Wimbledon (peut-être) privé de points ATP : et si le grand vainqueur était… Daniil Medvedev ?
Suite à sa décision d’exclure les joueurs russes et biélorusses de son édition 2022, Wimbledon (tout comme les autres tournois anglais sur gazon) risque de se voir dépouillé cette année de ses points ATP. Une décision “coup de poing” qui pourrait, paradoxalement, faire les affaires d’un Russe, Daniil Medvedev.
Après avoir publiquement désapprouvé la décision de Wimbledon et de l’ensemble des tournois anglais – suivant les directives du gouvernement britannique – d’exclure tous les joueurs et les joueuses russes (mais aussi biélorusses), en représailles à l’offensive guerrière menée par leur pays en Ukraine, l’ATP pourrait aller beaucoup plus loin. Elle pourrait riposter en annonçant la suppression pure et simple des points ATP délivrés par l’ensemble des tournois anglais sur gazon, y compris donc le plus prestigieux de tous, Wimbledon.
Selon des informations relayées notamment par la presse britannique, les réunions se sont multipliées en coulisses à Madrid et cette semaine à Rome, où le Board de l’ATP doit se réunir pour prendre une décision dont le verdict est attendu très rapidement, peut-être dès jeudi ou vendredi. Si elle venait à confirmer les menaces émises – et il se dit que le Conseil des joueurs pousse en ce sens –, cette décision aurait un impact extrêmement fort, à la hauteur sans doute du fameux boycott de Wimbledon 1973, même si c’était une toute autre histoire.
Quid d’une saison sur gazon sans points ?
Au-delà de la déflagration symbolique, une telle décision aurait bien sûr également d’énormes conséquences sur le plan sportif. Si la saison sur gazon est réduite à cinq semaines (Wimbledon inclus), elle n’en pèse pas moins très lourd dans le bilan comptable actuel de nombreux joueurs.
Ainsi, pour “évaluer” le poids de la saison sur grass dans le classement mondial, nous nous sommes amusés à déterminer quelle serait la hiérarchie actuelle si la saison 2021 sur le gazon anglais n’avait – pour telle ou telle raison qui importe peu dans le cadre de cet exercice – pas délivré le moindre point, autrement dit si elle avait été reléguée au rang de simple exhibition. La situation serait totalement différente pour les deux leaders actuels du classement ATP, Novak Djokovic et Daniil Medvedev. On va le voir.
Le plus gros “gadin” serait enregistré par Matteo Berrettini, vainqueur au Queen’s et finaliste à Wimbledon l’an dernier, qui serait éjecté du top 10 pour se retrouver aux alentours de la 16e place mondiale. Dans une moindre mesure, les deux demi-finalistes sortants de Wimbledon, Hubert Hurkacz et Denis Shapovalov (par ailleurs demi-finaliste au Queen’s), paieraient également les pots cassés : le Polonais (12e mondial) en voyant le top 10 s’éloigner considérablement, et le Canadien en étant au bord de la relégation hors du top 20.
Djokovic et Federer, les grands perdants
Il y a bien sûr aussi le cas très particulier de Roger Federer : le Suisse, absent du circuit depuis presque un an en raison d’une blessure au genou, “vit” encore non pas sur son quart de finale atteint l’an dernier à Wimbledon, mais sur la moitié des points (soit 600) obtenus avec sa finale en 2019, un savant calcul né de la suspension du circuit en 2020 à cause du coronavirus et du gel du classement qui a suivi. Bref : sans ces 600 points, Federer, actuellement 46e avec 1030 points, n’aurait plus que son huitième de finale à Roland Garros 2021 à se mettre sous la dent, et serait en dehors du top 100.
Mais la principale conséquence concernerait donc les deux plus hautes marches du podium : tenant du titre à Wimbledon, Novak Djokovic aurait 2 000 points en moins et ne serait donc pas numéro un mondial. Cet accessit serait en ce moment même en la possession de Daniil Medvedev, éliminé en huitième de finale à Wimbledon (il a été par ailleurs demi-finaliste sur le gazon de Majorque, mais hors Angleterre, donc).
Le Russe (ironie du sort…) , qui s’apprête à revenir à la compétition à Genève après avoir manqué le début de saison sur terre battue en raison d’une hernie inguinale, a d’ailleurs pris soin – hasard ou pas – de n’inscrire aucun tournoi anglais à son calendrier : cette année, il a prévu de jouer ‘s-Hertogenbosch (qui se dispute la semaine suivant Roland-Garros) et Halle. Selon nos informations, il va aussi ajouter Majorque à son programme. Vu qu’il a peu de points à défendre à cette période, il aura quoi qu’il arrive beaucoup à gagner durant cette saison sur gazon.
Pour rappel, voici la situation actuelle du top 20 ATP :
- Djokovic 8260 points
- Medvedev 7990
- Zverev 7020
- Nadal 6435
- Tsitsipas 5750
- Alcaraz 4773
- Rublev 4115
- Berrettini 3895
- Auger-Aliassime 3760
- Ruud 3760
- Norrie 3380
- Hurkacz 3130
- Sinner 3060
- Fritz 2965
- Schwartzman 2760
- Shapovalov 2671
- Opelka 2440
- Carreno Busta 2135
- Bautista Agut 1993
- Dimitrov 1830
Et voici les positions du même top 20 en enlevant les points sur gazon :
- Medvedev 7720 points (=)
- Zverev 6840
- Djokovic 6260
- Nadal 6075
- Tsitsipas 5750
- Alcaraz 4728
- Rublev 3935
- Ruud 3760
- Auger-Aliassime 3310
- Sinner 3060
- Norrie 2990
- Schwartzman 2760
- Fritz 2740
- Hurkacz 24
- Opelka 2395
- Berrettini 2195
- Carreno Busta 2125
- 1Dimitrov 1785
- Shapovalov 1771
- Bautista Agut 1633
Au-delà de ces calculs arithmétiques, on peut se demander dans quelles proportions le fait de priver Wimbledon de ses points ATP en atténuerait l’importance aux yeux des joueurs. Le prestige du tournoi anglais suffirait-il à les motiver comme si de rien n’était ? Peut-être pour ceux qui visent le titre, car la valeur d’un Grand Chelem est évidemment supérieure aux points et à l’agent qu’il distribue. Mais “quid” des autres, les seconds couteaux ou les non spécialistes de gazon ? Feraient-ils seulement le déplacement et, si oui, dans quel état d’esprit ?
Autant de questions qui restent en suspens. Mais qui, pas plus que la pression de l’ATP ou les prises de position de Novak Djokovic, Rafael Nadal ou même Andy Murray, ne semblent à même de faire plier la volonté du gouvernement britannique.
“Nous soutenons complètement la décision de Wimbledon, a ainsi déclaré le Ministre adjoint aux sports Nigel Huddleston, cité par le quotidien anglais The Evening Standard. Même si je comprends les réactions négatives des joueurs et des instances du tennis, je peux vous dire que ces réactions sont largement minoritaires en comparaison du sentiment général de la population. Je ne pense pas que nous puissions être plus clairs sur le fait que les Russes et les Biélorusses sont des parias sur la scène sportive, et ils le seront aussi longtemps que Vladimir Poutine se comportera de la sorte.
Les joueurs, eux, crient à l’injustice et à la discrimination. On croyait avoir tout vu avec le coronavirus et l’annulation de Wimbledon en 2020, mais ce bras de fer pourrait déboucher sur une situation tout aussi unique dans l’histoire du jeu.