Goolagong : “Je me suis dit : ce serait bien qu’une joueuse comme Federer arrive, et Ash est arrivée…”
Lors d’un entretien transmis par Tennis Australia, Evonne Goolagong est revenu sur le titre d’Ashleigh Barty, et sa relation avec celle-ci.
Légende du tennis australien, Evonne Goolagong a remporté trois titres du Grand Chelem : Roland-Garros 1971, Wimbledon 1971 et 1980. Samedi, Ashleigh Barty est devenue sa première compatriote à lui succéder en simple sur le gazon londonien, après 41 ans d’attente. Interrogée lors d’un entretien vidéo transmis par la Fédération australienne de tennis dans la foulée du sacre, l’ancienne numéro 1 mondiale est revenue sur sa joie, et son lien particulier avec celle qu’elle considère comme “sa petite sœur”.
Vous étiez très émue après la victoire. A quel point êtes-vous fière d’Ashleigh Barty ?
Elle m’a rendue fière dès la première fois que je l’ai vue. Elle devait avoir 13 ans et jouait l’Open d’Australie (juniors). Roger (Cawley, son mari) et moi, nous nous sommes arrêtés pour la regarder jouer, et nous avons vu un point sur lequel elle a tout fait : slice, volée, smash… tout. Nous nous sommes regardés, épatés : “Elle va être notre prochaine championne”.
Est-ce que le fait de voir Barty remporter Wimbledon vous a rappelé des souvenirs, lorsque vous avez gagné en 1971 et 1980 ?
Je ne me suis jamais vraiment regardée jouer. Puis lors d’un camp d’entraînement national pour les jeunes, ils ont montré une vidéo de moi en train de jouer. C’était la première fois que je me voyais. Mais j’ai ressenti plus d’émotion en voyant Ash (gagner Wimbledon). Je pense que chacun réagit différemment après avoir gagné Wimbledon. Ça ne m’a frappée que bien plus tard, parce que vous êtes abasourdi. Vous pouvez être sous le choc, comme Ash (rires). Maintenant je vois l’autre côté. La joie de ma famille quand j’ai gagné Wimbledon ; ils sautaient partout, criaient. Exactement ce que nous ferions (rires).
Je suis vraiment très, très fière d’Ash. La façon dont elle se comporte, sur le court mais aussi en dehors. Tous les Australiens l’adorent. Quand je vais faire mes courses, tout le monde me parle d’Ash : “Comment va-t-elle ? Que fait-elle ? Est-elle aussi merveilleuse dans la vie ?” Oui, elle l’est ! Pour moi, elle est comme une petite sœur. Elle fait partie de ma famille. Je pense qu’on se considère réciproquement de cette façon. Ce qui est incroyable, c’est qu’elle a gagné son premier titre du Grand Chelem à Roland-Garros, comme moi.
Puis, cette même année en 1971, j’ai gagné Wimbledon. Je concrétisais mon rêve, celui que j’avais depuis mes huit ans. J’avais lu, dans un magazine de princesse, l’histoire d’une jeune fille qui allait dans un endroit appelé Wimbledon, jouait sur ce Centre Court magique et gagnait. Je ne savais même pas que ce lieu existait vraiment, jusqu’à ce qu’on me le dise. Donc chaque fois que je faisais du mur je m’imaginais sur ce court magique. C’est tellement magique quand vous accomplissez ce rêve. Et je suis sûr que c’est tout aussi magique pour Ash.
Je lui ai dit que les rêves pouvaient devenir réalité. Ils le sont devenus pour moi.
Evonne Goolagong
Comprenez-vous que Barty n’ait verbalisé que très tard le fait de vouloir gagner Wimbledon ?
Moi non plus, je ne disais pas trop que je voulais gagner Wimbledon. Vous essayez de garder ça pour vous-mêmes. Mais je pense que dès lors qu’elle a commencé à le verbaliser, le rêve a commencé à devenir réalité. C’est l’un des derniers messages que je lui avais envoyé : “Les rêves peuvent devenir réalité. Ils le sont devenus pour moi.”
J’étais tellement contente quand je l’ai vue avec cette robe (la tenue de Barty à Wimbledon). En fait, certains détails viennent de deux de mes robes. Comme les petites fleurs qu’elle avait sur sa tenue. Et le même type de veste (de survêtement) que j’avais l’habitude de porter. En voyant ça, je me suis dit : “Oh… C’est adorable.” Je ne savais pas quoi dire (rires). Je lui ai dit que si ça pouvait lui porter chance, génial ! Enfin… elle est incroyable.
Pouvez-vous nous parler un peu du match ? Ça a dû être une grande émotion pour vous.
Pendant le premier set, c’était comme si elle ne pouvait pas faire une seule erreur. Puis Pliskova a commencé à revenir dans le match, et Ash est devenue un petit peu nerveuse. Mais tout au long du match, j’avais ce sentiment qu’elle allait gagner. que son heure était venue.
Vous savez, quelqu’un là-haut nous regarde et prend soin de nous pendant la semaine de Naidoc (célébration australienne qui dure du premier dimanche de juillet jusqu’au dimanche suivant, et qui rend hommage à la culture et à l’histoire des Aborigènes).
Nous sommes toutes deux très fières. Je suis une femme Wiradjuri de la Nouvelle-Galles du Sud et elle est aussi une aborigène très fière, et quelle façon de célébrer, non seulement les 50 ans de ma première victoire à Wimbledon, mais aussi la semaine Naidoc. C’était très important. Je sais que beaucoup de gens en Australie sont très contents pour elle, ils ont beaucoup d’amour pour elle.
Ashleigh Barty sait tout faire, elle est comme Roger Federer
Evonne Goolagong
Avez-vous été en contact avec Ashleigh Barty après son succès en finale ?
Eh bien, ça reste entre nous. Comme je vous l’ai dit, c’est comme une sœur pour moi. La dernière chose que je lui ai dite par message est : “Les rêves deviennent réalité, et le tien s’est réalisé”. Je suis très contente pour elle, je suis fière d’elle, de la façon dont elle a géré ça sur le court et en dehors.
Vous savez, je ne regardais plus le tennis jusqu’à l’arrivée de Roger Federer. Il avait tout, la volée, le revers à une main, c’était magique. Et je me suis dit : “ça serait super qu’une jeune joueuse arrive sur le circuit et joue comme Federer.” Et Ashleigh est arrivée. J’ai su dès que je l’ai vu pour la première fois, quand elle avait 13 ans, qu’elle serait une championne. Elle avait tout ce qu’il faut.
Ashleigh a joué un premier set incroyable. J’avais un bon pressentiment avant la finale, qu’elle allait s’imposer. Et puis le deuxième set est arrivé et l’inquiétude est apparue, je me suis dit que ça allait peut être aller en trois sets, et ça a été le cas. Mais je sais qu’elle a toujours aimé le challenge, la difficulté, et je savais qu’elle allait revenir. Elle l’a mérité, elle a travaillé très dur, pas juste sur le court, mentalement également. Un grand bravo à elle.
Que lui avez vous dit, pendant sa carrière, pour que votre relation soit si spéciale ?
Elle est comme une petite sœur pour moi. Et je pense que le meilleur conseil que je lui ai donné, quand elle traversait un moment très compliqué, est de lui dire d’aller pêcher, je savais qu’elle adorait ça. Et je me rappelle qu’un jour j’ai voulu la contacter, et elle m’a répondu qu’elle me rappellerait plus tard car elle était en train de pêcher. Elle m’a envoyé une photo du sol rempli de poissons. Et j’ai compris, car j’adore pêcher moi aussi.