Comment Medvedev et Rublev, amis proches, gèrent leur rivalité sur le court
Lundi soir, au Masters, Daniil Medvedev s’est imposé pour la septième fois en neuf duels contre Andrey Rublev. Son ami, depuis l’enfance.
“Non, nous n’avons jamais vraiment été des amis proches, ou peut-être un peu en juniors. C’est seulement lui (Alexander Zverev), dans des discours de remises de prix, qui a dit être ami avec ma femme et moi, ce qui n’est clairement plus le cas depuis longtemps.“
Devant les caméras, pour l’image, il arrive que des joueurs galvaudent le mot “ami”. Pas Daniil Medvedev. En avril, à Monte-Carlo, il s’était lâché. En balançant publiquement Alexander Zverev comme un menteur au sujet de leurs relations réelles. L’Allemand, irrité par la défaite combinée à l’attitude du Russe et une pause-toilettes prise à 4-3 dans le dernier set, venait alors de qualifier ce dernier de “joueur comptant parmi les moins fair-play du circuit.”
Mais entre Daniil Medvedev et Andrey Rublev, pas de beaux discours de façade, tels des politiciens du sport. Les deux Moscovites sont, vraiment, amis proches. Ils se connaissent depuis l’enfance, en s’étant affrontés pour la première fois à “six ou sept ans”.
Amis depuis l’enfance
Une époque où “Daniil jetait sa raquette, mais sans pleurer ou pleurnicher”, a confié Rublev lors d’un entretien accordé à Sports.ru. “Au lieu de ça, il pouvait crier sur tout et tout le monde, y compris les arbitres. Il était fou à ce point. Il n’hésitait pas à dire à l’arbitre ce qu’il pensait de lui. Si quelqu’un passait simplement par-là, aux abords du court, il était capable de lui dire d’aller se faire voir. Moi, en plus de balancer aussi ma raquette, je chouinais et pleurais. Il m’est aussi arrivé de manger de la terre battue.”
Depuis, les deux hommes ont bien grandi. Sans trop changer. S’il a appris à se contrôler davantage, Medvedev jette toujours sa raquette, dit toujours aux arbitres ce qu’il pense d’eux, et n’hésite toujours pas à envoyer paître un spectateur un peu trop impétueux. Rublev, lui, est toujours à fleur de peau sur un court, tel une cocotte-minute semblant prête à exploser après chaque moment chaud ne tournant pas en sa faveur.
Au fil des ans, leur relation s’est renforcée. Au point que Rublev soit devenu parrain de la fille de Medvedev. Une situation pas forcément facile à gérer en compétition, lorsqu’on doit battre, faire mal, à quelqu’un qu’on aime. Vainqueur 6-4, 6-2 dans le groupe rouge du Masters 2023 lundi soir, le surnommé “Danya” mène désormais 7-2 dans son face-à-face avec “Rublo”.
L’an dernier, quand Andrey m’a battu, j’ai senti qu’il n’osait pas trop venir me parler, parce qu’il se souciait de moi.
Daniil Medvedev
“Comment gère-ton le fait d’affronter un ami proche ? Ça dépend des caractères de chacun”, a répondu le numéro 3 mondial en conférence de presse après sa victoire. “Ça dépend aussi du scénario du match, mais si je perds il me faut généralement une heure pour passer à autre chose. Parfois deux heures. Parfois 30 minutes. Évidemment je suis déçu, mais je me mets à en rire, à parler aux gens. Je crois qu’Andrey a besoin d’un peu plus de temps, mais c’est juste sa personnalité.”
Voilà pour l’après-match. Mais pendant ? “Sur le terrain, je ne sais pas comment c’est pour lui (Rublev), mais pour moi : amis, ennemis, tout ça n’existe plus. Je veux seulement gagner le match. Je ne pense à rien d’autre. Mais quand le dernier point est fini, je me sens un peu triste pour lui. Et c’est pareil pour lui quand il me bat.”
“L’an dernier, c’était dur, brutal, quand il m’a battu (en phase de poule du Masters, après un duel de 2h30)”, a-t-il complété. “Lors des deux jours suivants, j’ai senti qu’il n’osait pas trop venir me parler, parce qu’il se souciait de moi. C’est pareil pour moi. Je vais chercher la connexion par le regard demain (mardi), et voir si on peut discuter normalement.”
Ma défaite n’a rien à voir avec notre relation en dehors du court.
Andrey Rublev
S’il s’est moins étendu sur le sujet – il est toujours plus difficile d’être bavard après une défaite –, le 5e de la hiérarchie planétaire a néanmoins délivré quelques mots. “Est-ce difficile d’affronter un ami proche ? Non, non.”, a-t-il répondu. “Ma défaite n’a rien à voir avec notre relation en dehors du court.”
“Généralement, si vous n’êtes pas top 5, vous ne le battez pas”, a-t-il ajouté. “Et même quand vous êtes top 5, il est très difficile à vaincre. C’est davantage une question de mental lors des moments importants. Rester concentré, savoir saisir les opportunités et réussir à finir les points quand il ramène toujours une balle de plus.”
Et malgré tout, avec le temps et l’âge, les défaites contre son ami sont sans doute devenues plus faciles à avaler, et digérer, qu’une poignée de terre battue.