Dzumhur-Verdasco contre Roland-Garros, le match qui incarne l’extrême sensibilité des protocoles COVID
Du tennis en 2020 au tennis en 2021, épisode 2 : Sasa Ozmo fait le point sur les suites de la disqualification de Damir Dzumhur et de Fernando Verdasco à Roland-Garros, en raison de tests positifs à la COVID-19. Les joueurs contestent toujours cette décision et n’excluent pas une action en justice.
Pour marquer le passage à la nouvelle saison, Tennis Majors propose une série de six articles sur les grands sujets qui ont agité notre sport au cours des mois écoulés.
Mercredi 30 décembre : les suites du retrait forcé de Damir Dzumhur et de Fernando Verdasco à Roland-Garros suite à leur contrôle positif, une histoire dont l’épilogue ait encore loin d’être connu, et qui a conduit l’Open d’Australie à adopter des règles très différentes.
Mercredi 16 septembre 2020, veille du tirage au sort. Damir Dzumhur, ancien 23e joueur mondial, est disqualifié de l’édition 2020 de Roland-Garros suite au test positif au coronavirus de son entraîneur, Petar Popovic. La même sentence est réservée à Fernando Verdasco, qui a atteint les 8es de finale du Grand Chelem parisien à sept reprises en carrière et lui-même testé positif.
RG parte 2 💔 Más tristeza aún !!
So sad !! pic.twitter.com/wDp2uoMKN8— Fernando Verdasco (@FerVerdasco) September 26, 2020
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Les deux joueurs contestent cette décision. Car les deux “positifs” avaient fait l’objet, plus tôt dans la saison, d’autres test positifs, ceci justifiant à leurs yeux la présence d’anticorps dans leur organisme. Leur demande de nouveau test avant exclusion du tournoi n’a pas reçu d’écho.
Autre frustration : au lendemain du contrôle de Verdasco, les règles avaient évolué. Un joueur positif pouvait finalement ne pas être exclu du tournoi s’il était capable de prouver son absence de contagiosité en raison d’un test positif préalable, décision attribuée à l’Agence régionale de santé.
Les deux joueurs, a appris Tennis Majors, réfléchissent toujours au meilleur moyen d’action pour recevoir une compensation financière de la Fédération française de tennis et de Roland-Garros, au besoin devant les tribunaux.
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Dzumhur : “Un des grands noms du circuit a rencontré un problème similaire”
“Fernando est arrivé à Paris le mardi, s’est fait tester et a été disqualifié le mercredi, a raconté Dzumhur dans le podcast serbe Wish&Go le mois dernier. Le tirage au sort s’est déroulé le jeudi et l’après-midi même, les règles ont été changées de façon à ce que quiconque possédant des anticorps, comme Fernando ou mon coach Petar, pouvait participer au tournoi, peu importe qu’il soit testé positif ou pas. C’est une situation qui renforce le dossier que nous constituons, parce que nous estimons avoir été (injustement) spoliés. Fernando réunit des éléments de son côté. Je ne sais pas exactement ce qui se passe, mais apparemment, un joueur important, un des grands noms du circuit, a rencontré un problème similaire et c’est pour cette raison que la règle a changé. Je ne suis pas certain de ça, et Fernando ne veut pas dévoiler publiquement le nom tant que nous n’avons pas de trace écrite. Mais je pense que cette situation les a contraints à faire évolue les règles, ce qui fait de nous les deux grands perdants de toute cette histoire.”
La FFT a toujours indiqué de son côté avoir traité tous les joueurs avec équité.
L’ironie du sort, en particulier pour Verdasco, c’est que la date butoir pour arriver à Paris était fixée à jeudi. S’il était arrivé ce jour-là, et non la veille, l’Espagnol aurait été dans le tableau et aurait pu tenir sa place selon les nouvelles règles alors en vigueur.
“Ils (les organisateurs) ne nous ont rien offert, même pas des excuses, ils ne veulent pas prendre leur part de responsabilité, souffle Popovic, l’entraîneur de Dzumhur, à Tennis Majors. Même s’ils ont modifié les règles après coup, nous n’avons pas été indemnisés. Notre première victoire, c’est justement que les règles aient été changées, et je pense qu’ils feront plus attention à l’avenir. Mais en dehors de ça, le préjudice est énorme pour nous : Damir n’a pas pu gagner de points et il a perdu de l’argent, alors qu’il a atteint deux fois le troisième tour à Roland-Garros dans sa carrière.”
Les avocats “très confiants”
Verdasco et Dzumhur ont chacun envoyé une lettre à la Fédération française de tennis pour réclamer une compensation financière et trouver un arrangement. Mais la FFT, indiquent les acteurs de l’affaire en Bosnie, a promptement décliné la proposition, en répondant par deux courriers identiques.
“Ce n’était pas une vraie réponse”, regrette Dzumhur.
Contactée à plusieurs reprises sur toutes ces déclarations, la FFT nous a fait savoir par la voix d’un de ses porte-paroles que “l’affaire (était) entre les mains des avocats de chaque partie” et qu’aucun autre commentaire ne pouvait être formulé.
Verdasco et Dzumhur ont récemment échangé par textos, leurs avocats sont en contacts et sont visiblement très confiants à propos de leurs chances d’obtenir gain de cause. Il est désormais question de savoir devant quelle juridiction porter l’affaire. Le Tribunal Arbitral du Sport, à Lausanne, est une solution particulièrement coûteuse (d’après Popovic, les juges réclament 270 euros de l’heure et le temps minimum passé sur une affaire équivaut à 100 heures de travail). Un tribunal français leur semble plus accessible. Verdasco et Dzumhur n’ont pas tranché entre l’hypothèse d’une plainte commune ou de deux plaintes isolées.
“Nous attendons des retours d’avocats qui nous diront si nous avons de réelles chances de réussite. Si la réponse est oui, nous voulons vraiment aller au bout. Le plus compliqué est de réunir des preuves que nous avons été injustement disqualifiés. Les preuves, c’est ce qui compte devant la justice. Il y aura très probablement une action”, assure Dzumhur.
En attendant, l’affaire Dzumhur – Verdasco a traversé les océans. Tennis Australia, organisatrice de l’Open d’Australie, ne va pas se trouver dans les mêmes difficultés. A la page 5 du long document transmis aux joueurs et à leurs agents en décembre, il y a carrément une section intitulée “faux positifs”. Et celle-ci pose le principe d’une deuxième chance et d’une responsabilité ultime rejetée sur les autorités locales.
“Les tests nasopharyngés PCR sont les plus fiables qui existent pour détecter le COVID. Une marge d’erreur existe cependant, aussi ferons nous tout notre possible pour éviter tout risque d’erreur et de faux test positif. Vous serez autorisés à passer un second test et nous agirons pour cela en votre nom. La décision finale reviendra en tout état de cause à la Direction des services de santé de l’état du Victoria.”
Il y aura peut-être des faux positifs à l’Open d’Australie, mais pas d’action en justice contre les organisateurs.