30 novembre 2003 : le jour où Philippoussis, héroïque, a permis à l’Australie de soulever sa 28e Coupe Davis
Le 30 novembre 2003, malgré une blessure, Mark Philipoussis, 9e joueur mondial, parvient à battre Juan Carlos Ferrero, numéro 2 du classement ATP, en cinq sets pour offrir à l’Australie sa 28e Coupe Davis.
Ce qu’il s’est passé ce jour-là : Philippoussis, blessé mais héroïque
Ce jour-là, le 30 novembre 2003, l’Australien Mark Philippoussis surmonte une blessure à l’épaule pour vaincre Juan Carlos Ferrero en cinq sets (7-5, 6-3, 2-6, 1-6, 6-0) et sceller le triomphe de son équipe en Coupe Davis. C’est la deuxième fois de sa carrière que Philippoussis apporte le dernier point d’une campagne victorieuse de Coupe Davis, après sa victoire sur Cédric Pioline en 1999 (6-3, 5-7, 6-1, 6-2). 17 ans plus tard, en 2020, cela reste la dernière Coupe Davis remportée par l’Australie.
Les acteurs : Mark Philippoussis et Juan Carlos Ferrero
- Mark Philippoussis, de retour dans le top 10 après des blessures
L’Australien Mark Philippoussis est né en 1976. Il intègre le top 100 en 1995, passant de la 307e à la 32e place mondiale en une seule saison, s’appuyant principalement sur l’un des services les plus impressionnants de l’histoire du tennis, qui lui vaut le surnom de « Scud ». Cette même année, il dispute également sa première finale chez les pros à Scottsdale (battu par Jim Courier, 7-6, 6-4). En 1996, il se fait connaître en renversant le numéro 1 mondial, Pete Sampras, au troisième tour de l’Open d’Australie (6-4, 7-6, 7-6), mais il s’incline au tour suivant face à son compatriote Mark Woodforde (6-2, 6-2, 6-2). Dix mois plus tard, à Toulouse, il remporte le premier de ses dix titres, aux dépens de Magnus Larsson (6-1, 5-7, 6-4). En 1998, il atteint la finale de l’US Open, défait par Patrick Rafter à l’occasion de la première finale de Grand Chelem 100% australienne depuis 1970.
En mars 1999, il décroche à Indian Wells le plus grand titre de sa carrière, en battant Carlos Moya en finale (5-7, 6-4, 6-4, 4-6, 6-2), avant d’atteindre la 9e place, son meilleur classement, et de finir l’année en apothéose en écrasant presque à lui tout seul l’équipe de France en finale de la Coupe Davis, à Nice. Par la suite, sa carrière est émaillée de blessures : opéré du genou à trois reprises, il ne dispute que 9 tournois en 2001, absent des quatre tournois du Grand Chelem. Il chute à la 148e place mondiale en avril 2002, mais en 2003, il retrouve son meilleur niveau. A Wimbledon, il élimine Andre Agassi en huitièmes de finale (6-3, 2-6, 6-7, 6-3, 6-4), lui assénant au passage un record de 46 aces, avant d’aller jusqu’en finale, où il est battu par Roger Federer (7-6, 6-2, 7-6). Avant la fin de l’année, l’Australien de 1,96 m est de retour dans le top 10.
- Juan Carlos Ferrero, au sommet de sa carrière
Juan Carlos Ferrero , « El Mosquito », est né en 1980. Finaliste malheureux face à Fernando Gonzalez à Roland-Garros juniors en 1998, il grimpe les échelons du classement ATP à vitesse grand V, terminant sa première vraie saison chez les pros, 1999, à la 43e place mondiale. Cette même année, il remporte son premier titre, à Majorque, aux dépens d’Alex Corretja (2-6, 7-5, 6-3). En 2000, il parvient en demi-finales de Roland-Garros (battu par Gustavo Kuerten, 7-5, 4-6, 2-6, 6-4, 6-3), et joue un rôle décisif dans la victoire de l’Espagne en Coupe Davis en battant Patrick Rafter et Lleyton Hewitt lors de la finale. En 2001, il remporte son premier Masters 1000, à Rome, venant à bout de Kuerten en finale (3-6, 6-1, 2-6, 6-4, 6-2), mais le Brésilien le stoppe à nouveau en demi-finale de Roland-Garros. En 2002, Ferrero se qualifie pour la finale des Internationaux de France, mais il s’incline à la surprise générale contre son compatriote Albert Costa (6-1, 6-0, 4-6, 6-3). 2003 est l’année de la consécration : après un nouveau titre en Masters 1000 à Monte-Carlo, il s’impose enfin à Roland-Garros, face à Martin Verkerk (6-1, 6-3, 6-2). Quelques mois plus tard, il parvient en finale de l’US Open, battu par Andy Roddick (6-3, 7-6, 6-3), et ce résultat fait de lui le nouveau numéro 1 mondial. Il ne reste au sommet que 8 semaines avant d’être renversé par Roddick, après s’être fait éliminer en huitièmes de finale du tournoi de Paris-Bercy par Jiri Novak (7-5, 7-5).
Le lieu : la Rod Laver Arena de Melbourne
La finale de la Coupe Davis 2003 se déroule à la Rod Laver Arena, à Melbourne. D’abord appelé « Center Court », le court fut inauguré en 1988, lorsque l’Open d’Australie a déménagé de Kooyong pour Melbourne Park, puis renommé en 2000 en l’honneur du légendaire gaucher australien auteur de deux Grands Chelems, en 1962 et 1969. La Rod Laver Arena peut accueillir 15 000 spectateurs et, en dehors de l’Open d’Australie, accueille souvent des concerts. L’équipe australienne a décidé de recevoir l’Espagne sur gazon, et un court en herbe est donc monté pour l’occasion.
L’histoire : fantomatique le vendredi, Philippoussis apporte la lumière le dimanche
En 2003, l’Australie affronte l’Espagne en finale de la Coupe Davis. Sur le papier, il est difficile de désigner un favori. D’un côté, l’Espagne aligne deux joueurs du Top 10, Carlos Moya, 7e mondial, et Juan Carlos Ferrero, numéro 2, qui a gagné le dernier Roland-Garros et atteint la première place mondiale au mois de septembre. Côté australien, les stars se nomment Mark Philippoussis, 9e mondial et récent finaliste à Wimbledon, et Lleyton Hewitt, 17e au classement ATP, mais ancien numéro 1 mondial par deux fois titré en Grand Chelem. Néanmoins, dans les faits, les Australiens ont l’avantage des pronostiqueurs : non seulement ils jouent devant leur public, mais ils ont également choisi de jouer sur gazon, surface sur laquelle les Espagnols n’ont jamais brillé.
Hewitt lance les hostilités et dispute un grand match pour venir à bout de Ferrero, en cinq sets (3-6, 6-3, 3-6, 7-6, 6-2). Mais Philippoussis s’incline étrangement face à Moya, qui n’a jamais dépassé le deuxième tour de Wimbledon (6-4, 6-4, 4-6, 7-6). Heureusement pour le géant australien, le samedi, Todd Woodbridge et Mark Woodforde dominent Alex Corretja et Feliciano Lopez (6-3, 6-1, 6-3), et lui donnent une nouvelle occasion de briller lors de cette rencontre.
Philippoussis, qui s’était montré transparent le vendredi, attaque le match d’une toute autre façon. Son service est précis, ses volées mordantes. Sur herbe, son jeu d’attaque semble trop naturel pour que Ferrero puisse lui résister, et l’Australien empoche les deux premières manches, 7-5, 6-3. Cependant, alors qu’il semble se diriger vers une victoire sans encombre, son service faiblit soudainement : Philippoussis s’est déchiré le muscle pectoral à la fin du deuxième set. Privé de son arme principale, il ne peut qu’assister au retour de Ferrero, 6-2, 6-1. Il refuse d’abandonner, mais son destin paraît scellé.
« Je pensais qu’il était complètement cuit », expliquera Todd Woodbridge.
Pourtant, avant le début du dernier set, c’est l’Espagnol qui demande à se faire masser. Philippoussis en profite pour aller aux toilettes, et en arrivant aux vestiaires, il aperçoit Hewitt qui s’échauffe pour le match décisif à venir. C’est le tournant du match : il décide de montrer à tout le monde qu’il n’a pas encore dit son dernier mot. De retour sur le terrain, Ferrero est toujours avec le kiné, alors Philippoussis demande à son tour un temps mort médical.
Cette longue pause brise l’élan de Ferrero. « Scud » serre les dents pour supporter la douleur et breake son adversaire une première fois, puis une deuxième, puis une troisième. L’incroyable se produit : dans un retournement de dernière minute, Philippoussis efface le 2e mondial, 6-0, offrant ainsi à l’Australie sa 28e Coupe Davis. Sa première réaction est de rendre hommage au public, d’après le New York Times.
« Je n’y serais jamais parvenu sans eux, dit-il. Non seulement cela vous tire vers le haut, mais ça use aussi l’adversaire. En un instant, vous gagnez votre jeu de service et il se retrouve mené 0-40 au jeu suivant. Cela atténue la douleur parce que les fans font tellement de bruit, ils sont fantastiques. »
« Je ne pouvais pas abandonner, ajoute-t-il. J’ai continué à me dire de prendre les choses point par point, c’est tout ce que je pouvais faire. Je me disais juste, on s’en fout de l’état de ton pectoral, donne tout ce que tu as dans ce dernier set. »
La postérité du moment : Philippoussis déclinera, Ferrero aussi
Philippoussis recevra le prix du come-back de l’année, décerné par l’ATP. Mais dans les années suivantes, il fera plus souvent la « une » de la presse people que de la presse sportive. En 2006, alors bien loin du top 100, il remportera un dernier tournoi, sur le gazon de Newport, en tant que wild card, aux dépens de Justin Gimelstob (6-3, 7-5). Toutefois, on ne le verra plus jamais dans un tableau principal de Grand Chelem après l’US Open 2006, où, invité, il s’inclinera d’entrée face à Rafael Nadal (6-4, 6-4, 6-4).
Ferrero entamera bien la saison 2004, éliminé seulement en demi-finales de l’Open d’Australie par Roger Federer (6-4, 6-1, 6-4), avant que la varicelle, puis une blessure au poignet, ne viennent ruiner sa saison. Sorti du top 10 en septembre, il ne parviendra jamais à y revenir. Solide joueur du top 30, bien que toujours capable de coups d’éclat occasionnels, il évoluera ensuite bien loin de sa grandeur passée.