12 décembre 1981 : le jour où John McEnroe s’est embrouillé avec son propre capitaine de Coupe Davis, Arthur Ashe

Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Aujourd’hui, nous retournons en 1981 pour voir comment, lors du double de la finale de la Coupe Davis, John McEnroe a perdu son sang-froid à plusieurs reprises, au point d’échanger des propos virulents avec son capitaine, Arthur Ashe.

John McEnroe, Wimbledon 1983 John McEnroe, Wimbledon 1983 – © Charles Knight/REX/SIPA

Ce qu’il s’est passé ce jour-là : McEnroe colérique, comme d’habitude

Ce jour-là, le 12 décembre 1981, en finale de la Coupe Davis, John McEnroe, le nouveau numéro 1 mondial, associé à Peter Fleming, affronte les Argentins Guillermo Vilas et José Luis Clerc. Bien qu’ils soient les grands favoris, les Américains sont embarqués dans un match en cinq sets très tendu (qu’ils vont finalement remporter), au cours duquel McEnroe s’en prend à parti presque tout le monde dans le stade, de ses adversaires à son propre capitaine.

Les acteurs : John McEnroe – Peter Flemming, Guillermo Vilas – José Luis Clerc

  • L’équipe américaine : McEnroe – Fleming, as du double

John McEnroe, né en 1959, est numéro 1 mondial depuis août 1981, après qu’il a gagné Wimbledon pour la première fois en triomphant de la légende suédoise Björn Borg (4-6, 7-6, 7-6, 6-4). Le gaucher de New-York a ébloui le monde du tennis dès ses premier pas sur le circuit, en 1977, lorsqu’à l’âge de 17 ans, il s’était aligné à Wimbledon en tant qu’amateur pour s’extraire des qualifications et atteindre les demi-finales. « Mac » est extrêmement talentueux. Son jeu est basé sur le toucher de balle et la précision, le tout agrémenté d’un service aussi original qu’efficace, souvent suivi au filet. En 1979, il est devenu le plus jeune vainqueur de l’histoire de l’US Open en battant en finale Vitas Gerulaitis (7-5, 6-3, 6-3). Il a également créé la surprise cette année-là en venant à bout de Björn Borg (7-5, 4-6, 6-2, 7-6) en finale du World Championship Tennis. En 1980, il a disputé le plus fameux match de sa carrière en finale de Wimbledon, s’inclinant en cinq sets contre Borg, après avoir gagné un incroyable tie-break au quatrième set (18-16).  En septembre, il est parvenu à défendre son titre à New-York en venant à bout de Bjorn Borg (7-6, 6-1, 6-7, 5-7, 6-4). En 1981, après son premier triomphe au All England Club, il s’est imposé l’US Open pour la troisième fois, dominant à nouveau Björn Borg dans ce qui restera la dernière apparition du Suédois en Grand Chelem (4-6 6-4 6-2 6-3).

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JOHN Mc ENROE – Wimbledon 1981 – 25.06.1981 – © Panoramic

Peter Fleming est né en 1951. Bien qu’il ait été un très bon joueur en simple, ayant atteint le 8e rang mondial et remporté trois titres (dont l’Open de Cincinnati 1979, où il a battu Roscoe Tanner en finale, 6-4, 6-2), il est surtout connu comme un grand joueur de double. Avec son partenaire emblématique, John McEnroe, il a déjà remporté quatre tournois du Grand Chelem (Wimbledon en 1979 et 1981, et l’US Open en 1979 et 1981 également).

  • L’équipe argentine : Vilas – Clerc, spécialistes de la terre battue

L’Argentin Guillermo Vilas, né en 1952, est l’un des premiers joueurs à avoir imprimé un énorme lift en coup droit comme en revers. Gaucher, il est une véritable légende de la terre battue. En 1975, il parvient en finale de Roland-Garros, où il s’incline face à Björn Borg, le seul joueur à pouvoir alors le défier du fond de court (6-2, 6-3, 6-4). Après deux défaites en finale de l’US Open en 1975 et 1976, Vilas atteint le sommet de sa forme en 1977. Cette année-là, il domine le tennis mondial, remportant 16 titres, en s’imposant à Roland-Garros (écrasant en en finale Brian Gottfried, 6-0, 6-3, 6-0) et à Forest Hills, où il bat le favori du public, Jimmy Connors (2-6, 6-3, 7-6, 6-0). De plus, il parvient en finale de l’Open d’Australie, sur gazon, où il est battu par Roscoe Tanner (6-3, 6-3, 6-3). Il établit également un record qui demeurera intouchable pendant près de trente ans : une série de 53 victoires consécutives sur terre battue. Malgré ses résultats fantastiques, Vilas n’atteint jamais la première place mondiale, ce qui sera par la suite à l’origine de nombreuses controverses au sujet du système de classement. En 1978, l’Argentin est à nouveau battu par Borg en finale de Roland-Garros (il subit une lourde défaite, 6-1, 6-1, 6-3), mais il parvient à s’adjuger un nouveau titre du Grand Chelem, en dominant John Marks en finale de l’Open d’Australie (6-4, 6-4, 3-6, 6-3). En 1979, malgré une saison décevante, il ajoute un dernier titre du Grand Chelem à son palmarès en venant à bout de John Sadri en finale de l’Open d’Australie (7-6, 6-3, 6-2). Depuis, l’Argentin paraît sur le déclin, et en 1981, il n’atteint les quarts de finale d’aucun tournoi majeur.

Guillermo Vilas, Roland-Garros 1977
Guillermo Vilas – Crédit : Tennis Magazine / Panoramic

José Luis Clerc, originaire d’Argentine, est né en 1958. Spécialiste de la terre battue, il remporte son premier titre sur sa surface favorite en 1978, à Florence (en battant Patrice Dominguez en finale, 6-4, 6-2, 6-1). En 1979, il atteint les huitièmes de finale à Wimbledon et à l’US Open, mais c’est en 1981 qu’il atteint son meilleur niveau. Cette année-là, il remporte six titres sur le circuit, dont le plus important de sa carrière, à Rome (en battant Victor Pecci en finale, 6-3, 6-4, 6-0), mais il atteint également les demi-finales à Roland-Garros (battu par Ivan Lendl, 3-6, 6-4, 4-6, 7-6, 6-2). En décembre 1981, il est numéro 5 mondial.

Le lieu : Cincinnati

La finale de la Coupe Davis 1981 a lieu à Cincinnati, dans l’Ohio, au Riverfront Coliseum, une arène polyvalente qui accueille habituellement des concerts et des matchs de hockey. Pour la finale de la Coupe Davis, il a une capacité d’accueil de 15 000 spectateurs.

L’histoire : McEnroe perd son sang froid et s’en prend même à son capitaine

Lorsque les États-Unis affrontent l’Argentine en finale de la Coupe Davis en 1981, leur joueur numéro 1, John McEnroe, est considéré comme le meilleur joueur du monde en simple comme en double. Le jeune gaucher, devenu numéro 1 mondial en août, a remporté cette année-là les deux épreuves à Wimbledon ainsi qu’à l’US Open, ce qui fait de lui un atout très rare dans une équipe de Coupe Davis. De plus, le match se déroule sur moquette intérieure, la surface la moins appréciée des Argentins, qui sont surtout connus pour être excellents sur terre battue. Pourtant, en 1980, McEnroe avait vécu contre eux sa pire expérience en Coupe Davis, lorsqu’il s’était incliné pour la première fois dans cette compétition face à José Luis Clerc, avant de perdre un second match contre Guillermo Vilas. 

Le premier jour de cette finale de 1981, McEnroe écarte facilement Vilas (6-3, 6-2, 6-2), mais son coéquipier, le grand serveur Roscoe Tanner, ne parvient pas à briser la confiance de Clerc. 

Le samedi 12 décembre, lorsque McEnroe et son partenaire de longue date Peter Fleming affrontent Clerc et Vilas, ils sont largement favoris. Peu de gens pensent que les Argentins ont une chance contre les récents vainqueurs de Wimbledon et de l’US Open, mais, poussés par l’esprit de la Coupe Davis, ils emmènent les Américains dans un improbable match au couteau.

“La Coupe Davis produit une élévation de l’intensité et du calibre de jeu”, comment à ce sujet Arthur Ashe, le capitaine américain, cité par upi.com.

Pendant ce temps, McEnroe perd son sang-froid à plusieurs reprises, obligeant son capitaine à entrer sur le court à deux reprises pour calmer le jeu. Ses cibles ? Ses adversaires, qui prennent trop de temps entre les points ; la foule, qui est trop bruyante ; les officiels, incapables de prendre les bonnes décisions ; et un photographe qui se déplace pendant les points. 

Je pense qu’il (John McEnroe) se comporte comme un sale gosse sur le court.

José Luis Clerc

“On va bien voir qui va gagner !”, crie-t-il à un groupe de supporters argentins un peu trop enthousiastes.

Le numéro un mondial se montre particulièrement provocateur et ses adversaires essaient de lui faire perdre le contrôle. 

“Fais-moi savoir quand tu es prêt, d’accord ? On a tout l’après-midi”, hurle-t-il à l’intention de Vilas, qui prend délibérément son temps.

Tous les joueurs convergent alors vers le filet et le ton monte. Ashe bondit de sa chaise pour repousser McEnroe vers la ligne de fond et, au changement de côté suivant, le capitaine des États-Unis entame avec ses joueurs une “conversation féroce”, selon Sports Illustrated. Cependant, quelques secondes plus tard, Clerc et McEnroe échangent des politesses à nouveau, et “le capitaine et McEnroe ont semblé sur le point de s’affronter”.

Finalement, le numéro 1 retrouve ses esprits et les États-Unis l’emportent sur le fil, 6-3, 4-6, 6-4, 4-6, 11-9.

“Tout ce qui les préoccupe, c’est de vous faire péter les plombs”, explique McEnroe, selon Sports Illustrated. “Ils ne sont pas une équipe de double. Nous sommes une équipe de double. Ils ne font que de l’intox. Si les gens ne pensent pas que la Coupe Davis est différente d’un tournoi ordinaire, alors ils n’ont pas vu ce qui s’est passé aujourd’hui.”

Les Argentins ne sont pas surpris par l’attitude de McEnroe.

“McEnroe s’énerve pour tout et pour rien”, déclare Vilas, tandis que Clerc se contente de dire : “Je pense qu’il se comporte comme un sale gosse sur le court”.

La postérité du moment : Ashe ne supportera plus McEnroe

Le lendemain, McEnroe remportera le titre en battant Clerc au terme d’un nouveau match palpitant en cinq sets (7-5, 5-7, 6-3, 3-6, 6-3).

“Quand on gagne la Coupe Davis, beaucoup de choses sont pardonnées”, commentera le numéro un mondial.

Cependant, au fil des ans, le fait de devoir gérer la personnalité et les colères de McEnroe sera l’une des principales raisons qui pousseront Arthur Ashe à démissionner de son poste de capitaine de la Coupe Davis, en 1985.

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