Pourquoi faut-il s’attendre, encore, à un vent de surprises à Indian Wells ?
Considéré comme le Masters 1 000 le plus prestigieux, en tout cas le mieux doté, parfois même (auto) qualifié de cinquième Grand Chelem, Indian Wells est néanmoins celui qui, depuis quelques années, est marqué par le plus grand nombre de surprises. Une explication ?
Il n’a jamais gagné de Masters 1 000 et il est classé aux alentours de la 15è place mondiale. En résumé, Frances Tiafoe devrait s’imposer à Indian Wells cette année si l’on en croit le portrait-robot des quatre derniers vainqueurs d’un tournoi qui, auparavant, semblait pourtant, contrairement à d’autres Masters 1 000, ne devoir sourire qu’aux plus gros bras du tennis mondial : lors de 16 des 17 premières éditions du XXIè siècle, soit entre 2001 et 2017, il ne s’était en effet offert qu’à des numéro 1 mondiaux (anciens, futurs ou en exercice), à la seule exception d’Ivan Ljubicic en 2010.
Depuis, le décor a changé. Les quatre dernières éditions ont toutes été remportées par des joueurs qui non seulement n’ont jamais été numéro 1, mais qui ont plus ont décroché à cette occasion leur premier, et à ce jour dernier, Masters 1 000. Passent encore pour Juan Martin Del Potro en 2018 et Dominic Thiem en 2019 (tous deux victorieux de Roger Federer en finale), dont le CV par ailleurs prestigieux et riche d’un tournoi du Grand Chelem ne dépareille pas au palmarès.
Mais Cameron Norrie (alors 26e mondial) en 2021 et, dans une moindre mesure, Taylor Fritz (20e) en 2022, sans leur manquer de respect, personne ne les avait franchement vus venir, même si le Britannique et l’Américain n’ont pas signé là un simple “one shot”, prouvant par la suite qu’on ne gagnait un Masters 1 000 complètement par hasard, circonstances favorables ou non.
Il n’empêche, la tendance est là : Indian Wells n’est plus actuellement un tournoi de cadors. Et le symbole en est évidemment Novak Djokovic, qui n’a plus disputé le tournoi depuis 2019, pour des raisons certes indépendantes de sa volonté. Cela faisait un moment, cela dit, que le Serbe ne semblait plus faire du tournoi californien sa cible préférentielle, puisque le dernier de ses cinq succès remonte à 2016, suivi de trois contre-performances en 2017 (défaite en huitième de finale contre Nick Kyrgios), 2018 (d’entrée contre Taro Daniel) et 2019 (troisième tour contre Philipp Kohlschreiber).
Et Djokovic n’est pas le seul à savoir souvent déserté le désert californien ces derniers temps. Nadal n’était là ni en 2018 ni en 2021 (pas plus qu’en 2023), il a fini blessé les éditions 2019 (forfait en demi-finale) et 2022 (touché à une cote et battu en finale par Fritz). Dans le même laps de temps, Andy Murray, avec les soucis physiques que l’on sait, était soit absent soit hors de forme lors des précédentes éditions, tandis que Roger Federer n’a plus joué après 2019. Bref, c’est tout le Big Four qui a laissé une faille s’entrouvrir. Et quand les gros chats ne sont pas là, les souris dansent, c’est bien connu.
Un tournoi extrêmement changeant, à tout point de vue
C’est peut-être, justement, parce que les portes d’une victoire de prestige avaient été laissées grand ouvertes qu’un vent de surprise à nul autre pareil a emporté les dernières éditions du tournoi. Et que de nombreux favoris (parmi les présents) y ont attrapé un gros rhume, à l’image de Daniil Medvedev, incapable de dépasser jusqu’à présent les huitièmes de finale dans un tournoi qui se dispute pourtant sur la surface de ses plus grands succès.
Dans une interview exclusive accordée récemment à Tennis Majors, l’entraîneur du Russe, Gilles Cervara, expliquait que les conditions de jeu très particulières à Indian Wells avait provoqué chez son joueur de fortes baisses de niveau, sans que la chose ne soit bien sûr irrémédiable. En 2021, il était pourtant le favori dans la foulée de son titre à l’US Open. Mais cette année-là avait été particulièrement “spéciale” puisque Indian Wells s’était joué à l’automne après avoir été reporté par la pandémie de coronavirus. Et Medvedev, arrivé sans doute aussi un peu fatigué, avait été battu en huitièmes par Grigor Dimitrov.
A tout seigneur tout honneur : Daniil, qui reste sur trois titres à Rotterdam, Doha et Dubai, a les faveurs logiques des bookmakers cette année. Mais attention…
Les conditions météos extrêmement changeantes du tournoi sont d’ailleurs, peut-être, une autre explication partielle au palmarès lui aussi changeant. Si l’on regarde ce palmarès de plus près, on y voit autant d’attaquants de surface rapide (Ljubicic, Fritz, sans oublier les finales de Fish, Isner ou Raonic) que des joueurs de fond de court voire des terriens (Chang, Corretja, Nadal, Thiem, Norrie…). En clair, il n’y a pas vraiment de règle.
A Indian Wells, où les courts en dur ont la réputation d’être un peu plus abrasifs qu’ailleurs, il peut soit faire extrêmement chaud, soit très frais, il peut pleuvoir, il y a souvent beaucoup de vent et il peut même y avoir des tremblements de terre en plein match, comme c’était arrivé en 1990 pendant une partie entre la Portoricaine Gigi Fernandez et l’Américaine Eleni Rossides. En clair, il n’y a pas de règle, là non plus. Et cela peut être déstabilisant.
D’ailleurs, le phénomène que l’on dépeint chez les hommes est vrai aussi chez les femmes. Quatre des cinq dernières éditions féminines ont en effet été remportées par des joueuses qui y ont aussi décroché leur premier WTA 1 000 : Paula Badosa en 2021, Bianca Andreescu en 2019, Naomi Osaka en 2018 et, la plus surprenante de toutes, Elena Vesnina en 2017.
Et ce, là aussi, avec l’aide d’un certain nombre d’absences puisque les deux dernières éditions se sont tenues sans les finalistes sortantes de l’Open d’Australie, Ashley Barty et Danielle Collins en 2022, Naomi Osaka et Jennifer Brady en 2021. Entre autres.
Le palmarès du tournoi féminin est d’ailleurs le symbole du caractère très changeant du tournoi féminin puisqu’aucune joueuse n’est jamais parvenue à y conserver son titre depuis Martina Navratilova, qui avait réussi le doublé en 1990 et 1991. A une époque où, de la Quinta à Palm Springs, le tournoi avait déjà également plusieurs fois changé de lieu.