Federer, Nadal, Djokovic : Ce que les GOAT disent du débat du GOAT
Le débat du GOAT, constamment actualisé par Roger Federer, Rafael Nadal et Novak Djokovic, anime le monde du tennis depuis des années. Mais comment les principaux intéressés se positionnent-ils par rapport à cette discussion ? Eléments de réponse.
Les heures de gloire du Big 3 s’approchent de leur épilogue, et l’imminence de la fin permet d’en savoir plus sur l’état d’esprit de ce trio iconique de demi-dieux du tennis. Roger Federer, a priori dans sa dernière ou avant-dernière saison, s’approche de la ligne d’arrivée, et Rafael Nadal, qui aura 35 ans pendant Roland-Garros, et Novak Djokovic, qui fêtera son 34e anniversaire en mai, l’accompagneront à la retraite dans un futur pas si lointain.
Toujours aussi impressionnants sportivement, les trois membres du Big 3 ont démontré ces derniers temps qu’ils étaient aussi capables de réflexions passionnantes. Quand ils se projettent sur l’avenir de leur sport, ou quand ils sont interrogés sur l’héritage qu’ils laisseront, il est évident que les trois ont des visions différentes de la vie.
Roger Federer, bientôt à 40 ans et pourtant encore rempli d’espoir quant à une éventuelle résurrection à Wimbledon cet été, est résigné à vivre un destin similaire à celui du légendaire Pete Sampras. Il y a tout juste deux décennies, l’Américain avait dépassé Rod Laver et Roy Emerson, pour se retrouver seul au sommet de la hiérarchie en Grand Chelem. Ses 14 titres majeurs semblaient inatteignables. Comment pouvait-il ne pas en avoir fait assez pour ne rester le roi du Grand Chelem pour l’éternité ?
Federer convaincu que les deux le dépasseront
Ceux qui le croyaient savent désormais à quel point ils étaient dans le faux. Federer lui-même est bien plus lucide. Il sait que Nadal et Djokovic vont le dépasser, et le laisser coincé à la troisième place du classement du nombre de titres en Grand Chelem avec 20, ou peut-être même 21, si tant est que le Suisse soit encore capable d’un miracle à Wimbledon.
“Je pense que vu la façon dont ça se passe, évidemment que Rafa et Novak en gagneront davantage, parce qu’ils ont un tel niveau, a soufflé Federer dans une interview accordée à l’Associated Press début 2020. Et la saison qu’ils ont réalisée (en 2019), encore une fois, montre que ce n’est pas fini pour eux.”
ll avait vu juste. Même si la pandémie a mis les circuits en pause, Nadal est parvenu à égaler Federer en décrocher son 20e titre majeur à Roland-Garros en octobre l’année dernière, alors que Djokovic a obtenu ses huitième et neuvième titres à l’Open d’Australie, pour atteindre 18 trophées en Grand Chelem.
Cette année, à Doha, où il a fait son retour à la compétition après plus d’un an loin du circuit, Federer a encore évoqué ses deux principaux rivaux.
“Je pense que ce que Novak et Rafa ont accompli ces derniers temps est extraordinaire. Ils n’ont plus 25 ans, eux non plus. Mais ils se maintiennent. Novak a encore gagné en Australie. Rafa a encore gagné à Roland-Garros, et ils semblent être à leur meilleur niveau, ce qui est super pour le tennis et pour nourrir le débat.”
Pour eux, je suis l’homme à battre, comme Pete l’était pour moi – Roger Federer
Federer assure ne pas s’inquiéter de la chasse à un 21e Grand Chelem ou du décompte final, ou quelconque record d’ailleurs. Désormais, son incroyable carrière étant quasiment derrière lui, il veut simplement être en bonne santé et profité de ses dernières années su le circuit.
“Ma préoccupation, c’est plus mon propre jeu, ma santé, plus que le record, pour être honnête. Je pense que c’est peut-être plus important pour eux que pour moi à ce moment précis, parce que pour moi c’était très important, plus je me rapprochais du record de Pete, de l’égaler et d’éventuellement le battre. Mais une fois que vous l’avez, vous essayez de faire de votre mieux et c’est ce que j’ai essayé de faire. Mais pour eux, je suis l’homme à battre, comme Pete l’était pour moi. Donc je suis dans une situation différente.”
Federer a intégré l’évidence. Il n’y a pas grand-chose qu’il puisse faire pour arrêter la déferlante Djokovic-Nadal. Il est en paix avec ça.
“Bien sûr, vous voulez conserver chaque record, mais ils sont faits pour être battus. Ces mecs sont irréels, on le sait tous, et j’espère qu’ils continueront. J’espère qu’ils pourront réaliser tout ce qu’ils souhaitent et qu’ils se retourneront sans regret. Je pense qu’au bout du compte, tous les trois, on pense de la même manière sur ce sujet. Vous voulez vous retirer sans regret. De ce point de vue, je pense que nous dormons tous très bien la nuit.”
Nadal : De l’ambition sans obsession
Rafael Nadal a toujours fait partie des meilleurs quand il s’agit de vivre au jour le jour, de prendre chaque instant de compétition comme un moment unique et de la même importance. Que ce soit le premier tour à Buenos Aires et la finale de Roland-Garros, Nadal est une bête de compétition qui vit pour se mesurer à lui-même et d’aller chercher au fond de lui-même tout ce qu’il peut donner au sport. Il l’a fait à maintes reprises durant sa brillante carrière et il prévoit de poursuivre sur ce chemin, sans laisser les records, les chiffres ou les attentes le déstabiliser.
“Bien sûr que je veux gagner plus de Grands Chelem, oui, a-t-il avoué dans un entretien accordé au quotidien britannique Metro cette semaine. Il n’y a aucun doute là-dessus. Mais Novak est plus obsédé par cela, plus concentré dessus.”
Qu’il le pense ou non, Nadal a révélé avec cette phrase qu’il envisageait sa quête différemment que Djokovic. Mais il a assuré qu’il n’y avait pas de bonne façon de faire. A chacun la sienne. Nadal explique que si Djokovic est focalisé sur les records et les chiffres, ce n’est pas ce qui le motive.
“Il est plus concentré sur ces choses-là, elles ont beaucoup de valeur pour lui. Il est toujours en train de parler de ces records, tant mieux pour lui. Mais ce n’est pas mon approche de ma carrière.”
Nadal assure qu’il est ambitieux, mais pas obnubilé.
“Si je n’étais pas ambitieux, je ne serais pas dans ma position aujourd’hui, mais mon ambition est différente de la sienne, par exemple.”
Je pense que tous les sportifs ont besoin d’avoir des objectifs – Novak Djokovic
Etant donné qu’il est un an plus jeune que Nadal, et un meilleur joueur sur gazon comme sur dur, il semble que Novak Djokovic pourrait être celui qui finira par dépasser tout le monde au classement des titres en Grand Chelem. A ce rythme, il pourrait même rattraper le record de Margaret Court, de 24 titres majeurs. Le N.1 mondial explique que, pour lui, l’ambition et se fixer des objectifs de records le guident quand il s’entraîne pour les plus grands tournois.
“Je pense que tous les sportifs ont besoin d’avoir des objectifs devant eux. Ça permet de savoir où sont le point A et le point B, et ainsi de savoir comment aller de l’un à l’autre. En se fixant des objectifs, tu disposes de la lucidité requise pour rester discipliné, responsable et organisé. Il faut un point de comparaison. J’ai connu des périodes dans ma vie pendant lesquelles je n’avais pas une vision claire. Durant ces périodes, je ne savais pas ce que je voulais ou dans quelle direction j’allais, et ça ne s’est pas bien terminé pour moi. Mes parents et mes mentors dans le tennis m’ont appris que je devais toujours avoir une idée claire en tête, ce que je veux réaliser, comment je veux le faire, et avec qui.”
Ça explique en partie le niveau de professionnalisme qui est celui de Djokovic. Ce doit être un sentiment fabuleux d’être capable de se fixer comme objectif, par exemple, de devenir le joueur ayant passé le plus de semaines en tête du classement ATP, et d’y parvenir.
Alors que Djokovic s’oriente vers la dernière phase de sa carrière, il est bien conscient de ce qui se joue. Pour lui-même, pour sa famille, pour la Serbie, il a établi certains objectifs qu’il souhaite atteindre. Et maintenant qu’il a dépassé Federer pour le plus de semaines comme N.1, il n’en a plus qu’un à l’esprit.
“Je dois être plus intelligent avec mon calendrier et avoir un pic de forme au bon moment, a-t-il reconnu après avoir gagné l’Open d’Australie cette saison. Les Grands Chelems sont les tournois sur lesquels je veux être capable d’évoluer à mon meilleur niveau. Maintenant, quand je détiendrai le record de semaines comme N.1, ce sera un soulagement pour moi, parce que je vais pouvoir me concentrer sur les Grands Chelems. Quand vous visez la première place du classement, vous devez jouer toute la saison et être bon, vous devez disputer tous les tournois.”
Et pour mettre les choses au clair, Djokovic a le sentiment que son ambition ne tourne pas à l’obsession.
“Personnellement, je n’ai pas la sensation que je suis obsédé par quoi que ce soit dans la vie, ce que je ressens, c’est de la passion et une envie énorme. J’avance vers mes objectifs et je n’ai jamais eu de problème à les verbaliser. Peut-être que certains ne veulent pas dire quelque chose et après s’y tenir, mais je n’ai jamais trouvé difficile de dire : ‘Je veux battre tel record ou atteindre tel objectif’. Je ne vois pas pourquoi ce serait une mauvaise chose.”