Osaka à la conquête de la terre et du gazon pour asseoir sa domination
Nouvelle patronne du circuit après son sacre à l’Open d’Australie, Naomi Osaka est la meilleure joueuse du monde sur dur. Mais la Japonaise va désormais chercher à étendre sa supériorité à la terre battue et au gazon, deux surfaces sur laquelle elle a peiné jusqu’à maintenant dans sa carrière.
Dominer sur dur, check. Un bilan parfait en finales de Grand Chelem, check. Pour Naomi Osaka, la prochaine étape se résume en deux objectifs : Roland-Garros et Wimbledon.
La victoire de la Japonaise sur Jennifer Brady samedi à Melbourne lui a offert un deuxième titre à l’Open d’Australie, un quatrième en Grand Chelem. A 23 ans, plus confiante que jamais, il semble que rien ne lui soit impossible dans les années à venir.
L’égal de Seles et Federer
Osaka, qui grimpera à la deuxième place mondiale lundi, est seulement la deuxième femme dans l’ère Open à remporter ses quatre premières finales de Grand Chelem, marchant dans les pas de Monica Seles, qui a accompli pareil exploit en 1990 et 1991, et est allé jusqu’à six. Si ses quatre titres ont été obtenus sur dur, le fait qu’elle ait été capable de maîtriser ses émotions lors de chacune de ces finales la démarquent de ses contemporaines. En dehors de Serena Williams, qu’elle a battue en demi-finale, Venus Williams et Kim Clijsters, elle est à la seule joueuse en activité à avoir gagné plus de deux titres majeurs et, vu ce qu’elle a montré à l’US Open en 2020, puis lors de cet Open d’Australie, il y en a d’autres à venir.
“C’est incroyable d’être en leur compagnie, a soufflé Osaka quand il lui a été rapporté que seuls Seles et Roger Federer avaient remporté leurs quatre premières finales de Grand Chelem. J’espère accomplir ne serait-ce qu’une once de ce qu’ils ont réussi dans leurs carrières. Tu ne peux que le souhaiter, en suivant ton propre chemin. Mais c’est fou d’être comparé à eux.”
La supériorité d’Osaka sur dur est désormais établie. Elle n’a pas perdu un seul match depuis que le circuit a repris en août dernier, après une pause de cinq mois due à la pandémie de coronavirus. Son jeu semble en phase avec sa sérénité sur le court. Osaka s’est retrouvée proche de l’élimination contre Garbiñe Muguruza en huitième de finale, effaçant deux balles de matchs. Mais elle s’est révélée intouchable sur le reste de son parcours.
Pour l’instant, je vise un cinquième Grand Chelem
L’arrivée de Wim Fissette comme coach dans son staff, fin 2019, lui a donné l’impulsion dont elle avait besoin, après avoir plié sous le poids de la pression d’être numéro 1 dans la foulée de son titre en Australie, il y a deux ans.
Osaka a accepté la volonté de Fissette qu’elle s’ouvre davantage et fasse davantage part de ses sentiments. Pendant la pause liée à la COVID-19, loin de l’oeil inquisiteur du public, elle a pu s’entraîner sans la pression du regard des autres. Et quand elle s’est exprimée, comme pour soutenir le mouvement Black Lives Matter, sa maturité a sauté aux yeux de chacun. Elle a trouvé sa voix hors des courts, et a développé son jeu sur le terrain. Osaka est devenue un modèle à suivre.
“Je pense que ce serait, même si ça va paraître bizarre, de pouvoir jouer assez longtemps pour affronter une fille que dirait que j’étais sa joueuse favorite à une période de sa vie, a lancé Osaka en conférence de presse, quand il lui était demandé ce qu’elle avait comme rêve pour l’avenir. Je pense que c’est la chose la plus cool qui pourrait m’arriver. J’ai cette satisfaction de pouvoir côtoyer mes joueuses favorites. Malheureusement je n’ai pas pu affronter Li Na. Mais oui, je pense que c’est l’évolution naturelle du sport.”
L’ancien numéro 1 mondial Mats Wilander a estimé sur Eurosport qu’Osaka pouvait atteindre au moins la dizaine de titres en Grand Chelem, relevant son calme dans sa célébration après avoir vaincu Brady. “Ça en dit long. Elle s’attendait à gagner.” Osaka ne dit pas vraiment autre chose.
“Je prends ça étape par étape. Pour l’instant, j’en vise un cinquième. Après cinq, je songerais peut-être à un palier avant d’arriver dix, peut-être sept ou huit. J’aime bien ne pas me projeter trop à long terme, je veux vivre l’instant présent. C’est un honneur qu’il ait dit ça, évidemment. Mais je ne veux pas faire peser sur moi trop de pression et d’attentes. Je sais que j’affronte les meilleures joueuses du monde et si un nouveau titre en Grand Chelem doit arriver, ça viendra.
Prochains objectifs : Roland-Garros et Wimbledon
La prochaine étape vers la postérité sera de transposer sur la terre battue de Roland-Garros et le gazon de Wimbledon la confiance acquise sur dur.
Après son sacre à l’US Open l’année passée, Osaka a choisi de ne pas s’aligner à Paris, où elle n’a jamais dépassé le troisième tour. A Wimbledon, dont l’édition 2020 a été annulée, elle a atteint deux fois le troisième tour et ce sont ses meilleurs résultats. Adapter son jeu de jambes pour qu’il corresponde à ce qui attendu sur ces surfaces en particulier sera primordial pour y vaincre.
“J’ai l’impression que je dois gagner en confiance sur ces surfaces, a expliqué Osaka, ajoutant qu’elle devait d’abord se faire à la terre battue, puisque Roland-Garros est positionné avant Wimbledon au calendrier. Je n’ai pas joué chez les juniors, donc je n’ai pas grandi en jouant sur gazon. Je pense sincèrement que j’ai davantage mes chances sur terre battue, parce que je pense que l’année dernière (en 2019, en réalite), j’ai pas mal joué sur cette surface. Il faut juste que je m’y habitue encore plus.”
Quand il est question de gagner des tournois du Grand Chelem, Fissette est la personne qu’il faut. Le Belge a remporté six titres majeurs comme coach : trois avec Clijsters, un avec Angelique Kerber et désormais deux avec Osaka. Il a aussi emmené Sabine Lisicki jusqu’en finale de Wimbledon et Simona Halep jusqu’en finale de Roland-Garros. Pas de doute, il sait ce qu’il fait.
Elle peut vraiment être performante sur terre – Wim Fissette
Fissette corrobore ce sentiment que l’absence d’Osaka sur le circuit juniors la pénalise, surtout sur gazon.
“Au cours de notre longue préparation jusqu’à l’US Open, on a utilisé quelques semaines pour s’entraîner sur terre battue, a raconté Fissette avant la finale de samedi. Pour moi, elle bouge bien naturellement. Avec la façon dont elle se déplace, sa fluidité, la manière dont elle peut construire les points, il y a beaucoup de choses qui pourraient lui permettre d’être performante sur terre battue. Mais elle a besoin de matchs et de confiance dans ces matchs, de pouvoir s’appuyer sur un plan de jeu.”
“Je me souviens que quand je travaillais avec Kim, elle ne jouait pas tant de tournois sur terre battue. Elle évoluait à un super niveau, dès qu’elle manquait quelques balles, elle commençait à beaucoup douter. De son plan de jeu, de sa longueur de balle, du bon moment pour attaquer. Quand vous n’avez pas assez d’expérience sur ces surfaces, c’est facile de se remettre en question.”
“Si Naomi joue sur dur, qu’elle tente un revers gagnant et qu’elle rate, elle se dira : ‘OK, la prochaine fois, ça passera.’ Mais peut-être que sur les autres surfaces, elle pensera : “Peut-être que j’aurais dû prendre plus de marge, peut-être que j’aurais dû faire ça.’ Le doute s’instille plus facilement.
Le gazon, un challenge plus difficile à relever
Fissette souffle qu’Osaka devra dépasser sa peur sur gazon, de la glissade avant tout.
“Je lui ai dit, elle n’a jamais joué chez les juniors. Parmi les 20 meilleures joueuses du monde actuellement, je ne pense pas qu’il y en ait une qui ait passé moins de temps sur gazon que Naomi. C’est l’un des avantages de jouer en juniors, pur appréhender différentes surfaces et comprendre comment se déplacer.”
“C’est un défi, mais je pense que si elle y passe du temps, elle apprend très vite. C’est une fille intelligente. Je suis certain qu’elle va s’en sortir. Dès qu’elle aura pris confiance en elle et en ses déplacements, même si tu tombes, tu tombes. Il y a pire. Mais gagner cette confiance, ce sera la clé.”
Mais la confiance fait une grande différence et, si Osaka commence à se faire à la terre battue et au gazon, alors le reste du circuit a de quoi s’inquiéter. Elle n’a jamais perdu un match de Grand Chelem à compter du stade des quarts de finale et son approche des grands rendez-vous la différencie des autres.
“Je ne sais pas si c’est quelque chose avec laquelle tu nais. Mais je sais que je ne jouais pas beaucoup de tournois quand j’étais petite, donc je voulais toujours saisir l’opportunité de bien jouer quand il y avait du public, j’avais l’impression que c’était plus plaisant. C’est peut-être comme ça que je me suis habitué à vouloir évoluer devant du public, devant toujours plus de spectateurs.”
“Mais je pense aussi que c’est parce que j’ai regardé beaucoup de tournois du Grand Chelem en grandissant et voir le public, le stade Arthur Ashe, l’ambiance en Australie et dans la Rod Laver, j’ai développé cette envie de jouer devant des gens et d’être la personne qui soulèverait le trophée.”
La place de N.1 mondiale, seulement une question de temps
Le mode de calcul du classement sur deux ans, adopté en raison de la pandémie de coronavirus, et les restrictions de voyage, font qu’Osaka ne sera que N.2 mondiale, bien qu’elle soit tenante du titre de deux tournois du Grand Chelem. Mais après avoir déjà été N.1, Osaka attend que son heure vienne.
“Honnêtement, je ne pense pas du tout au classement. Je ne suis pas celle qui jour le plus de tournois sur le circuit. Je veux simplement performer dans tous les tournois sur lesquels je m’aligne. C’est mon objectif d’être régulière cette année, de ne pas avoir une grosse baisse de performance en milieu de saison, en juin-juillet, comme ça m’arrive habituellement. Mais je ne veux pas me focaliser sur le classement. Ça viendra si je joue bien, c’est ce que je me dis.”
Ce n’est qu’une question de temps. Et si elle finit par trouver la clé sur terre battue et sur gazon, il faudra être sacrément costaude pour aller la déloger de son trône.