5 janvier 1994 : Le jour où Sampras s’est incliné contre Karim Alami, 205e mondial
Le 5 janvier 1994, le numéro 1 mondial, Pete Sampras, est éliminé au premier tour de l’Open du Qatar par le qualifié Karim Alami, 205e mondial.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi c’est historique : Une des pires défaites subies par un n°1
Ce jour-là, le 5 janvier 1994, le numéro 1 mondial, Pete Sampras, est éliminé au premier tour de l’Open du Qatar par le qualifié Karim Alami, 205e mondial (3-6, 6-2, 6-4). Lorsque le jeune Alami, 20 ans, avait appris qu’il allait affronter Sampras, il avait déjà réservé ses billets d’avion pour Jakarta, où il était inscrit aux qualifications du tournoi. La prestation médiocre de l’Américain, alors qu’il avait touché 500 000 dollars de garantie, crée la polémique. Même s’il s’agit de l’une des pires défaites jamais subies par un n°1 mondial, le record reste la propriété de Daniel Nestor, qui, en 1992, avait battu Stefan Edberg alors qu’il n’était que 238e mondial.
Les acteurs : Pete Sampras et Karim Alami
- Pete Sampras, le patron
Pete Sampras est né en 1971. L’Américain soulève son premier trophée du Grand Chelem à l’US Open 1990, à l’âge de 19 ans, en battant en finale Andre Agassi . En 1991 et 1992, il subit plusieurs grandes déceptions, comme notamment ses deux défaites en finale de la Coupe Davis 1991 (contre les Français Henri Leconte et Guy Forget), et une cruelle défait en finale de l’US Open contre Stefan Edberg (3-6, 6-4, 7-6, 6-2). Il dira plus tard que cet échec lui a fait réaliser qu’être le numéro 2 ne pourrait jamais le satisfaire.
Il est devenu numéro 1 mondial le 12 avril 1993, et il est alors critiqué pour n’avoir pas gagné de tournoi majeur depuis plus de deux ans, mais lors de la deuxième partie de la saison, il est clairement au-dessus du lot. Il s’impose d’abord à Wimbledon (en battant son compatriote Jim Courier en finale, 7-6, 7-6, 3-6, 6-3), puis à l’US Open (où il domine le Français Cédric Pioline, 6-4, 6-4, 6-3), et il accumule 8 titres au cours de la saison. Bien qu’il n’ait pas encore remporté l’Open d’Australie, il est clair que son plus grand défi sera de s’imposer sur terre battue avec un jeu aussi offensif que le sien. Ses armes : un énorme service reconnaissable entre tous, un excellent jeu au filet, et un grand coup droit, encore plus dangereux lorsqu’il le joue en bout de course.
- Karim Alami, issu des qualifications
Le Marocain Karim Alami, né en 1973, est joueur de Coupe Davis depuis 1991, et en 1992, il a représenté son pays aux Jeux Olympiques de Barcelone (défait au premier tour par le futur médaillé d’or, Marc Rosset, 6-2, 3-6, 2-1, ab.). 205e mondial à l’entame de la saison 1994, il est venu à Doha pour disputer les qualifications du tournoi.
Le lieu : Open du Qatar
L’Open du Qatar a été créé en 1993. Joué lors de la première semaine de la saison, le tournoi est assez controversé dans le monde du tennis : faisant partie de la catégorie des World Series, il ne distribue pas des prix très élevés, mais il donne en revanche des garanties impressionnantes pour s’offrir les meilleurs joueurs du monde. En 1993, des joueurs tels que Boris Becker (qui avait d’ailleurs gagné le tournoi), Stefan Edberg et Goran Ivanisevic avaient participé, et en 1994, on y attend les deux meilleurs joueurs mondiaux, Pete Sampras et Michael Stich.
L’histoire : Sampras critiqué pour son attitude
À l’entame de la saison 1994, Pete Sampras est le n°1 mondial incontesté. Vainqueur des deux derniers tournois du Grand Chelem, il est le favori de l’Open d’Australie, qui arrive à grands pas, et il a décidé de lancer sa saison à Doha. L’Open du Qatar n’est qu’un tournoi de la catégorie des « World Series », qui ne distribue pas beaucoup de points ATP, mais il se dit que l’Américain a reçu 500 000 dollars de garantie pour y participer.
Son adversaire du premier tour n’a jamais eu l’occasion de gagner des sommes pareilles. Karim Alami, 20 ans et 205e joueur Mondial, n’a, depuis le début de sa carrière, que deux victoires sur le circuit principal à son actif. À Doha, il doit passer par les qualifications. D’ailleurs, pendant qu’il bataille pour obtenir une place dans le tableau final, Sampras est toujours chez lui : l’Américain n’arrive sur place que la veille de son premier match.
J’avais le match en main, mais pendant un set et demi mon service s’est pour ainsi dire volatilisé
Pete Sampras
Lorsqu’il apprend qu’il va jouer contre le n°1 mondial, Alami pense que son parcours à Doha est terminé. “Lorsque j’ai appris que j’allais jouer Sampras, j’ai réservé mon vol pour quitter Doha pour Djakarta, et jouer les qualifications”, expliquera-t-il par la suite, selon oktennis.it.
Le match est joué sur deux jours, la pluie ayant stoppé la partie à 3-1 pour Sampras au premier set. Après avoir empoché la première manche, le n°1 mondial est étrangement abandonné par son service, commettant pas moins de 8 double fautes. Alami en profite pour prendre le contrôle des échanges et renverse Sampras, 3-6, 6-2, 6-4.
“J’avais le match en main, mais pendant un set et demi mon service s’est pour ainsi dire volatilisé”, commente le vainqueur de Wimbledon et de l’US Open 1993.
Sampras est sévèrement critiqué pour sa défaite, mais surtout pour son attitude. On l’accuse de ne pas avoir donné le meilleur de lui-même, en n’arrivant que la nuit précédant son premier tour, alors qu’il a reçu un demi-million de dollars de garantie. D’après Peter Bodo, le n°1 mondial balaie cette accusation, non sans ironie. “Ce n’était pas aussi terrible que certains le disent. Je suis arrivé au Qatar deux jours avant de jouer.”
La postérité du moment : Une victoire qui lancera la carrière de Karim Alami
Karim Alami sera battu au deuxième tour de l’Open du Qatar par Paul Haarhuis (6-4, 6-7, 6-3). Quelques mois plus tard, il atteindra sa première finale sur le circuit, dans sa ville natale de Casablanca (battu par Renzo Furlan, 6-2, 6-2). Le Marocain disputera au cours de sa carrière quatre finales et remportera deux titres, se hissant à la 25e place mondiale en l’an 2000.
La confiance de Pete Sampras ne sera pas affectée par cette défaite inattendue. Au cours des semaines suivantes, il écrasera la concurrence, en gagnant sept tournois avant l’été, dont l’Open d’Australie (aux dépens de Todd Martin, 7-6, 6-4, 6-4), devenant ainsi le premier joueur depuis Rod Laver à remporter trois titres majeurs à la suite. L’Américain, après avoir également gagné Wimbledon en juillet, terminera l’année à la première place mondiale pour la deuxième fois consécutive.