8 janvier 1978 : le jour où la finale Connors-Borg au Masters a jeté le flou sur la place de n°1… 1977 !
Le 8 janvier 1978, Jimmy Connors domine Bjorn Borg en finale du Masters 1977, disputé pour la première fois au Madison Square Garden de New York
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi cela a marqué l’histoire du tennis
Ce jour-là, le 8 janvier 1978, Jimmy Connors domine Björn Borg en finale du Masters 1977, disputé pour la première fois au Madison Square Garden de New York (6-4, 1-6, 6-4). Avec cette victoire, l’Américain qui est techniquement numéro 1 mondial au classement ATP de fin d’année, relance le débat au sujet du meilleur joueur mondial.
En effet, Connors se trouve devant Borg (vainqueur de Wimbledon) et Vilas (vainqueur de Roland-Garros et de l’US Open), alors qu’il n’a lui-même pas gagné de tournoi du Grand Chelem. « Qui est le numéro1 ? Je vous laisse décider », déclare pour sa part la légende suédoise aux journalistes.
Les personnages : Jimmy Connors et Björn Borg
- Jimmy Connors, numéro 1 mondial
Jimmy Connors, né en 1952, est l’un des meilleurs joueurs de son temps. Coaché depuis toujours par sa mère, Gloria, Connors est l’un des premiers joueurs à jouer à plat et en cadence depuis la ligne de fond de court. Sa manière de frapper la balle montante inspirera beaucoup les futures générations de joueurs.
Il est également connu pour son comportement, qui choque à l’époque le monde bien propre et policé du tennis.
Tandis que sa mère l’encourage bruyamment depuis les tribunes, à coups de « Come on, Jimbo ! », il déploie une agressivité hors du commun, jusque dans sa façon de s’encourager. Il est parfois vulgaire – Connors montrant un doigt d’honneur à un juge de ligne ou mettant sa raquette entre ses jambes de manière évocatrice. Ses querelles incessantes avec le corps arbitral dénotent dans un sport dit « de gentleman ».
“Jimbo” passe professionnel en 1972, et, durant ses deux premières saisons en tant que pro, Connors remporte 17 tournois et atteint les quarts de finale en Grand Chelem à trois reprises. En 1974, il décide de participer, pour la première fois, à l’Open d’Australie, une sage décision puisqu’il y remporte son premier titre du Grand Chelem, aux dépens de Phil Dent (7-6, 6-4, 4-6, 6-3).
C’est ainsi que débute sa plus grande saison. En juillet, Connors a déjà gagné dix tournois, dont Wimbledon, où il a surclassé la légende australienne Ken Rosewall (6-1, 6-1, 6-4) au cours de l’une des finales les plus déséquilibrées de l’histoire du tournoi. Il devient numéro 1 mondial peu de temps après. La seule ombre à sa saison est l’interdiction qui lui a été faite de participer à Roland-Garros en raison de sa participation au World Tennis Tour, qui l’a mené, avec son manager, à poursuivre en justice l’ATP. Il parachève sa fantastique saison en écrasant à nouveau Rosewall en finale de l’US Open (6-1, 6-0, 6-1).
En 1975, il demeure le numéro 1 mondial incontesté mais, malgré neuf tournois gagnés, il ne parvient pas à s’imposer en Grand Chelem, y échouant à trois reprises en finale : défait par John Newcombe en Australie (7-5, 3-6, 6-4, 7-6) puis par Arthur Ashe à Wimbledon (6-1, 6-1, 5-7, 6-4), il s’incline face à Manuel Orantes à Forest Hills (6-4, 6-3, 6-3). Il ajoute un quatrième titre du Grand Chelem à son palmarès en 1976, en battant Borg en finale de l’US Open (6-4, 3-6, 7-6, 6-4). En 1977, il est finaliste malheureux à Wimbledon et à l’US Open, mais il occupe toujours la première place mondiale.
Bjorn Borg, le vent de fraîcheur
Bjorn Borg, né en 1956, est le champion qui a changé le tennis pour toujours. Sa « starisation » sans précédent et ses nombreux succès contribuent à faire du tennis un sport très populaire à la fin des années 1970. Son style de jeu, avec un usage inhabituel du lift et un revers à deux mains très curieux pour l’époque, est simplement révolutionnaire et sera copié dans le monde entier.
Son surnom, « Ice Borg », reflète son attitude sur le court : il semble maîtriser ses émotions en toutes circonstances. Ayant commencé le tennis à l’âge de 9 ans, il fait déjà partie de l’équipe suédoise de Coupe Davis à l’âge de 15 ans, et, pour sa première participation à cette compétition, il gagne son simple contre le Néo-Zélandais Onny Parun. Il passe pro l’année suivante, en 1973, avant même de fêter ses dix-sept ans, et il atteint bientôt la finale de Monte-Carlo, où il est battu par Ilie Nastase (6-4 6-1 6-2).
Sa domination commence en 1974, où, à l’âge de 18 ans, il remporte son premier titre du Grand Chelem à Roland-Garros, devenant le plus jeune vainqueur de l’histoire du tournoi, venant à bout de Manuel Orantes (2-6, 6-7, 6-0, 6-1, 6-1). Depuis le début de sa carrière, un seul joueur a réussi à battre Borg à Paris : l’Italien Adriano Panatta, qui le domine en 1973 et en 1976. Sinon, le Suédois est invaincu à Paris où il s’est imposé une deuxième fois en 1975, dominant Guillermo Vilas en finale (6-2, 6-3, 6-4).
En 1977, Borg décide de s’engager dans le World Team Tennis, une compétition par équipes très rémunératrice organisée au printemps aux Etats-Unis, renonçant ainsi à Roland-Garros. Depuis 1976, il se montre également invincible à Wimbledon, s’imposant en 1976 (aux dépens d’Ilie Nastase, 6-4, 6-2, 9-7) et en 1977 (face à Jimmy Connors, 3-6, 6-2, 6-1, 5-7, 6-4).
Etant donné que Bjorn Borg n’a participé qu’une seule fois à l’Open d’Australie, en 1974, on considère que le seul titre majeur après lequel il court encore est l’US Open, où il a été finaliste malheureux face à Jimmy Connors en 1976. Borg demeure par ailleurs invaincu en simple en Coupe Davis, ayant accumulé 19 victoires sous le drapeau national.
Le lieu : le Madison Square Garden de New York
Créé en 1970, le Masters de fin d’année regroupe les huit meilleurs joueurs mondiaux. Le tournoi change initialement de lieu chaque année, et s’installe à New York, au Madison Square Garden, en 1977. Dans cette salle, “la plus célèbre du monde”, le Masters devient bien plus qu’un simple tournoi de tennis, il devient un véritable spectacle. Lors de cette première édition, les billets sont tous vendus longtemps à l’avance, avec plus de 18 500 spectateurs se pressant dans les gradins. Le directeur du tournoi, Ray Benton, a déplacé l’épreuve au mois de janvier afin d’éviter d’être en concurrence avec le football américain, et, dans l’attente du Super Bowl, le Masters de tennis est le principal événement de tennis aux États-Unis cette semaine-là.
L’histoire : Connors fait honneur à sa place de numéro 1
En 1977, bien qu’il détienne la première place du classement ATP, Jimmy Connors n’a pas vraiment dominé le tennis, même s’il a tout de même gagné de nombreux tournois, atteint deux finales de Grand Chelem et gagné les finales du WCT. Deux autres joueurs ont joué les premiers rôles: Bjorn Borg, vainqueur à Wimbledon, et Guillermo Vilas, qui a remporté Roland-Garros et l’US Open, accumulant 17 titres au long de la saison.
À cette époque, l’ATP et l’ITF tiennent deux classements indépendants, et utilisent un système de comptage des points différents. L’ITF se contente d’additionner les points marqués par les joueurs dans les tournois du Grand Prix, tandis que l’ATP divise les points marqués par les joueurs par le nombre de tournois ATP qu’ils ont disputés. D’après le classement ATP, Connors est numéro1, Vilas numéro 2 et Borg numéro 3, mais selon l’ITF, Vilas est premier, Borg deuxième, et Connors troisième.
Dans tous les cas, comme le note Barry Lorge, dans le Washington Post : « Ce qui est apparu clair en 1977, c’est que Borg, Vilas et Connors sont bien au-dessus de tous les autres bons joueurs qui peuplent le circuit. »
Le Masters de fin d’année est une bonne occasion de voir qui est vraiment le meilleur. Lors de la phase de poules, Vilas vient à bout de Connors (6-4, 3-6, 7-5), mais l’Argentin est ensuite sèchement battu par Borg en demi-finales (6-3, 6-3).
Je ne pense pas que vous me verrez mieux jouer que ça un jour, c’est mon meilleur tennis.
Jimmy Connors
À l’issue d’une superbe bagarre du fond du court, c’est finalement le plus agressif des deux joueurs qui s’impose. Borg adopte une stratégie défensive, espérant que Connors se précipite et commette des fautes directes. Ses espoirs sont déçus : l’Américain parvient à rester à la fois agressif et patient. Cependant, après qu’il a empoché la première manche (6-4), il semble que la régularité de Borg ait fini par l’user. Rapidement, Connors perd le deuxième set (6-1) et se retrouve mené 2-0 au troisième. Une fois encore, le numéro1 mondial démontre sa légendaire combativité, et parvient à hausser son niveau de jeu, produisant un tennis parfait pour emporter la victoire, 6-4.
« Je ne pense pas que vous me verrez mieux jouer que ça un jour », confie Connors au public, selon le New York Times. « C’est mon meilleur tennis. C’est ce qu’il fallait produire pour battre Borg aujourd’hui.”
“Résumons la situation. Borg m’a battu à Wimbledon. Vilas a gagné Forest Hills. J’ai gagné ici. (…) Juste une chose : ne nous classez pas tous numéros 1, ce serait refuser de choisir. »
La postérité du moment : Connors écrira l’histoire jusqu’en 1991
Au cours des années suivantes, après un troisième succès à l’US Open en 1978, Connors sera mis en difficulté, n’atteignant pas la moindre finale de Grand Chelem en 1979, 1980 et 1981. Il reviendra ensuite au sommet remportant trois titres majeurs supplémentaires en 1982-1983, récupérant sa place de numro 1 mondial pour 17 semaines, établissant un record de 268 semaines passées en haut du classement. “Jimbo” restera un joueur du top 10 jusqu’en avril 1989, à l’âge de 37 ans. En 1991, à 39 ans, il réalisera un parcours mémorable à l’US Open, où il se hissera jusqu’en demi-finale, finalement éliminé par Jim Courier (6-3 6-3 6-2). A la fin de sa longue carrière, il détiendra le record de 109 titres glanés sur le circuit ATP. Malgré quelques apparitions ultérieures, Connors prendra sa retraite à la fin 1992.
Borg ne remontera au sommet du classement qu’en mars 1979, et s’y maintiendra 41 semaines durant, jusqu’à l’arrivée d’un nouveau rival, John McEnroe. Néanmoins, Borg restera dominateur jusqu’en 1981, occupant la première place 109 semaines durant. Victime de l’attention permanente dont il est l’objet et de la pression qui en découle, il explosera en plein vol et prendra sa retraite à l’âge de 26 ans, comptant déjà 64 tournois à son palmarès, dont 11 Grands Chelems et 2 Masters.