29 novembre 1991 : Le jour où Henri Leconte a surclassé Pete Sampras dans le match le plus fou du tennis français

Le 29 novembre 1991, Henri Leconte, alors 159e mondial, se balade à la surprise générale contre Pete Sampras, 6e mondial, pour permettre à la France d’égaliser à 1-1 face aux Etats-Unis en finale de la Coupe Davis.

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Ce qui s’est passé ce jour-là : L’exploit de Leconte

Ce jour-là, le 29 novembre 1991, le Français Henri Leconte réussit l’une des performances les plus inattendues et les plus impressionnantes de l’histoire du tennis pour battre le 6e mondial, Pete Sampras (6-4, 7-5, 6-4). Le gaucher, qui avait été 5e mondial en 1986 mais pointe à présent au 159e rang mondial après avoir été opéré du dos, livre un match parfait pour faire revenir la France à 1-1 face aux Etats-Unis. Le lendemain, il remportera aussi le double, associé à Guy Forget, et le dimanche, la France gagnera la Coupe Davis pour la première fois depuis 59 ans.

Les personnages : Henri Leconte et Pete Sampras

  • Henri Leconte, talent imprévisible

Henri Leconte est né en 1963. Avec son jeu spectaculaire à haut risque, le gaucher se fait remarquer chez les juniors, où il remporte Roland-Garros en 1980. En 1982, il gagne à Stockholm son premier tournoi chez les pros, en battant Mats Wilander en finale (7-6, 6-3). Il s’impose à Roland-Garros en double en 1984, associé à Yannick Noah, et en simple, il obtient ses premiers résultats marquants en Grand Chelem en 1985, atteignant les quarts de finale des Internationaux de France (battu par Wilander, 6-4, 7-6, 6-7, 7-5) et à Wimbledon (éliminé par Boris Becker, 7-6, 3-6, 6-3, 6-4).

En 1986, dans les mêmes tournois, il fait encore mieux en allant jusqu’en demi-finales, s’inclinant à Paris contre Mikael Pernfors (2-6, 7-5, 7-6, 6-3), et contre Becker à Londres (6-2, 6-4, 6-7, 6-3). Cette année-là, il atteint le meilleur classement de sa carrière, 5e mondial. Sa plus grande performance en Grand Chelem a lieu à Roland-Garros en 1988, où il est défait en finale par Wilander (7-5, 6-2, 6-1). Il est malheureusement écrasé par l’enjeu, et lors de la remise des prix, les quelques mots qu’il prononce sont mal interprétés par une partie du public qui le siffle abondamment.

Leconte Wilander

Leconte termine l’année à la 9e place mondiale, mais à partir de 1989, sa carrière est freinée par de nombreuses blessures, et il ne peut plus évoluer régulièrement à son meilleur niveau. Défini par Becker comme « un joueur qui fait des coups qui n’existent pas », et par Bollettieri comme un joueur dangereux « car lui-même ne comprend pas ce qu’il fait », il subit une opération du dos à l’été 1991 et est désormais 159e mondial.

  • Pete Sampras, l’avenir du tennis

Pete Sampras est né en 1971. Bien qu’il fasse partie de la génération dorée américaine, avec Agassi, Chang et Courier, il est le dernier d’entre eux à atteindre le plus haut niveau. Fin 1989, alors que ses rivaux ont tous déjà remporté des titres et réalisé des performances remarquables en Grand Chelem, Sampras n’est que 81e mondial. En novembre de la même année, Ivan Lendl, alors numéro 1 mondial, l’invite chez lui pour s’entraîner avec lui pendant dix jours : le jeune Américain réalise alors l’investissement nécessaire pour devenir un champion.

Six mois plus tard, il entre dans le top 20 après avoir remporté ses deux premiers titres à Philadelphie et à Manchester. En septembre 1990, il surprend tout le monde en devenant le plus jeune joueur à triompher à l’US Open, en battant Agassi en finale (6-4, 6-3, 6-2). Grâce à cette grande victoire, il entre dans le top 10, mais au premier semestre 1991, Sampras peine à confirmer son nouveau statut.

Depuis le début de la tournée d’été américaine, il obtient de meilleurs résultats, triomphant à Los Angeles, Indianapolis et Lyon, mais il ne parvient pas à conserver son titre à l’US Open, battu par Courier en quarts de finale (6-2, 7-6, 7-6). Un premier succès au Masters, où il prend sa revanche sur Courier (3-6, 7-6, 6-3, 6-4), confirme ses récents progrès.

Le lieu : Gerland, à Lyon, pour la finale de la Coupe Davis

La finale de la Coupe Davis 1991 se déroule à Lyon, au Palais des Sports de Gerland, qui peut accueillir jusqu’à 8 000 spectateurs. La France a choisi une surface rapide qui convient bien au jeu de ses meilleurs joueurs, et particulièrement à Guy Forget, 7e mondial, qui vient de gagner le tournoi de Bercy sur une surface similaire.

L’histoire : Leconte inflige une raclée à Sampras

En France, la finale de Coupe Davis est l’événement sportif de l’hiver 1991. L’équipe de France, malgré ses bons joueurs, n’avait pas eu de très bons résultats depuis la finale perdue contre les Etats-Unis en 1982, mais cette année, menés par le capitaine Yannick Noah, les joueurs ont exprimé leur potentiel et emmené leur équipe en finale.

T’inquiète pas, je vais lui mettre une branlée.

Henri Leconte à Guy Forget sur Pete Sampras

Dès la fin de la demi-finale contre la Yougoslavie, le capitaine commence à imaginer un plan pour renverser l’armada américaine en finale. Les Etats-Unis ont trois joueurs dans le top 10 (Pete Sampras, Andre Agassi et Jim Courier) ainsi que l’une des meilleures équipes de double au monde (Ken Flach et Robert Seguso). Noah sent qu’il doit faire quelque chose de spécial. Il décide alors d’aligner Henri Leconte, le seul joueur qui, dans un grand jour, peut renverser à la fois Sampras et Agassi, mais peut aussi rivaliser avec les meilleurs en double.

Le problème majeur du plan de Noah, c’est qu’à ce moment-là, Leconte se remet d’une opération du dos. Il est 159e mondial. Certains pensent même que sa carrière est finie, et qu’il ne retrouvera jamais son meilleur niveau. Néanmoins, il accepte la sélection de Noah, et se soumet à un entraînement de type commando pour être fin prêt le jour J. Son physique s’améliore, et son tennis revient petit à petit.

La semaine précédant l’événement, se préparant à jouer en double, il gagne tous ses sets d’entraînement, en simple, contre ses coéquipiers. Le lundi, quatre jours avant le début de la rencontre, Noah vient le trouver pour lui annoncer qu’au vu de son niveau, il va le faire jouer en simple aussi. « Oui, pas de problème », répond le gaucher.

Le vendredi 29 novembre, la finale tant attendue commence mal pour l’équipe de France. Le n°1, Guy Forget, est battu par Agassi (6-7, 6-2, 6-1, 6-2). Au lieu d’accroître la pression sur les épaules de Leconte, ce scénario augmente au contraire sa détermination, et il reste calme avant d’affronter le vainqueur du dernier Masters. “T’inquiète pas, je vais lui mettre une branlée”, dit-il à Forget avant de faire son entrée sur le court.

Je faisais ce que je voulais de la balle, j’étais comme un peintre avec son pinceau.

Henri Leconte

Et c’est ce qu’il fait. « Dès la première balle, je sais qu’il va en prendre une, que je vais lui mettre une raclée, reprend le Nordiste. Je lui ai tout fait. La volée haute de revers que je lui sors… Ce jour-là, j’avais un sentiment d’invincibilité », racontera Leconte, des années plus tard, pour eurosport.fr.

« Ça fait partie des jours où tu as le sentiment de pouvoir faire tout ce que tu veux. Tout va réussir. Je faisais ce que je voulais de la balle, je la mettais là où j’avais envie de la mettre. J’étais comme un peintre avec son pinceau. C’était magique. »

Trois sets plus tard, Leconte, 159e mondial, a battu Sampras, le 6e joueur au monde, 6-4, 7-5, 6-3. “Je te l’avais dit”, dit-il à Forget en guise de conclusion.

La postérité du moment : la France triomphera, Sampras deviendra un monument

Le lendemain, Leconte et Forget gagneront les 16 premiers points de leur double contre Flach et Seguso, qu’ils battront 6-1, 6-4, 4-6, 6-2. Le dimanche, Forget parviendra à dominer Sampras (7-6, 3-6, 6-3, 6-4) pour permettre à la France de remporter sa première Coupe Davis depuis 1932. 59 ans.

Coupe Davis 1991

En 1992, Leconte obtiendra une wild card pour Roland-Garros, où il réalisera son dernier grand parcours en Grand Chelem, se hissant jusqu’en demi-finales (éliminé par Petr Korda, 6-2, 7-6, 6-3). Il remportera le 9e et dernier titre de sa carrière à Halle en 1993 (aux dépens d’Andrei Medvedev, 6-2, 6-3).

Pete Sampras se remettra de ce cauchemar et deviendra numéro 1 mondial en 1993. Il établira un record de 14 titres du Grand Chelem remportés au cours de sa carrière, triomphant 7 fois à Wimbledon, 5 fois à Flushing Meadows et deux fois en Australie, mais à Roland-Garros, sa meilleure performance restera une demi-finale atteinte en 1996. Il remportera également cinq fois le Masters, et il passera 286 semaines en tant que premier 1 mondial. Bien que la plupart de ses étonnants records sembleront imbattables au moment de sa retraite, en 2003, la plupart d’entre eux seront battus par Roger Federer au cours de la décennie suivante. Tous sauf un : entre 1993 et 1998, Sampras terminera six années consécutives à la première place mondiale, un record que seul Djokovic est parvenu à égaler en 2020.

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