Sinner n’oublie pas ses problèmes : “Malgré le succès, ma situation n’est pas confortable”
Vainqueur du Masters 1 000 de Shanghai ce dimanche aux dépens de Novak Djokovic, Jannik Sinner n’occulte pas la menace de suspension qui plane actuellement sur lui. Mais tente de l’oublier en se réfugiant d’autant plus dans sa bulle sur le court.
Tout ou presque a été dit sur les qualités tennistiques de Jannik Sinner, ces accélérations de coup droit “ondulantes” assimilables à des coups de fouet, ces revers glissés en bout de course qui évoquent son passé de skieur et ces parpaings décochés sans relâche dans toute les positions du court. Mais après avoir décroché ce dimanche, à Shanghai, le quatrième Masters 1 000 de sa carrière aux dépens de Novak Djokovic, c’est bel et bien sur le plan mental que l’Italien a ébahi encore un peu plus les suiveurs du tennis.
Battre Djokovic dans une finale de Masters 1 000, peu de joueurs, déjà, sont capable de le faire (et même personne, jusqu’à présent, à Shanghai). Le faire en deux sets, en affichant un sang-froid supérieur à celui de la légende serbe (notamment à la fin du premier set), c’est une performance d’autant plus hors norme quand on sait les problèmes hors court auxquels doit faire face l’Italien, qui pourrait se retrouver sous la menace d’une suspension après que l’Agence Mondiale Antidopage (AMA) a déposé un recours devant le Tribunal Arbitral du Sport (TAS), dans le cadre d’un contrôle positif au Clostébol, cette année à Indian Wells, pour lequel il a été blanchi en première instance.
“Cette année a été très, très difficile pour moi compte-tenu des circonstances, j’ai parfois perdu le sourire en raison de mes problèmes en dehors du court, qui sont toujours dans mon esprit par moments”, a admis le (plus que jamais) numéro 1 mondial en conférence de presse. “Ce n’est jamais évident de jouer dans de telles circonstances mais, justement, je fais en sorte d’en profiter le plus possible quand je suis sur le court. J’essaie de rester très calme et de ne pas dramatiser si je rate des coups ou si je manque parfois de chance. L’idée est de garder la meilleure énergie possible.”
Je me sens fort quand je vais sur le court et je donne 100% dans tout ce que je fais. Mais il y a aussi des moments où j’y pense, et ce n’est pas toujours facile.
Jannik Sinner
Une sorte de mal pour un bien pour l’Italien, qui fait d’une certaine manière mentir le sacro-saint principe mental au tennis selon lequel les problèmes rencontrés en dehors du court rejaillissent forcément sur le court, en particulier dans les moments chauds. Ce dimanche, il a encore été un monstre de froideur, face pourtant à un adversaire référence en la matière. Et c’est effectivement ce qui impressionne le plus chez lui, dans un contexte pesant où de nombreuses personnes, y compris Novak Djokovic récemment, dénoncent des dysfonctionnement dans le système de gouvernance du tennis, quand d’autres, comme Nick Kyrgios, remettent carrément en cause sa simple présence sur le court.
“Les gens croient parfois que la victoire et le succès vous exonèrent de tout problème, mais ce n’est pas vrai : ma situation actuelle n’est évidemment pas confortable”, a poursuivi Sinner. “J’aimerais vraiment ne pas être dans cette position, pouvoir jouer plus librement sur le court et en profiter encore plus. Ce n’est pas le cas et je dois juste l’accepter. Je me sens fort quand je vais sur le court, je donne 100% dans tout ce que je fais, en match ou à l’entraînement. Mais il y a aussi des moments où j’y pense, et ce n’est pas toujours facile …”
L’un dans l’autre, Jannik Sinner, d’ores et déjà assuré de finir la saison numéro 1 mondial, gère parfaitement la situation sur un plan sportif. Le reste ne lui appartient plus – on ne connaît pas la date précise où le TAS examinera l’appel de l’AMA, même si la presse italienne évoque une échéance à début 2025, peut-être en février -, mais il l’abordera certainement avec les qualités qui le caractérisent : du calme, de la méthode et une petite dose de fatalisme.