Gasquet : “Je pensais m’arrêter de jouer à 30 ans…”
Richard Gasquet est réaliste : son retour dans le Top 100 ne sera pas un long fleuve tranquille, et le revers à une main n’est plus le coup à la mode.
Le revers le long de la ligne qui claque, quelques superbes réflexes au filet, des angles de la belle époque en coup droit : Richard Gasquet a remporté, à Doha mardi, son premier match sur le circuit principal depuis le tournoi de Winston Salem en août. Invité par les organisateurs, l’actuel 126e joueur mondial a régalé l’assistance et donc rempli tout son contrat.
Très bon vainqueur d’Alexander Shevchenko (6-4, 6-4), le Tricolore était forcément soulagé, même si la finale disputée la semaine passée au Challenger de Manama (battu par Mikhail Kukushkin 7-6[5], 6-4) l’avait déjà remis dans le bon tempo. “J’ai fait un bon match et ça faisait un moment que ça ne m’était pas arrivé sur le circuit. Un tel creux, je n’avais jamais connu ça, donc ça fait du bien. Bercy (battu par Tommy Paul, 0-6 6-2, 7-6(6)) m’a fait très mal : je me suis vu gagner (contre le 12e mondial) mais j’ai perdu et en plus, derrière, je me suis fait mal au coude. Ce match m’a marqué pour la suite. Là en début d’année, j’ai été malade après l’Open d’Australie…”
Gasquet : “Je n’ai plus de marge sur qui que ce soit”
Gasquet, à 37 ans, sait bien que ses meilleures années sont derrière lui et ne se voile pas la face sur les difficultés du moment. Mais son plaisir de jouer reste évident, pas le moins du monde perturbé par la réalité de la situation. “Je n’ai plus de marge sur qui que ce soit : il faut vraiment que je sois bien pour gagner. Avant, même à 60% je gagnais mes premiers tours mais aujourd’hui, si je ne suis pas à 110%, au taquet mentalement et physiquement, je ne gagne pas un seul match donc c’est ça qui est le plus difficile. Mais j’ai bien joué la semaine dernière et ça m’a permis d’arriver ici en étant tout de suite à un bon niveau.”
L’objectif reste-t-il de revenir dans le Top 100 ? Gasquet soupire avant d’expliquer sa réponse sous forme de oui, mais. “Oui, le but c’est de revenir dans les 100 mais ça va être compliqué car c’est dur quand même, et il faut faire beaucoup de matches. Je mesure que c’est dur de revenir : tu peux avoir le niveau, mais ce n’est pas évident de le réaliser. Je suis déjà content de pouvoir gagner quelques matches la semaine dernière et ici aussi. Mais ça va être dur. Sur un jour donné, je suis capable de battre de très bons joueurs, mais pour revenir dans les 100 il faut beaucoup jouer et beaucoup gagner. Et puis je n’ai plus 25 ans… Le 100e est plus fort aujourd’hui qu’avant mais si tu es bon, tu passes quand même.”
L’ancien joueur du Top 10 vit d’évidence plutôt bien la dernière ligne droite de sa carrière et n’a pas hésité à retourner sur les Challengers afin de stopper la chute au classement.
“Ce n’est pas compliqué pour moi, je n’ai pas de souci d’ego ni de motivation : je suis à mon classement et si on ne le supporte pas, alors il faut arrêter. J’ai pris du plaisir même la semaine dernière en Challenger. Je ne le ferai pas toute ma vie, j’ai 38 ans cette année et la chance de jouer encore un peu donc c’est que du plaisir. Si je continue, c’est pour le plaisir de jouer. Jamais je n’aurais cru jouer aussi longtemps. C’était inconcevable pour moi quand j’avais 16 ou 17 ans où je me disais qu’à 30 ans, j’arrêterais de jouer. Je prends encore du plaisir. Même si j’ai perdu sur Carlos Alcaraz à Melbourne, ça reste quand même des moments incroyables.”
“C’est assez bizarre ce truc de t’envoyer à la retraite”
Quand on évoque la différence avec la situation d’Andy Murray qui a lui l’impression qu’on veut l’envoyer à la retraite, Richard Gasquet démarre au quart de tour. “C’est assez fou ! Déjà, il fait ce qu’il veut. Ensuite, c’est quand même le seul athlète avec une prothèse de hanche qui arrive à être 40e mondial après avoir déjà gagné trois titres du Grand Chelem. On devrait plutôt mettre ça en avant car c’est extraordinaire. Il faut être un monstre de volonté et de tennis pour faire ce qu’il fait. Un mec qui a eu une telle carrière, qui joue avec une prothèse, et qui réussit encore à faire les efforts, c’est tout simplement monstrueux : c’est d’ailleurs pour ça qu’il a été aussi fort et a gagné des titres du Grand Chelem dans l’ère du jeu dans laquelle il est tombé. C’est assez bizarre ce truc de t’envoyer à la retraite : ce sont les autres joueurs qui vont nous envoyer à la retraite, c’est déjà dur de les joueur, alors si tout le monde s’y met ça fait beaucoup. La retraite, elle arrivera toute seule.”
En parlant de retraite, on ne peut que lui rappeler – à lui qui possède l’une des plus belles gestuelles du tennis – que le revers à une main aussi semble proche de tirer sa révérence au sommet du jeu. Pour la première fois, il n’y en a aucun dans le Top 10. Coïncidence ou signe qu’il faudra désormais être un joueur d’exception pour imposer ce coup sur le circuit ?
“On a besoin de ce revers à une main”
“J’ai du mal à le dire… Cela part du jeu d’aujourd’hui en fait. Il y a beaucoup de joueurs qui frappent fort à deux mains et assez à plat, à hauteur d’épaules, avec des balles lourdes. C’est devenu le stéréotype du joueur moderne. Mais j’espère qu’il y aura plus de revers à une main dans le futur, même si on a été gâté avec Roger Federer et Stan Wawrinka qui étaient un peu l’arbre qui cache la forêt. Aujourd’hui, on en voit moins même s’il reste Grigor Dimitrov, Stefanos Tsitsipas ou encore Denis Shapovalov qui lui a un peu perdu alors qu’il avait tout pour réussir avec ce style de jeu. Mais on a besoin de ce revers à une main : je ne dis pas ça parce que je l’ai mais je trouve que c’est un coup qui apporte plus de variété au jeu, c’est un coup plus technique. Pour ça, Federer manque : on ne va pas toujours parler de lui, mais c’était extraordinaire.”
En attendant, Gasquet continuera de promener son revers à une main et ses 37 printemps encore un peu à Doha, face à Andrey Rublev au prochain tour.