La souffrance et la délivrance : Humbert sort Khachanov et jouera la finale du Rolex Paris Masters
Au bout d’un match crispant lors duquel il a mis très longtemps à se délivrer, Ugo Humbert a fini par faire craquer physiquement Karen Khachanov et s’imposer 6-7(6), 6-4, 6-3 en 2h45. Il deviendra, face à Alexander Zverev, le cinquième Français à jouer la finale à Bercy.
Voilà un match qui ne rentrera pas dans les annales de Bercy par son niveau de jeu intrinsèque, mais quelle importance, puisqu’il le fera pour mille autres raisons ! Pour sa Der des Der dans son enceinte historique de l’Accor Arena, le Masters 1 000 parisien s’est offert un Français en finale en la personne d’Ugo Humbert, victorieux ce samedi d’une demi-finale extrêmement crispante (6-7(6), 6-4, 6-3 en 2h45) face à Karen Khachanov qui a eu les choses en mains avant de lâcher physiquement au bout d’un combat qu’il a fini blessé, et donc battu.
Les chiffres, tout d’abord. Ugo Humbert est devenu le premier joueur français à se qualifier pour une finale de Masters 1 000 depuis Gaël Monfils à Monte Carlo en 2016, et le premier à Bercy depuis Jo-Wilfried Tsonga en 2011. Il est, au total, le cinquième joueur français à se hisser en finale du tournoi parisien après Guy Forget (vainqueur en 1991, finaliste en 1992), Sébastien Grosjean (vainqueur en 2001), Gaël Monfils (finaliste en 2009-10) et donc Jo-Wifried Tsonga (vainqueur en 2008, finaliste en 2011). Une finale que le Lorrain jouera face à Alexander Zverev, vainqueur de Holger Rune dans la première demi-finale.
Par un drôle de signe du destin, c’est justement face à Zverev que Humbert s’était incliné l’an dernier à Bercy, au terme d’un match superbe mais, donc, perdu. Depuis, le gaucher tricolore, qui sera au minimum 14è mondial lundi, n’a plus connu la moindre défaite en indoor en France, s’imposant entre-temps à Metz et à Marseille.
Surtout, le perdant magnifique qu’il avait tendance à être s’est mué, cette semaine et surtout ce samedi, en redoutable machine à gagner. Quitte à le faire assez “salement”, comme lors de cette demi-finale truffée d’erreurs où Ugo a peut-être disputé son plus mauvais match du tournoi, mais s’en est tiré avec son cœur immense et aussi un peu, il est vrai, le concours d’un adversaire qui a lui aussi beaucoup donné, avant de casser son gros moteur.
Le vainqueur de l’édition 2018, vainqueur à Almaty puis finaliste à Vienne ces deux dernières semaines, était un peu en bout de piste. Il a fini par craquer subitement, à 2-2 dans le troisième set, sur un mauvais appui lors duquel il a senti sa cuisse droite se dérober. Malgré un appel immédiat au kiné, il a fini sur une jambe au point même de “balancer” la balle de match, avant de reprocher à son adversaire de lui témoigner d’un certain manque de respect, en célébrant un peu trop fort chacun de ses points alors qu’il ne pouvait plus vraiment bouger. “See you next time” (“on se reverra…”) a-t-il balancé en zone mixte, après sa défaite.
Vrai débat ou fausse excuse, chacun se fera sa propre opinion selon l’endroit où il place le curseur de sa moralité sportive. Mais on ne pourra tout de même pas reprocher à Ugo Humbert d’avoir réussi à achever le travail alors que le danger rôdait encore grandement, car on connaît la difficulté qu’il y a à jouer contre un adversaire blessé. On aurait très bien pu imaginer un Khachanov tenir un peu plus longtemps sur la seule qualité de son service, et Humbert se liquéfier face à l’enjeu. Mais le Français a tenu, porté par une solidité retrouvée dans ces deux derniers sets après une première manche, en revanche, assez inquiétante.
quand tu ne te sens pas forcément bien mais que tu trouves des solutions au fond de toi, ce sont les meilleures victoires.
Ugo Humbert
Cette première manche, aucun des deux joueurs ne semblait la vouloir. Breaké à deux reprises (à 2-2 et à 4-4) sur deux horribles jeux de service constellés de huit fautes directes, Humbert était parvenu à recoller à chaque fois dans la foulée, avant de mener 5-2 (double mini break) dans le jeu décisif… et de retomber dans ses erreurs. Incapable de se libérer, le Français paraissait, aussi, physiquement plus émoussé que lors de ses matches précédents. Et la magie avec Bercy tardait à opérer.
“C’était plus dur aujourd’hui”, a-t-il reconnu lors d’une conférence de presse où il ne s’est guère éternisé, soucieux sans doute de préserver son état physique avant la finale. “Je me sentais un peu moins bien, tout était un peu plus forcé. Il y avait sûrement un peu plus de pression, aussi. Mais j’ai réussi a l’accepter. Au bout du compte, quand tu ne te sens pas forcément bien mais que tu trouves des solutions au fond de toi, ce sont les meilleures victoires. Franchement, ce n’est que du bonheur.”
Sans vraiment retrouver la magie tennistique que lors de son succès face à Carlos Alcaraz, Ugo Humbert a eu l’immense mérite, à partir du deuxième set, de rééquilibrer son ratio de coups gagnants/fautes directes. Il s’est mis aussi à mieux servir, ne concédant pas une fois son engagement (et une seule balle de break en tout) au total des deux derniers sets. Bref, il a serré les boulons et oui, il s’est aussi largement servi de l’énergie du public pour le faire, quitte à titiller le courroux de l’ogre russe.
“Bien sûr que je l’utilise”, a-t-il par ailleurs déclaré. “Avoir 15 000 personnes derrière soi, c’est un atout majeur. Comme je le dis depuis le début de la semaine, je joue avec mon cœur, j’ai envie de partager ce moment avec eux. J’ai envie de transmettre quelque chose et de sentir qu’ils sont là aussi pour m’aider. Il y a eu des moments où j’étais vraiment dans le rouge physiquement et le fait de le voir, lui, en train de cramper, avec le public qui me pousse, ça m’a donné un second souffle. C’est ce qui m’a permis de pouvoir arracher la victoire.”
Une victoire qui lui permettra donc de tenter de devenir, dimanche, le quatrième joueur français à conquérir Bercy, après Guy Forget, Sébastien Grosjean et Jo-Wilfried Tsonga. Le dernier, si l’on considère que le tournoi prendra un nouveau tournant l’année prochaine en déménageant dans l’Ouest parisien, à la “Paris La Défense Arena”. Ugo Humbert, en tout cas, se répète en boucle, depuis le début de la semaine, qu’il joue là le “dernier Bercy”. Tant que ça marche, nul ne saurait le contredire…