19 mars 1989 : le jour où Miloslav Mecir est devenu le dernier joueur de l’histoire à remporter un tournoi avec une raquette en bois
Le 19 mars 1989, à Indian Wells, le Tchécoslovaque Miloslav Mecir devient le dernier joueur de l’histoire du tennis à remporter un tournoi avec une raquette en bois.
Ce qu’il s’est passé ce jour-là : La technologie a perdu
Ce jour-là, le 19 mars 1989, à Indian Wells, le Tchécoslovaque Miloslav Mecir devient le dernier joueur de l’histoire du tennis à remporter un tournoi avec une raquette en bois. C’est aussi le dernier titre de sa carrière, écourtée par une blessure au dos. En finale, Mecir remonte un handicap de deux sets à rien pour s’imposer face au Français Yannick Noah, 3-6, 2-6, 6-1, 6-2, 6-3.
Les personnages :
Miloslav Mecir est né en Tchécoslovaquie en 1964. Il devient professionnel en 1982, et sa façon de jouer ne passe pas inaperçue très longtemps : ses coups imprévisibles, son toucher de balle exceptionnel et son agilité lui valent le surnom d’ « Il Gattone », « Le Chat ». Il remporte son premier tournoi à Rotterdam en 1985, aux dépens de Jakob Hlasek (6-1, 6-2), et en 1986, il réalise sa première performance notable en Grand Chelem en se hissant en finale de l’US Open (battu par Ivan Lendl, 6-4, 6-2, 6-0). En 1987, il gagne le premier gros tournoi de sa carrière, le Lipton Championship, à Key Biscayne (battant cette fois Lendl, 7-5, 6-2, 7-5), avant d’atteindre les demi-finales de Roland-Garros où Lendl prend sa revanche (6-3, 6-3, 7-6). En 1988, en quarts de finale de Wimbledon, il inflige à Mats Wilander sa seule défaite de l’année en Grand Chelem (6-3, 6-1, 6-3), mais, malgré une avance de deux manches à rien, il s’incline au tour suivant face à un autre Suédois, Stefan Edberg (4-6, 2-6, 6-4, 6-3, 6-4). En septembre, il remporte le titre le plus important de sa carrière en décrochant la médaille d’or olympique à Séoul, devenant ainsi le premier champion olympique de tennis depuis 64 ans. En 1989, après avoir atteint une deuxième finale de Grand Chelem à l’Open d’Australie (défait par Lendl, 6-2, 6-2, 6-2), il est 13e mondial.
Yannick Noah est né en 1960 à Sedan, mais peu après sa naissance, sa famille retourne vivre au Cameroun, le pays d’origine de son père, et c’est là qu’il grandit. Le jeune Noah se met au tennis sans grand espoir de devenir un grand joueur, dans un pays où il n’y a en tout et pour tout que huit courts de tennis. Sa rencontre avec Arthur Ashe, venu jouer une exhibition à Yaoundé en 1971, change le cours de sa vie. L’Américain, premier joueur noir à avoir gagné des titres du Grand Chelem chez les hommes, donne un coup de pouce à Noah et le jeune homme part bientôt en France pour y devenir un joueur de tennis professionnel.
Il commence sa carrière en 1978, et remporte son premier titre à Manille. Sa progression est constante et, dès 1981, il atteint les quarts de finale de Roland-Garros, battu par Victor Pecci après avoir éliminé Guillermo Vilas en huitièmes de finale. En 1982, il est battu par ce même Vilas en quarts des Internationaux de France. Cette année-là, il mène l’équipe de France de Coupe Davis à sa première finale depuis 1933, où elle est vaincue par les Etats-Unis. En 1983, après avoir remporté deux tournois sur terre battue au printemps (à Madrid et Hambourg), il est le premier Français à triompher à Roland-Garros depuis Marcel Bernard, en 1946, en battant en finale Mats Wilander (6-2, 7-5, 7-6). Son exploit fait de lui un héros national, au point que cette responsabilité devient presque trop lourde à porter pour le jeune homme. Il a réalisé son rêve à 23 ans et il ne retrouvera jamais la flamme qui l’avait animé pour aller chercher cette victoire. Il reste néanmoins l’un des meilleurs joueurs du monde, atteignant encore à deux reprises les quarts de finale de Roland-Garros (1984, 1987) et accumulant 22 titres au long de sa carrière.
Le lieu : Indian Wells
L’histoire du tournoi de tennis d’Indian Wells a commencé en 1987, lorsque le tournoi de La Quinta, sous l’impulsion de Charlie Pasarell, est devenu si important qu’il a dû déménager dans des locaux plus grands, sans quitter la Californie. Le tournoi était déjà prestigieux à La Quinta, mais en s’installant à Indian Wells, il intègre le circuit du Grand Prix et ses deux premières éditions, connues sous le nom de Pilot Pen Classic, voient triompher Boris Becker.
L’histoire : Le chat Mecir a renversé le lion Noah
En 1989, à Indian Wells, en l’absence du n°1 mondial, Ivan Lendl, la tête de série est le double champion en titre, Boris Becker. Cependant, l’Allemand est battu au quatrième tour par Jay Berger, laissant ainsi la voie libre à un nouveau vainqueur.
La présence de Miloslav Mecir en finale n’est pourtant pas une surprise. Le Tchèque a triomphé aux Jeux Olympiques en septembre 1988 et atteint la finale à l’Open d’Australie 1989, moins de deux mois plus tôt. Son adversaire, Yannick Noah, était moins attendu à ce stade du tournoi, mais il a réussi à éliminer la tête de série n°5, Jakob Hlasek, en 16e de finale (7-5, 6-4) et la tête de série n°3, Andre Agassi, en quart de finale (7-5, 6-4).
L’une des spécificités de Mecir, en plus de son style de jeu très fluide, est qu’il est l’un des derniers joueurs professionnels, sinon le dernier, à utiliser une raquette en bois. Plus précisément, selon tennis.com, le Tchèque joue avec une raquette Snauwaert hybride, qui combine une couche extérieure en graphite avec un intérieur en bois. Les composites sont réputés plus lourds et moins puissants que les cadres entièrement en graphite que la plupart des joueurs utilisent déjà à la fin des années 1980. Les raquettes hybrides sont censées offrir une sensation plus “traditionnelle”, semblable à celle du bois à l’ancienne.
En finale d’Indian Wells, Mecir affronte Noah, qui est le dernier joueur à avoir remporté un tournoi du Grand Chelem avec une raquette en bois, mais qui s’était converti au graphite dès 1984. Dans les deux premiers sets, le Tchèque est surclassé par le Français, qui lui assène pas moins de 14 aces, 6-3, 6-2. Mecir décide alors de changer de tactique et de prendre le filet d’assaut avant que Noah ne puisse le faire. “Je pensais qu’il me tenait déjà et je ne voulais pas abandonner”, déclare Mecir. Reprenant le contrôle des échanges, “”le Chat”” remporte les trois sets suivants, 6-1, 6-2, 6-3.
“Je pensais que le match était terminé et j’ai simplement essayé de continuer, de jouer du mieux que je pouvais. Au début, il était comme un tigre, je n’avais pas de place, pas d’endroit où mettre la balle.”
La postérité du moment : Dernier coup d’éclat pour Mecir
Malheureusement, ce sera le dernier tournoi jamais remporté par Mecir. Il mettra un terme précoce à sa carrière en 1990, à seulement 26 ans, suite à une grave blessure au dos. Son style de jeu si fluide marquera la mémoire de bien des amateurs de tennis.
La carrière de Noah s’approche elle aussi de sa fin. Au début de l’année 1990, il remporte son 23e et dernier titre, à Sydney, avant de se hisser en demi-finale de l’Open d’Australie (battu par Ivan Lendl, 6-4, 6-3, 6-2). Yannick Noah triomphera à nouveau par la suite en tant que capitaine de l’ équipe de France de Coupe Davis, qui remportera l’épreuve à trois reprises sous son capitanat, en 1991, 1996 et 2017. Le titre de 1991 restera l’un de ses exploits les plus retentissants, accompli face à une véritable Dream Team américaine alignant deux joueurs du top 10, Pete Sampras et Andre Agassi. Noah coachera également l’équipe féminine lors de la campagne victorieuse de 1997. Enfin, Yannick Noah se lancera aussi dans une carrière de chanteur à succès et vendra plusieurs millions d’albums.