Professionnalisme total et kiff absolu : les 7 raisons pour lesquelles Humbert réalise la semaine de sa vie au Rolex Paris Masters
Amoureux du tournoi de Paris-Bercy, Ugo Humbert va disputer la première finale de sa vie en Masters 1000 à l’issue d’une semaine où il aura donné la meilleure version de lui-même. Tout sauf un hasard.
C’est une de ces vidéos comme UTS aime en proposer aux fans de tennis sur les réseaux sociaux. On demande aux joueurs de se mouiller un peu, de trash talker si le cœur leur en dit. Tournée à Francfort y a dix jours, on y demande qui est le joueur le plus sous-estimé du tennis. Futur finaliste du tournoi (contre Shelton), Ugo Humbert y affirme : « Moi ».
Publiée il y a dix jours, cette vidéo est déjà obsolète. Finaliste du Rolex Paris Masters 2024 après avoir notamment battu Carlos Alcaraz et fait tout ce qu’un joueur de tennis doit savoir faire pour être un pro accompli – imposer son meilleur jeu, ou trouver des solutions quand celui-ci s’est envolé, comme en demie contre Khachanov –, Humbert est en train de valider un statut de chouchou du public français et de membre reconnu de l’élite mondiale.
C’est tout sauf un hasard si tout ceci se produit cette semaine. Voici les sept raisons pour lesquelles le Messin est, pour l’instant, en train d’accomplir un chef-d’œuvre à Paris.
1. Humbert n’a pas (ou plus) la pression du résultat
« Je n’attendais rien de cette semaine et c’est pour ça que ça marche bien », a lancé Humbert après sa demi-finale contre Khachanov. Cette phrase étrange est beaucoup plus facile à comprendre si l’on inverse la proposition : c’est quand on attend beaucoup de soi que le risque d’échec est plus important. Humbert a su se sortir brillamment de ce cercle vicieux.
Treizième mondial ce printemps après avoir notamment remporté deux trophées consécutifs, Marseille et Doha, Ugo Humbert a concrètement senti que son ambition d’atteindre le Top 10 à l’ATP était à portée de mains. Puis il a payé en Grand Chelem – sauf peut-être à Wimbledon, où seul un grand Alcaraz a su le dompter en huitième de finale – comme en Masters 1000 les attentes trop fortes qu’il plaçait en lui. Depuis cet été, le Français est à nouveau concentré sur le « process », c’est-à-dire ses intentions de jeu et son professionnalisme au quotidien. Bingo : quand tout devient bonus, Humbert redevient cette machine à envoyer du lourd des deux côtés à laquelle il est difficile de résister.
« Il attendait un gros résultat dans un gros tournoi depuis très longtemps », reconnaît son entraîneur et complice Jérémy Chardy. Sauf cette semaine, et cela a bien fonctionné.
2. Humbert ne fait plus aucun complexe
Le concept de défaite fondatrice est un non-sens dans le monde du sport de haut niveau, mais celui de défaite porteuse d’informations résonne pour Ugo Humbert et son coach, Jérémy Chardy, ancien protégé de Patrick Mouratoglou, autre coach qui a beaucoup développé cette idée. Convaincu qu’il pouvait devenir pro sur le tard, descendu au-delà de la 150e place mondiale en 2022, Humbert n’a pas le parcours fulgurant et programmé des stars du jeu, mais quelques matches de très haut niveau l’ont convaincu de sa capacité à pouvoir rivaliser avec les meilleures qualités de balle du monde.
Sa défaite contre Alexander Zverev en huitième de finale au Rolex Paris Masters 2023 (6-4, 6-7, 7-6) et ses deux derniers sets contre Carlos Alcaraz à Wimbledon cette année ont fini de convaincre le Français de ce que Gaël Monfils lui a transmis, là encore, devant les caméras d’UTS : « Tu es fort », « il n’y a pas beaucoup de joueurs qui jouent aussi vite que toi sur le circuit », « dans le vestiaire tu es craint ».
A chaque fois contre les gros, je me dis: ‘tu n’es pas loin, tu n’es pas loin…’
Ugo Humbert
« Il y a des matchs contre de supers joueurs que j’ai accrochés mais que je n’ai pas gagnés, reconnaît Humbert. A chaque fois, je me dis: ‘tu n’es pas loin, tu n’es pas loin…’ J’empile les briques au fur et à mesure. Et là, tout s’imbrique et c’est ça qui est sympa dans le tennis. »
Interrogé cette semaine sur les raisons pour lesquelles Carlos Alcaraz s’étonnait de voir Humbert lui causer de gros problèmes avec sa qualité de balle, le Français a répondu comme il ne le faisait jamais jusqu’ici : « J’ai deux frappes qui vont très vite des deux côtés. Je pense qu’il n’est pas le seul à ressentir ça quand il joue contre moi. » Avoir pesté contre sa programmation sur le court n°1 est aussi la preuve d’une pleine conscience de son statut.
3. L’Accor Arena est son court préféré
Messin d’origine, Ugo Humbert est un excellent joueur d’indoor, conditions dans lesquelles il a appris le tennis. Sans les contrariétés du vent ou de l’humidité, sa balle y fuse quoiqu’il arrive, surtout quand la surface de jeu est aussi rapide que cette année au Rolex Paris Masters. Comme si cet atout ne suffisait pas, Humbert voue au Masters 1000 parisien une affection totale qui crée une connexion sans filtre avec les 15 000 spectateurs. « C’est mon tournoi préféré » ne cesse-t-il de répéter depuis le début de la semaine.
« Pour moi, c’est du pur bonheur. Il y a 15 000 personnes qui sont derrière moi. Bien sûr, je l’utilise parce que c’est un atout majeur. Ici je joue avec mon cœur, j’ai envie de partager ce moment avec eux. J’ai envie de transmettre quelque chose et de sentir qu’ils sont là aussi pour m’aider et me pousser. »
Que le Rolex Paris Masters connaisse sa dernière édition à Paris Bercy, 38 ans après la première, avant un déménagement à La Défense, ajoute un supplément d’âme à son parcours. « Je me répète que c’est le dernière édition, j’ai envie que ça dure le plus longtemps possible. Je me suis offert la possibilité d’y jouer un dernier match. Je vais en profiter une dernière fois. Je suis tellement triste que ce soit la dernière édition… Petit, je suis venu voir la finale Nadal-Nalbandian (en 2007) avec des étoiles dans les yeux. J’aurais déjà trouvé incroyable de pouvoir juste y jouer. Alors m’offrir une finale, c’est jouissif. »
4. Humbert ne laisse rien au hasard dans sa préparation
Ugo Humbert répète qu’il est « fier de lui » chaque soir à Bercy mais il place dans le même sac ses actions sur le court et ses activités de récupération et de préparation entre chaque match. Soins, hydratation, sommeil, nutrition, concentration (sans verser dans l’auto-pression) : Humbert a bâti avec Jérémy Chardy une organisation extrêmement professionnelle qui ne laisse rien au hasard.
Psychologue de la performance (Sophie Huguet) et nutritionniste (Martina Fabre) s’ajoutent au staff sportif composé de Chardy, Fabrice Martin (entraîneur-adjoint), Xavier Moreau (préparateur physique) et Laurent Tort (kiné), sans oublier Thierry Ascione, manager.
5. Humbert adore jouer en France
Il faut mettre les difficultés d’Ugo Humbert à Roland-Garros sur le compte d’un désamour de la terre battue. Car pour le reste, il adore jouer en France. Ses résultats parlent pour lui : depuis cette fameuse défaite contre Zverev au Rolex Paris Masters 2023, il est invaincu en indoor sur le sol tricolore avec un succès à Metz puis à Marseille, soit 15 matches gagnés. « Il aime jouer en France et en Coupe Davis, tranche Chardy. Dès qu’il y a cette ambiance, ça crée une différence chez lui, ça l’aide à se dépasser mentalement et physiquement. »
6. Humbert est frais (pour cette époque de l’année)
Alors que le Rolex Paris Masters est connu comme le tournoi où la lourdeur de la saison se paie au prix fort, Ugo Humbert a encore des cartouches à utiliser. Physiquement, il a tenu, puis épuisé Khachanov en demi-finale. Mentalement personne n’a plus envie que lui de rester jusqu’au bout.
« J’aime bien ce que m’a dit la psychologue : la fatigue, c’est comme un nuage, ça passe » rigole Humbert. « Plus sérieusement, je n’y prête pas attention. Je me dis : ‘on est là’. Je profite à fond. Je donne tout ce que j’ai, et on verra bien ! »
Humbert savoure notamment l’absence de blessure après une saison où quelques pépins ont eu raison de sa légendaire fraîcheur. « Quand tu sais que tu peux vraiment pousser la machine et que tu n’as aucun pépin physique, c’est sûr que c’est différent. J’ai eu des problèmes de hanche tout au long de la saison et quand tu joues avec ça, tu ne prends pas beaucoup de plaisir. Là, Je me sens bien, je fais bien ma récupération, mon préparateur physique est là, ma nutritionniste aussi. J’accentue beaucoup les soins. »
Il en aura besoin car sa saison est loin d’être terminée : il jouera à Metz la semaine prochaine puis la Grand Finale de l’UTS à Londres du 6 au 8 décembre.
7. Humbert sait jouer avec le public
Ce qui frappe Chardy dans l’attitude de Humbert, très décomplexé dans sa façon de haranguer la foule (et de se motiver lui même), ce n’est pas qu’il le fasse, c’est le soin qu’il met à choisir ses moments.
« Avant, il pouvait lui arriver de s’emballer quand ça ne servait à rien, s’amuse son coach. Il sent mieux les moments importants et gère beaucoup mieux qu’avant la tension, les temps forts et les temps faibles. »
« Les solutions viennent à moi, c’est ça qui me rend fier, complète Humbert. Je ne suis jamais trop inquiet pendant les matches. Je joue vraiment en m’écoutant, avec un super feeling, et c’est pour ça qu’à la fin, je suis capable de faire des coups incroyables pour remporter la victoire. »
A 26 ans, cela fait partie des conséquences logiques d’une carrière qui commence à prendre de l’ampleur. Le défi est de le reproduire en finale de Masters 1000 contre un joueur beaucoup plus habitué à ce type de rencontre. Toujours en marge d’UTS Francfort, Humbert avait rencontré Tennis Majors pour un entretien dans lequel il avait affirmé viser le Top 10 et “de gros titres”. Ce papier-là reste d’actualité. Mais il faudra bientôt le mettre à jour.