melbourne. Ce serait un argument supplémentaire pour convaincre les joueurs de venir.”
Il est certain que le plateau sera de qualité, ça semble même être le cadet de ses soucis. Mais une liaison directe entre la Floride et Melbourne, qui éviterait le premier vol à effectuer jusqu’en Californie, aiderait certainement à rassurer les joueurs, tous inquiets à l’idée d’être testés positifs au coronavirus après le premier Grand Chelem de 2021.
Une des curiosités du Delray Beach Open est sa finale programmée le 13 janvier, un mercredi. Une rareté dans l’histoire de l’ATP. Butler souligne que le tournoi des légendes et les qualifications se dérouleront du 4 au 6 janvier, avant les matchs du tableau principal du 7 au 13 janvier. Cette finale le mercredi est pensée pour donner aux joueurs le temps de prendre l’avion pour se rendre à Melbourne.
“Je pense que nous pouvons avoir vraiment un très beau plateau. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi ces dates.”
Maintenir la distanciation sociale, même en cas de pluie
Avec jusqu’à 2 000 spectateurs dans les tribunes, Butler certifie que le tournoi fait tout son possible pour disséminer les points de vente de boisson et de nourriture, pour que les visiteurs ne se retrouvent pas collés les uns aux autres en cas de pluie. Le staff du tournoi a ainsi travaillé activement pour que les points de rencontre soient les plus éloignés possibles les uns des autres sur le site, pour éviter d’éventuels problèmes.
“Nous avons ajouté beaucoup de zones couvertes cette année, détaille Butler, parce qu’un des soucis qui se présente quand vous mettez en place la distanciation physique, c’est de savoir quoi faire en cas de pluie. Tous ces gens vont se précipiter hors du stade, où vont-ils aller ? Nous construisons des tentes plus grandes, pour qu’ils puissent passer un bon moment, se poser et manger s’ils le veulent, de telle sorte qu’ils puissent s’abriter tout en conservant une certaine distance. Nous voulons que tout le monde se sente à l’aise, c’est un point très important pour nous.”
Travailler : une aubaine pour les joueurs de tennis
Avoir l’opportunité de travailler est une aubaine pour les joueurs, mais aussi pour les fournisseurs et les partenaires du Delray Beach Open, dans un contexte économique particulièrement difficile. Butler assure que la plupart d’entre eux, comme son équipe, travaillent dans l’urgence, mais sans se plaindre.
“Bien évidemment, vous devez travailler en lien avec votre personnel de maintenance sur site. Les stands, les installations, les tentes, l’électricité, la plomberie, les tribunes : vous devez tout monter à une période où les équipes sont habituellement congés, à Noël et au Nouvel An. Maintenant je dois dire : “Les gars, changement de programme ! Nous devons être prêts pour le 31 décembre, je ne veux même pas que vous songiez à encore mettre en place quoi que ce soit le 1er, le 2, ou le 3 janvier.”
Butler lâche que l’alternative, à savoir une annulation pure et simple du tournoi, ou attendre la mi-février, quand tout pourrait être à nouveau fermé en Floride, était pire.
“Les gens se demandaient certainement si le tournoi allait seulement avoir lieu. Un mois, c’est très long en période de pandémie. Les choses peuvent évoluer dans le monde entre aujourd’hui et le 12 février. Entre Inauguration Day (l’intronisation officielle de Joe Biden comme président des Etats-Unis, le 20 janvier prochain, ndlr), la grippe, les opinions divergentes sur le vaccin, qui sait quelle sera la situation ?”
Des contrats de sponsoring renégociés
La situation économique très rude a provoqué des conséquences désastreuses pour beaucoup en 2020, mais le Delray Beach Open fait des chanceux. Le tournoi a même réussi à renégocier son contrat avec son sponsor principal, Vitacost. Il s’appuie sur des sponsors précieux et des liens forts avec sa communauté pour aller de l’avant.
“Notre marché correspond exactement à ce qu’ils recherchent, clame Butler. Nous atteignons les paliers fixés, nous dépassons mêmes les chiffres espérés. C’était une chance pour eux de renégocier le contrat et de se réengager sur le long terme.”
En dépit de ses bonnes nouvelles, les prévisions financières pour 2021 sont pessimistes et toutes les parties concernées abordent cette année en ayant cette donnée à l’esprit.
“Nous entrons véritablement dans une nouvelle époque, ajoute Butler. Ce tournoi va survivre avec des concessions de chacun, sans que l’on demande à tout le monde de subir les pertes avec la même intensité que nous. Mais il fallait revoir les coûts opérationnels, les coûts financiers et travailler à une solution pour cette année. C’est une bonne affaire, parce que nos sponsors savent que nous avons un accord avec la ville qui court jusqu’en 2030.”
Les tests, ça a un coût
L’une des lignes de dépenses les plus importants pour le tournoi cette année sera liée aux tests pour le Covid-19, souligne Butler.
“On parle de centaines et de centaines de tests tout au long des 10, 11, 12 jours. Ça fait un nombre à six chiffres, c’est significatif, et ça concerne seulement une partie du protocole sanitaire, en plus des pertes déjà actées sur les recettes. C’est dur, ça va l’être encore plus, et il va falloir plusieurs années pour revenir à l’équilibre.”
En raison du décalage du tournoi, les organisateurs ont dû s’arranger avec les hôtels et les transporteurs pour s’assurer que la transition se passe sans encombre, par rapport à ce qu’il se passe habituellement en février. Et ce n’est pas si simple.
“Le premier défi, c’était le protocole sanitaire et la politique de tests, d’abord parce que c’était nouveau. Il faut organiser des tests sur place, créer une bulle sanitaire en coopération avec l’hôtel, les liaisons de l’aéroport à l’hôtel, de l’hôtel au site du tournoi, puis les différents allers-retours entre le stade et l’hôtel. Il fallait s’assurer avec l’hôtel qu’ils en étaient capables. Il y avait énormément de détails opérationnels à régler, quand vous prenez les dix jours du tournoi de mi-février pour les recaser début janvier, ça fait beaucoup de pièces à bouger et vous devez faire en sorte qu’elles retrouvent leur place.”
L’arbitrage électronique, nouveauté subie
Comme beaucoup de tournois, le Delray Beach Open aime le côté humain qu’apportent les juges de ligne sur le terrain pendant les matchs et les journalistes présents sur place pour couvrir le tournoi, mais c’est tout simplement impossible cette année. Faut-il néanmoins y voir une tendance de fond vers un arbitrage 100% technologique et une couverture médiatique virtuelle ?
“Nous ne voulions simplement pas avoir sur site des juges de ligne qui se déplacent et viennent tous les matins, il y a un salon des arbitres où vous ne pouvez pas accueillir tant de monde. Nous avons travaillé avec l’ATP et nous sommes parvenus à faire en sorte que nous ayons un arbitrage électronique en direct sur le Central toute la semaine, et sur le Court 1 pour les qualifs jusqu’au grand tableau. Nous avons aussi réduit le tableau principal à 28 joueurs au lieu de 32, simplement pour qu’il y ait moins de monde sur site.”
Il reste à savoir si les juges de ligne reviendront après la pandémie, mais Butler assure déjà qu’ils manqueront à l’édition 2021.
“Vous vous rapprochez de ceux qui viennent pour être juges de ligne. Vraiment, parce que vous créez une intimité avec eux, vous les voyez, vous mangez avec eux, vous échangez vos histoires, vous savez d’où ils viennent… Ce n’est pas que le tournoi se fiche de tout ça. Mais c’est une question de survie pour l’instant.”