Bonzi, Cazaux, Rinderknech… Après les perfs, la question : jusqu’où peuvent-ils aller ?
Benjamin Bonzi, vainqueur ce dimanche du Challenger d’Ostrava, Arthur Cazaux, qui a sorti Sebastian Korda aux qualifications de Madrid, et Arthur Rinderknech, très costaud depuis plusieurs mois, sont les trois jeunes Français les plus surprenants de la Race 2021, derrière le leader français Jérémy Chardy. La question de leur potentiel est posée.
Benjamin Bonzi, le discret
• Sa fiche d’identité
. Né le 9 juin 1996 à Nîmes (24 ans)
. 1 mètre 83
. Droitier, revers à deux mains
. 126e mondial
• Pourquoi Bonzi nous épate ?
Parce que cette année, il est inarrêtable. Ce dimanche, Benjamin Bonzi a décroché à Ostrava, sur terre battue, le deuxième Challenger de sa carrière en battant l’Argentin Renzo Olivo. Il avait remporté son premier en février à Potchefstroom (à vos souhaits !), en Afrique du Sud, sur dur, un mois après avoir atteint la finale de celui d’Istanbul face à un certain Arthur Rinderknech.
Rinderknech avec lequel il se “tire la bourre” depuis plusieurs mois pour le titre de MVP français de l’année : grâce à son titre en République tchèque, il le dépassera d’une courte tête demain à la Race, classement où il s’établira à la 42e place, soit le n°2 français derrière Jérémy Chardy ! Au niveau du classement “régulier”, le voilà désormais aux portes du top 100, qu’il aurait largement percé si ce classement n’était pas partiellement gelé par les nouvelles règles dues au COVID.
• Qu’a fait Benjamin Bonzi avant 2021 ?
Voilà plus d’un an que “la Bonz'” joue bien, depuis, en fait, qu’il s’est établi à Aix-en-Provence pour s’entraîner avec Lionel Zimbler et David Guez. Evidemment, il a été freiné par le Covid mais il avait clairement donné les prémisses de sa progression en 2020 en remportant trois Futures et en disputant sa première finale en Challenger à Bangalore, en Inde. Et puis, souvenons-nous, il avait aussi passé un tour à Roland-Garros face à Ruusuvuori – après être sorti des qualifications – ainsi qu’au Rolex Paris Masters.
Roland-Garros, c’est déjà là qu’il s’était signalé pour la première fois chez les juniors en 2014 en remportant le double avec Quentin Halys, puis en 2017 en passant un tour chez les grands : alors titulaire d’une wild-card, il avait éliminé un jeune de son âge assez prometteur, un certain Daniil Medvedev, qui avait abandonné en raison de crampes.
• D’où sort Bonzi ?
S’il se définit comme discret et timide, c’est pourtant un bon Sudiste ! Né à Nîmes, supporter marseillais, il était passé par le sport-études de Nice avant d’intégrer chez les juniors le CNE à Roland-Garros, où il n’avait pas été gardé. Il avait alors monté une structure au Stade Toulousain avant, on l’a dit, de filer à Aix.
• Quel est son prochain palier ?
Il est tout trouvé : intégrer le top 100 et n’avoir plus besoin d’invitations ou de qualifications pour intégrer les tableaux finals de Grand Chelem. A plus long terme, ce garçon sympathique au jeu de fond de court solide et varié se verrait bien percer le mur du top 50. Vu son niveau, on demande surtout à le voir régulièrement, désormais, sur le circuit principal. Objectif : battre son premier top 50 (il n’était pas loin cette année face à David Goffin à Montpellier) et passer deux tours dans un tournoi du circuit principal.
Arthur Cazaux, le jeunot
• Sa fiche d’identité
. Né le 23 août 2002 à Montpellier (18 ans)
. 1 mètre 83
. Droitier, revers à deux mains
. 603e mondial
• Pourquoi Cazaux nous épate ?
Parce que battre en deux sets un joueur en pleine bourre comme Sebastian Korda, 65e mondial, alors que l’on a 18 ans et que l’on n’est soi-même “que” 603e, c’est fort ! Tel est l’exploit venu de nulle part mais que vient pourtant de réussir Arthur Cazaux aux qualifications du Masters 1 000 de Madrid, pour lesquelles il avait obtenu une invitation. Son premier top 100, évidemment.
Le jeune Français, qui restait sur une finale dans un tournoi Future en Allemagne, a fait aussi un très bon match au tour suivant, ce dimanche, face à un autre jeune joueur en pleine progression, l’Australien Alexei Popyrin (77e). Il s’est incliné 7/5, 7/6 mais voilà un week-end qui possède un fort goût de “reviens-y” pour ce jeune homme souriant, dont la casquette à l’envers, l’accent sudiste et l’esprit très joueur évoquent un peu Sébastien Grosjean.
• Qu’a fait Cazaux avant ?
Auparavant, il s’était surtout distingué chez les juniors notamment en atteignant la finale de l’Open d’Australie 2020 face à son vieux rival Harold Mayot, celui-là même qui l’avait déjà battu dans une finale des championnats de France 14 ans, en 2016.
Freiné ensuite dans sa progression par plusieurs grosses blessures, notamment au coude en 2016 et au pied en 2018, il avait néanmoins réussi des débuts prometteurs sur le circuit en 2019, décrochant sa première finale en Future dès son troisième tournoi pro, à Pretoria, en Afrique du Sud. Puis, en 2020, à défaut de pouvoir pleinement jouer la carte des juniors en raison du Covid, il a poursuivi son ascension chez les grands en remportant son premier Future en fin d’année, à Torello, en Espagne (sur dur).
A l’étage au-dessus, il était encore un peu court jusque-là, avec trois défaites lors des qualifications de Roland-Garros (contre un certain Aslan Karatsev), du Rolex Paris Masters (Marton Fucsovics) et de Marseille (Dennis Novak). C’était encore le temps de l’apprentissage…
• D’où sort Cazaux ?
Pas du tout d’une famille de tennis ! Mais il est tombé amoureux de ce sport, et plus spécialement de Rafael Nadal, en regardant à la télévision un match de l’Espagnol à Roland-Garros. Il s’est alors inscrit dans un club, à Juvignac, près de Montpellier, tout en continuant pendant longtemps à pratiquer le handball, un sport dont il dit qu’il l’a aidé à être capable de servir fort malgré son gabarit encore très frêle.
Très attaché à sa famille, il a ensuite refusé le Pôle France de Poitiers pour rester s’entraîner dans sa région, aux côtés Julien Gillet. Il a finalement sauté le pas l’été dernier en intégrant le CNE à Roland-Garros, où il s’entraîne désormais avec Boris Vallejo.
• Quel est son prochain palier ?
Il visait le top 500 l’an dernier, il n’y sera pas encore malgré sa perf’ madrilène. C’est donc la prochaine étape pour lui. Mais bien sûr, quand on a battu Korda, on peut viser beaucoup plus haut, déjà au moins de sortir du circuit Future. S’il n’a pas encore le classement, Arthur Cazaux sait qu’il a les armes, comme il l’expliquait samedi à L’Equipe :
“Ce qui m’a aidé, c’est d’avoir fait une préparation foncière pendant laquelle je me suis entraîné avec tous les meilleurs Français. J’ai pu voir à l’entraînement que j’arrivais à les embêter, parfois à leur prendre un set. Ça m’a donné de la confiance.”
Objectif : jouer son premier match sur le circuit principal.
Arthur Rinderknech, le canonnier
• Sa fiche d’identité
. Né le 23 juillet 1995 à Gassin (25 ans)
. 1 mètre 96
. Droitier, revers à deux mains
. 129e mondial
• Pourquoi Rinderknech nous épate ?
Parce que sa progression, qui vient malheureusement d’être entravée par un abandon en demi-finale du Challenger d’Ostrava (cuisse gauche), est exponentielle depuis quelque temps. Elle a été mise en lumière par son quart de finale en février dernier à l’Open 13 où, qualifié pour la première fois dans le tableau final d’un ATP 250, Arthur Rinderknech a battu Kukushkin (96e mondial) et Davidovich Fokina (52e), avant d’obtenir une balle de match face à Ugo Humbert. Un mois auparavant, en tout début de saison, ce grand “fusil” de près de 2 mètres avait remporté le Challenger d’Istanbul, là encore en sortant des qualifications.
Garçon posé et réfléchi, il épate par sa manière de ne craindre rien ni personne sur le circuit, malgré sa relative inexpérience. Et aussi par sa régularité, y compris depuis le début de saison sur terre battue, une surface que l’on aurait pu penser moins favorable à son grand gabarit et à son tennis offensif, basé sur le service et le coup droit. Il en est logiquement récompensé au classement, installé depuis le début d’année dans le top 50 à la Race. Et il devrait atteindre lundi son meilleur classement demain (124e).
• Qu’a fait Rinderknech avant ?
Il fait partie de ces joueurs qui, en réalité, jouent bien depuis un moment mais qui ont été quelque peu freinés par le Covid. Début 2020, ce natif de Gassin, dans le Var, avait remporté ses deux premiers tournois Challengers, à Rennes puis à Calgary, au Canada. Un premier déclic, selon lui, même s’il avait déjà régulièrement progressé les deux précédentes saisons en signant ses premières victoires en Future en 2018 et 2019.
• D’où sort Rinderknech ?
Il a de qui tenir puisqu’il est le fils de Virginie Paquet, ancienne 116e joueuse mondiale en 1989, tandis que son papa a été classé – 15. C’est avec ses parents, désormais divorcés, qu’Arthur a fait ses débuts au club de Saint-Mandé, dans le Val-de-Marne.
Après avoir hésité avec le foot, il a finalement opté pour le tennis et poursuivi ses classes en sports-études à Saint-Germain-en-Laye, dans les Yvelines. Comme il n’a pas eu les résultats suffisants pour intégrer un Pôle France, il a finalement décidé, après le bac, d’aller tenter sa chance aux Etats-Unis. Ainsi, en 2014, il a intégré la Texas A&M University, où il est resté pendant quatre ans, décrochant un bachelor en business et jouant bien sûr les matches par équipes.
A son retour, en 2018, il a intégré le CNE avant de filer à Rennes, fin 2019, pour partager avec Manuel Guinard celui qui est toujours son entraîneur, Sébastien Villette.
• Quel est son prochain palier ?
Le garçon n’aime pas trop se fixer des objectifs de classement, préférant raisonner en termes de progression générale liée au jeu et à l’attitude. On est néanmoins obligé de le faire pour lui. Le top 100 est logiquement l’étape principale à court terme. A long terme, vu la puissance et la sérénité qu’il dégage, il est du genre à n’avoir pas de limites, ou alors insondables. Comme il le dit lui-même :
“Quand on va régulièrement au bout des tournois Challengers, on sait qu’on a le niveau pour évoluer sur le grand circuit. J’ai simplement envie de montrer à la planète tennis ce que je suis capable de faire.”
Et il sait faire beaucoup de choses, assurément. Objectif : gagner son premier match en Grand Chelem.