Casper Ruud et le dur, c’est une histoire qui dure
Pur terrien à ses débuts, Casper Ruud avait disputé huit de ses neuf finales préalables sur sa surface fétiche. Mais c’est sur dur qu’il disputera la dixième, la plus importante de toutes, dimanche, à Miami. Le signe d’une évolution palpable depuis plusieurs mois.
Nick Kyrgios va pouvoir définitivement remballer son tweet sarcastique posté l’été dernier à l’attention de Casper Ruud, qu’il avait plus ou moins ironiquement accusé de “voler” ses points sur des petits tournois sur terre battue. Ça n’était pas complètement faux à une époque où Ruud était lancé sur une rarissime série de trois victoires en trois semaines lors de la tournée juilletiste des 250 sur ocre (Bastad, Gstaad, Kitzbühel).
Mais c’est peu dire que le Norvégien a pris, depuis, une autre dimension, sur d’autres surfaces et dans d’autres tournois, à l’image de sa première finale en Masters 1000 qu’il disputera dimanche, à Miami. Sur les 3850 points qui le placent au huitième rang à l’ATP, 1250 sont dus à cinq trophées sur terre en ATP 250. C’est bien qu’il y a autre chose.
Ruud – Kyrgios, le contentieux de la surface
Il faut tout de même rappeler le contexte de cette passe d’armes entre deux hommes qui nourrissent un certain contentieux depuis un affrontement houleux à Rome en 2019, lors duquel Kyrgios avait été disqualifié pour avoir jeté une chaise sur le court, et n’avait pas apprécié que son adverse célèbre malgré tout sa victoire.
On ne saurait accuser Ruud d’être le plus belliqueux des joueurs mais depuis, il ne rate néanmoins pas une occasion de chambrer l’Australien à chacune de ses victoires marquantes sur dur, comme il l’a encore fait ce vendredi après sa victoire en demi-finale à Miami face à Francisco Cerundolo.
C’est de bonne guerre et au final, tout cela reste anecdotique. Ce qui l’est moins, c’est la superbe évolution en quelques mois de Casper Ruud (23 ans), passé effectivement de la condition d’un pur terrien à celle d’un joueur qui semble prêt désormais à étaler sa progression sur d’autres terrains.
Huit de ses neuf finales sur terre
En l’état actuel, les statistiques affichées par le fils de Christian Ruud, 39e mondial en 1995 – et qui demeure son entraîneur -, sont celles d’un ogre de l’ocre. Il y a remporté six de ses sept titres préalables, disputé huit de ses neuf finales ainsi que ses trois premières demi-finales en Masters 1000, en 2020 à Rome puis l’an dernier à Monte Carlo et Madrid – respectivement battu par Djokovic, Rublev et Berrettini.
Il y affiche par ailleurs un taux de matches victorieux de 72,2% quand son ratio sur dur (avant Miami) était tout juste à l’équilibre, pile 50% (et négatif sur gazon, 40%).
Les courts, ici, sont très, très lents. Cela convient plutôt bien à mon jeu.”
Casper Ruud
Avant l’automne 2021, l’actuel huitième joueur mondial – il sera septième lundi – n’avait même jamais dépassé les quarts de finale d’un tournoi sur dur. Et puis le “déclic” tant attendu s’est produit en septembre dernier lors du tournoi 250 de San Diego, sur dur donc, qu’il a remporté en battant successivement Murray, Sonego, Dimitrov et Norrie en finale. Pas rien.
Une sorte de déverrouillage au moins psychologique qu’il a confirmé ensuite en fin de saison en atteignant les demi-finales du Masters à sa première partticipation, à la surprise générale. Pas mal, là encore, pour un “gratteur” de terre.
“Je ne me suis jamais trouvé mauvais sur dur, c’est juste que mon jeu convient un peu plus à la terre battue, confirme, dans une lapalissade, celui qui possède l’un des “spin” de coup droit les plus ravageurs du circuit (statistiques à l’appui). Mais le fait d’avoir atteint les huitièmes de finale à l’Open d’Australie l’an passé, puis des quarts de finale à plusieurs reprises, m’ont progressivement donné la confiance et l’expérience nécessaires sur dur. Mon état d’esprit, désormais, est différent. Et bien sûr, le fait d’être tête de série aide aussi.
Ruud attribue son évolution à sa progression générale, davantage à un changement d’état d’esprit qu’à un changement dans son jeu, qui reste essentiellement basé sur la percussion de son coup droit, son abattage de tous les instants et désormais une vraie présence dans les moments importants. C’est d’ailleurs essentiellement cette dernière qualité qui, dans un jour plutôt moyen, lui a permis de battre Cerundolo, tout intimidé de son côté pour sa première expérience à ce niveau.
Le premier Norvégien en finale de Masters 1000
De là à imaginer qu’il atteindrait sur dur sa première finale en Masters 1 000 – une performance qu’il est le premier Norvégien à réaliser -, il y a un pas que lui-même n’aurait pas franchi. Le fait que cela se produise ici, à Miami, n’est en revanche pas totalement fortuit.
“J’apprécie beaucoup les conditions ici, les courts sont très, très lents comparé aux autres tournois sur dur. Cela convient plutôt bien à mon jeu, fait-il remarquer. J’aime bien aussi l’endroit, j’ai passé beaucoup de temps à Miami pour ma préparation hivernale. J’ai beaucoup de souvenirs également de la Eddie Herr et de l’Orange Bowl, qui se jouaient là. J’aimais bien venir jouer ces tournois car mes grands-parents avaient une maison de vacances sur place, donc on y passait pas mal de temps.”
Que Casper Ruud s’impose dimanche en Floride serait néanmoins une surprise qui aurait valu une belle cote en début de tournoi. Surtout de la part d’un joueur qui avait manqué son début de saison – il avait dû déclarer forfait à l’Open d’Australie après s’être foulé la cheville à l’entraînement – et qui venait de se faire éliminer sèchement par Nick Kyrgios à Indian Wells, dès son deuxième match.
Mais Ruud avait néanmoins montré des signes de sa montée en puissance fin février en s’imposant à Buenos Aires. Sur sa terre battue chérie, certes, là où il restera probablement toujours le plus à l’aise, et un énorme client pour la saison printanière à venir. Mais qu’on ne s’y méprenne plus, et qu’on ne le sous-estime plus : Casper Ruud est désormais (aussi) un dur de dur, un vrai.