Tsitsipas, l’athlète au corps sculpté pour le tennis
Stefanos Tsitsipas est de loin le joueur qui aura le plus joué et gagné cette année sur terre battue (six tournois, dont quatre finales et deux titres). Son préparateur physique Frédéric Lefebvre raconte comment il a façonné un corps si endurant, qui ne craint plus personne.
Autant être franc, nous avions préparé cet article en prévision d’une finale de Roland-Garros entre Stefanos Tsitsipas en Rafael Nadal. Avec l’idée suivante : montrer que le Grec, 22 ans, aurait certes tout à craindre du treizuple vainqueur du tournoi, sauf la bataille physique qui a fait plier tant de joueurs ici. Pour avoir dominé Nadal en quart de finale à Melbourne en revenant de deux sets à zéro, et pour avoir poussé l’Espagnol dans ses retranchements dans une brûlante finale à Barcelone de 3h38, le Grec sait qu’il fait partie d’un des rares joueurs du circuit à ne craindre personne sur le plan physique.
« A chaque fois qu’il joue Nadal, il lui fait mal physiquement”, rappelle Frédéric Lefebvre, le préparateur physique du Grec, directeur de la prépa physique à l’académie Mouratoglou. “A Barcelone, il perd (6-4, 6-7, 7-5, ndlr), mais on voit Nadal baisser. Il sait qu’il est obligé de se mettre dans le rouge pour faire le point. La balle de Stefanos est elle aussi très lourde. »
Le problème sera à peu près le même dimanche en finale contre Novak Djokovic. Le Serbe vient de dominer Nadal sur le Chatrier en le faisant notamment décliner physiquement après 3h30 de jeu. Que Djokovic récupère ou non tous ses moyens, une chose est sûre : Tsitsipas sera prêt et sa capacité à endurer le combat proposé par Djokovic n’est pas un sujet d’inquiétude.
Tsitsipas est l’homme qui a le plus joué et gagné en 2021
« Stefanos est capable de tenir très longtemps à très haute intensité”, pose Fred Lefebvre au pied du central, après une séance d’entraînement avec Stefanos et Apostolos Tsitsipas. “S’il respecte tous les fondamentaux, je n’ai aucune inquiétude sur un match long en cinq sets. Les fondamentaux, c’est ce que font les marathoniens : boire et se ravitailler pendant l’effort. »
La baisse d’énergie contre Alexander Zverev en demi-finale montre que le Grec peut gagner en rigueur sur ce plan. Pour le reste, il s’est construit une caisse qui lui a permis de réaliser une saison sur terre battue d’une folle intensité avec six tournois joués : Monte-Carlo, Barcelone, Madrid, Rome, Lyon, Roland-Garros.
Tsitsipas est l’homme qui a le plus joué de matches sur terre cette saison (26 contre 25 à Albert Ramos-Viñolas) et le plus gagné (23). Il est aussi celui qui le plus joué sur le circuit : 47 matches dans les grands tableaux dont 39 victoires.
Sur les cinq tournois sur terre battue à ce jour achevés, Tsitsipas a ramené deux trophées (Monte-Carlo, son premier Masters 1000, et Lyon), et disputé une autre finale (Barcelone), soit au total 26 matches de simple, sans compter cinq matches de double avec son frère, Petros Tsitsipas.
La caisse qui permet à Tsitsipas d’enchaîner ce rythme au point d’être le numéro un mondial à la Race, le Grec l’a bâtie cet hiver lors de sa préparation à Dubaï. « Cette année, on a fait une superbe pré-saison (Dubaï 15 décembre- 15 janvier), il s’est « mis cher », il s’est donné à 100% », nous avait dit Frédéric Lefebvre en février.
Le travail que le Français mène désormais avec le Grec relève désormais du sur-mesure. « On s’adapte à ses sensations et sa fatigue. 70% du travail, c’est du préventif avec renforcement spécifique sur certains groupes musculaires. Parfois, on fait un travail technique tennistique s’il manque des choses dans la justesse de son jeu de jambes. Le cardio, la vitesse, l’endurance, tant qu’il va loin dans les tournois, ce qui est le cas, il le travaille avec le tennis. »
Frédéric Lefebvre fait observer qu’il ne faut pas se laisser impressionner par le nombre de matches disputés. « A Monte-Carlo, ils ont tous duré un peu plus d’une heure, sauf un 7-5 abandon (contre Davidovitch Fokina). »
Être à 100% à tous les matches, ce n’est pas humain.
Frédéric Lefebvre, préparateur physique de Stefanos Tsitsipas
La fatigue, Tsitsipas l’a surtout connue sur le plan mental en 2021. Il a coupé quelques jours après sa défaite en quart de finale à Miami contre Hubert Hurkacz, qui l’avait privé de la perspective de son premier Masters 1000. « Et la défaite contre Ruud à Madrid, deux jours après la finale de Barcelone, c’était le contrecoup de cette déception, se souvient Frédéric Lefebvre. Il nous l’a dit et c’est normal. Être à 100% à tous les matches, ce n’est pas humain. S’il perd un match pour en gagner de plus gros plus tard, justement parce qu’il aura récupéré, c’est un mal pour un bien. »
Sur le plan physique, Fred Lefebvre est attentif aux données qu’il possède et aux informations que lui transmet le joueur. « Stefanos est du genre guerrier, à ne jamais se plaindre et à faire confiance à ce qu’on lui demande. Cette année, j’essaie de faire en sorte qu’il verbalise davantage pour nous guider. » Le Grec, assure Lefebvre, n’a quasiment jamais de courbature.
Tsitsipas – Djokovic, Roland-Garros 2020 : un mauvais souvenir
Djokovic, proposé à Tsitsipas en finale, c’est le mauvais souvenir d’une bataille en cinq sets, en demi-finale en 2020, achevée sur un 6-1 pour le Serbe. « Stefanos était touché au psoas, le seul pépin qu’on a eu en depuis qu’on travaille ensemble (fin 2017, ndlr) ». Le Grec s’était blessé à Rome face à Jannik Sinner trois semaines plus tôt et ne sera sorti de ce pépin qu’en fin d’année 2020.
En 2021, Tsitsipas est en pleine forme et Djokovic en a fait l’expérience à Rome, au cours d’une demi-finale disputée sur deux jours. Le Grec a possédé trois fois un break d’avance dans la deuxième manche avant de laisser le numéro un mondial triompher (4-6, 7-5, 7-5). Interrogé après sa bataille contre Nadal, le Serbe a résumé les enjeux. « Ce match-là aussi sera très dur. J’espère pouvoir recharger mes batteries à temps parce qu’il va aussi me demande beaucoup de puissance et d’énergie. »