10 juillet 1981 : Le jour où Flushing Meadows a accueilli une rencontre mythique de Coupe Davis, avec Connors, McEnroe et Lendl
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 10 juillet 1981, un quart de finale de Coupe Davis entre les Etats-Unis et la République tchèque se dispute à Flushing Meadows. Avec en tête d’affiche Jimmy Connors, John McEnroe et Ivan Lendl.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi cela a marqué l’histoire du tennis
Ce jour-là, le 10 juillet 1981, pour la première fois, l’USTA Tennis Center, situé à Flushing Meadows, New York, théâtre de l’US Open depuis 1978, accueille une rencontre de Coupe Davis. Ce quart de finale entre les Etats-Unis et la Tchécoslovaquie présente une affiche de rêve avec trois des quatre meilleurs joueurs mondiaux : John McEnroe, Jimmy Connors et Ivan Lendl. Devant une foule record de 17 445 spectateurs, ils apportent chacun un point à leur équipe. Mais à l’arrivée, c’est bien l’équipe américaine qui prendra le dessus.
Les personnages : les Etats-Unis de Connors et McEnroe, la Tchécoslovaquie de Lendl
L’équipe américaine
- Jimmy Connors, “Jimbo” l’ancien roi du circuit
Jimmy Connors, né en 1952, est l’un des plus grands joueurs de son temps. Coaché depuis toujours par sa mère, Gloria, Connors est l’un des premiers joueurs à jouer à plat et en cadence depuis la ligne de fond de court. Sa manière de frapper la balle montante inspirera beaucoup les futures générations de joueurs. « Jimbo », passé pro en 1972 à vingt ans, est devenu numéro 1 mondial dès 1974. Cette année-là, il avait gagné trois des quatre tournois du Grand Chelem et avait été interdit de participation à Roland-Garros, le quatrième, en raison d’une procédure judiciaire qu’il avait lancée contre l’ATP. Il est resté numéro 1 mondial pendant une durée record de 160 semaines consécutives, entre 1974 et 1977.
Après avoir cédé son trône à Björn Borg le 23 août 1977, pour une semaine seulement (!), il l’avait récupéré pour 84 semaines supplémentaires, jusqu’au printemps 1979. Il a pour l’instant décroché cinq titres du Grand Chelem : l’Open d’Australie (1974), Wimbledon (1974) et l’US Open (1974, 1976, 1978). Depuis 1979, Connors n’a pas évolué au même niveau que lors de ses plus grandes années. Bien qu’il ait remporté les WCT Finales en 1980, aux dépens de John McEnroe, il n’a pas atteint la moindre finale de Grand Chelem depuis son titre à l’US Open en 1978. Il est cependant toujours 3e mondial.
- John McEnroe, “Mac” le roi actuel
John McEnroe, né en 1959, vient juste de redevenir numéro 1 mondial après avoir gagné Wimbledon pour la première fois en triomphant de la légende suédoise Björn Borg (4-6, 7-6, 7-6, 6-4). Le gaucher de New York a ébloui le monde du tennis dès ses premiers pas sur le circuit, en 1977, lorsqu’à l’âge de 17 ans, il s’était aligné à Wimbledon en tant qu’amateur pour s’extraire des qualifications et atteindre les demi-finales. « Mac » est extrêmement talentueux. Son jeu est basé sur le toucher de balle et la précision, le tout agrémenté d’un service aussi original qu’efficace et souvent suivi au filet. McEnroe est devenu en 1979 le plus jeune vainqueur de l’histoire de l’US Open en battant en finale Vitas Gerulaitis (7-5 6-3 6-3). Il a également créé la surprise cette année-là en venant à bout de Borg (7-5 4-6 6-2 7-6) en finale du World Championship Tennis. Il est parvenu à défendre son titre à New York en 1980 en dominant le Suédois (7-6 6-1 6-7 5-7 6-4).
Les deux joueurs sont célèbres pour leur comportement, qui choque à l’époque le monde bien propre et policé du tennis.
Ils sont parfois vulgaires – Connors montrant un doigt d’honneur à un juge de ligne ou mettant sa raquette entre ses jambes de manière évocatrice. Leurs querelles incessantes avec le corps arbitral dénotent dans un sport dit « de gentlemen ». Habituellement, ils sont rivaux et se détestent cordialement. Mais ils font aujourd’hui cause commune. Ce n’est que la deuxième fois que Connors participe à la Coupe Davis, alors qu’il ne voulait généralement pas s’impliquer dans une compétition étalée sur quatre semaines sans chèque à la clé.
Stan Smith et Bob Lutz sont là pour disputer le double. En simple, Smith fut l’un des meilleurs joueurs du début des années 1970, lorsqu’il s’imposait à l’US Open en 1971 et à Wimbledon en 1972. Depuis 1975, il obtient ses meilleurs résultats en double, associé à Bob Lutz, avec qui il a remporté cinq titres en Grand Chelem (l’Open d’Australie en 1970, l’US Open en 1968, 1974, 1978 et 1980) et atteint huit finales.
L’équipe tchécoslovaque
- Ivan Lendl, le futur roi
Né en 1960, Ivan Lendl est alors numéro 4 mondial. Passé pro en 1978, il se pose depuis 1980 comme l’un des quatre meilleurs joueurs au monde avec Björn Borg, McEnroe et Jimmy Connors. Il a déjà remporté neuf titres ATP, dont sept pour la seule année 1980. Lendl a atteint sa première finale de Grand Chelem en 1981 à Roland-Garros, où il avait battu McEnroe en quarts de finale avant de céder face au grand Borg en cinq sets (6-1 4-6 6-2 3-6 6-1). Il est en passe de redéfinir les standards du jeu de fond de court, avec un coup droit lifté très puissant qui lui permet d’être à la fois agressif et extrêmement régulier. Il pousse ainsi ses adversaires à un rude combat physique. Lendl redéfinit également les standards en termes de préparation, s’entraînant plus que quiconque auparavant, bien plus soucieux de sa condition physique et de son alimentation que n’avaient l’habitude de l’être les tennismen de l’époque.
Tomas Smid, le quatrième larron des simples, est né en 1956. 27e mondial, il a remporté quatre titres en simple et n’a jamais dépassé le troisième tour d’un tournoi du Grand Chelem. En double, il a également soulevé quatre trophées et a atteint les demi-finales de Roland-Garros en 1979, associé à Jan Kodes. 35 ans désormais, ce dernier est triple vainqueur de Grand Chelem en simple : Roland-Garros 1970 et 1971, Wimbledon 1973 lors d’une édition boycottée par plusieurs des meilleurs joueurs de la planète.
Le lieu : Flushing Meadows
L’USTA National Tennis Center, situé à Flushing Meadows, New York, a été inauguré en 1978 pour accueillir l’US Open de tennis, organisé chaque année à cheval entre août et septembre. A l’époque, son court central, d’une capacité de 18 000 places, est le Stade Louis Armstrong, et le Tennis Center est l’un des plus grands complexes de tennis au monde. Depuis que l’US Open a quitté son ancien site, à Forest Hills, pour venir s’installer à Flushing Meadows, on n’y a vu triompher que des joueurs américains : Jimmy Connors en 1978, et John McEnroe en 1979 et 1980. Ces deux champions font partie de l’équipe américaine pour ce quart de finale de Coupe Davis.
L’histoire : Lendl domine Mcenroe, Connors s’impose contre Smid
Le 19 juillet 1981, pour la première fois, l’USTA National Center accueille une rencontre de Coupe Davis aux airs de All-Star Game entre les Etats-Unis et la Tchécoslovaquie. Devant une foule record de 17 445 spectateurs, John McEnroe affronte Ivan Lendl pour lancer la rencontre. Les deux joueurs se sont déjà affrontés à trois reprises, et bien que McEnroe ait remporté leurs deux premiers matches, c’est Lendl qui a pris le dessus la dernière fois, à Roland-Garros (6-4 6-4 7-5).
McEnroe vient de triompher à Wimbledon, il y a à peine une semaine. Cela devrait le mettre en confiance. Mais depuis sa fameuse scène contre Tom Gullikson (« you cannot be serious »), McEnroe est sous le feu des critiques. Il se voit infliger de lourdes amendes et refuser la carte de membre honoraire habituellement offerte à tous les vainqueurs du tournoi. Arthur Ashe, le capitaine de l’équipe américaine, ne s’attend pas à le voir à son meilleur niveau. Il voit bien que le récent vainqueur de Wimbledon semble épuisé mentalement par la controverse qui l’a poursuivi pendant puis après le tournoi.
De son côté, Lendl s’est fait éjecter au premier tour de Wimbledon et a pu s’entraîner dix jours en Floride pour préparer l’événement. Il domine les débats, trouvant assez de longueur pour empêcher McEnroe de prendre le filet aussi souvent qu’à son habitude. Bien que McEnroe fasse clairement des efforts pour bien se comporter sous le drapeau américain, il est défait en trois manches (6-4 14-12 7-5).
Jimmy Connors permet aux Etats-Unis de revenir à 1-1 en balayant Tomas Smid (6-3 6-1 6-2). Il explique ensuite qu’il « ne voulait pas finir la journée à 0-2, surtout le jour de l’anniversaire d’Arthur Ashe ».
Bien que les équipes terminent cette première journée à égalité, l’équipe américaine reste confiante pour la suite de la rencontre. « Je n’ai jamais perdu contre Smid, et ça ne devrait pas m’arriver maintenant. Sur le papier, nous ne devrions plus perdre aucun match », déclare John McEnroe, tandis qu’Arthur Ashe prédit que, « à l’issue du premier match de dimanche, je pense que la rencontre sera terminée ».
La postérité du moment : les Etats-Unis remportent la rencontre, puis la Coupe Davis
Les choses se passeront exactement comme McEnroe et Ashe l’avaient annoncé. Le samedi, Stan Smith et Bob Lutz domineront Ivan Lendl et Tomas Smid, 9-7 6-3 6-2. Le dimanche, John McEnroe conclut en battant facilement Smid en trois sets, 6-3 6-1 6-4. Les Etats-Unis gagneront la Coupe Davis en 1981, en battant l’Argentine en finale, en alignant cette fois une équipe différente : John McEnroe joueront les simples, tandis que Peter Fleming épaulera McEnroe en double.
Jimmy Connors ne rejouera en Coupe Davis qu’en 1984. Cette année-là, il participera à toute la campagne, qui s’achèvera par une défaite en finale contre la Suède, 4-1.