Le patron de l’ATP crée un bad buzz pour ses propos dévalorisant le circuit challenger
En affirmant qu’il était logique que les joueurs du circuit Challenger aient du mal à gagner leur vie, le président de l’ATP Andrea Gaudenzi a suscité une pluie de commentaires négatifs soulignant son incapacité à développer le circuit masculin.
Tout est parti d’une vidéo de douze minutes parue sur le site Internet du Financial Times mercredi. Le quotidien britannique s’y saisit d’un sujet qui est revenu sur la table avec l’arrêt du circuit consécutif au COVID et le lancement de la PTPA par Novak Djokovic et Vasek Pospisil : l’inéquitable répartition des revenus dans l’élite du tennis mondial. Celle-ci rend difficile de vivre de son sport au-delà de la centième place mondiale. Andrea Gaudenzi, patron de l’ATP, fait partie des intervenants de la vidéo.
Si vous suivez le tennis de près, vous n’apprendrez pas grand chose dans cette vidéo par ailleurs très bien conçue pour un public plus large. Pourtant, un passage a suscité de nombreux commentaires toute la semaine. Gaudenzi y explique qu’il est logique et probablement sans alternative de voir les joueurs classés au-delà de la centième place ne pas parvenir à gagner leur vie.
Gaudenzi : “Il faut bien fixer une limite”
« Il faut bien fixer une limite à un endroit, y explique Gaudenzi depuis le Monte-Carlo Country Club. Sur le circuit Challenger, chacun devrait pouvoir équilibrer ses dépenses et ses recettes, mais c’est un niveau qui est un peu ce qu’est l’Université (par rapport au monde professionnel classique). C’est un investissement que vous consentez pour, ensuite, aller sur le circuit principal et là, gagner de l’argent comme un professionnel. Je ne pense pas qu’un circuit soit économiquement viable à ce niveau, tout simplement car il n’intéresse pas assez les gens, les sponsors, les diffuseurs et les spectateurs payants. »
Il fait référence au circuit Challenger, le circuit international de « deuxième division », sur lesquels évoluent de fait les joueurs compris entre la 100e et la 300e place mondiale.
Je ne pense pas qu’un circuit soit économiquement viable à ce niveau, tout simplement car il n’intéresse pas assez les gens, les sponsors, les diffuseurs et les spectateurs payants.
Andrea Gaudenzi sur le circuit challenger
« Gaudenzi semble avoir baissé les bras. Je n’accepte pas ça, écrit l’ancien joueur australien Paul McNamee. Ce commentaire manque de respect à la qualité des joueurs, qui n’ont pas le choix. Peut-être est-il trop occupé à faire passer les Masters 1000 à deux semaines, ce qui réduira encore le nombre de tournois. »
Le joueur Dustin Brown, 37 ans, désormais 341e mondial, l’un des plus populaires du circuit, écrit sur Twitter : « Comment le Challenger Tour peut-il être soutenable si notre ‘président’ pense et parle de la sorte ? De nombreux joueurs qui jouent toutes les semaines arrivent à peine à rentrer dans leurs frais. Le niveau de la compétition a crû d’année en année et Gaudenzi dévalorise le produit et le met au pilori. »
On parle d’un business multimilliardaire, et ce type arrive et nous dit qu’il est normal que seuls cent joueurs gagnent leur vie.
Vasek Pospisil
Le Canadien Vasek Pospisil, 133e mondial, y a vu une raison supplémentaire de développer la PTPA, l’organisation de défense des joueurs créée avec Novak Djokovic. « C’est une preuve d’ignorance de celui qui est pour ainsi dire le leader de l’ATP et du tennis. On parle d’un business multimilliardaire, et ce type arrive et nous dit qu’il est normal que seuls cent joueurs gagnent leur vie. Voilà ce qui arrive quand un sport doit faire les frais d’une situation de monopole. »
Gaudenzi, contesté à l’ATP, a aussi ses supporters
De nombreux comptes Twitter extérieurs au milieu du tennis ont multiplié les témoignages de ce type, comme le Russe Oleg S. « Certes, ces événements sont difficiles à valoriser mais imaginez un DG d’une société qui dirait ‘oui, une partie de notre produit est bonne à jeter mais bon, ça nous va et on ne va rien faire pour changer.’ »
Andrea Gaudenzi est contesté pour son management et ses positions depuis sa nomination à la tête de l’ATP. Dans ce débat, il a aussi ses partisans qui saluent sa capacité à dire la vérité sans filtre.
L’ancien arbitre Richard Ings estime que Gaudenzi pose les termes de la question en des termes assez pertinents. « A mon avis, Gaudenzi est juste réaliste. Tout le monde est au courant des sommes que doit débourser un joueur sur le circuit. On parle de centaines de milliers d’euros par an. Le tennis peut assumer ce coût pour un nombre fini de joueurs. Combien ? » Une centaine aujourd’hui, et le tennis n’a pas apporté de nouvelles réponses depuis la pandémie.