3 avril 2005 : Le jour où la rivalité Federer-Nadal a vraiment commencé
Roger Federer et Rafael Nadal ont joué leur première finale l’un contre l’autre le 3 avril 2005, au Masters 1000 de Miami. Avec à la clé une victoire du Suisse et un match de légende, pour lancer pour de bon ce qui allait être la grande rivalité des années 2000 dans le tennis masculin.
Ce qui s’est passé ce jour-là : Federer a renversé Nadal à Miami et la rivalité “Fedal” a réellement débuté
Le 3 avril 2005, à Miami, Roger Federer remonte un handicap de deux manches avant de gagner sur le fil face au jeune Rafael Nadal en finale (2-6, 6-7, 7-6, 6-3, 6-1) et de s’imposer en Floride pour la première fois.
C’est déjà la deuxième rencontre entre les deux joueurs, mais c’est la première en finale d’un tournoi ATP, et elle est généralement considérée comme le début de l’une des plus grandes rivalités de l’histoire du tennis.
C’est aussi le seul match entre les deux joueurs, au moment où cet article est mis à jour, où l’un des deux a remonté un handicap de deux sets à zéro contre l’autre.
Les acteurs : Federer et Nadal, bientôt des légendes
• Roger Federer, le nouveau patron
Roger Federer, né en 1981, est, à 23 ans, le numéro un mondial incontesté depuis un peu plus d’un an. Dès ses premiers pas sur le circuit, Federer obtient de bons résultats.
Son tennis de rêve épate le monde du tennis dès son adolescence et très vite, on voit en lui le futur numéro un mondial. Les attentes augmentent encore lorsque, à l’âge de 19 ans, il bat sur le Centre Court de Wimbledon le septuple vainqueur du tournoi, Pete Sampras en personne, en huitièmes de finale de l’édition 2001 (7-6, 5-7, 6-4, 6-7, 7-5). Cependant, le jeune Roger est très émotif et ne gère pas très bien la pression qu’il porte sur les épaules.
Federer entre dans le Top 10 en juin 2002, mais ses résultats dans les grands événements ne sont pas encore à la hauteur de son talent : lors de ses seize premiers tournois du Grand Chelem, pas une seule fois il n’atteint les quarts de finale. En juillet 2003, il remporte son premier titre du Grand Chelem à Wimbledon, venant à bout de Mark Philippoussis en finale (7-6, 6-2, 7-6).
Sa confiance et sa mainmise sur le circuit grandissent inexorablement, malgré une défaite précoce à l’US Open. En finale du Masters 2003, Federer donne une véritable leçon à Andre Agassi (6-3, 6-0, 6-4), et bien qu’il termine la saison à la deixième place mondiale, derrière Andy Roddick, la plupart des connaisseurs s’accordent à dire que ce n’est qu’une question de mois avant qu’il ne devienne N.1.
Federer y parvient en février 2004, après avoir remporté son premier titre à l’Open d’Australie (en battant Marat Safin en finale, 7-6, 6-4, 6-2), et il domine le circuit de la tête et des épaules dans les mois qui suivent, triomphant à la fois à Wimbledon (en battant Roddick en finale, 4-6, 7-5, 7-6, 6-4) et à l’US Open, où il punit Lleyton Hewitt (6-0, 7-6, 6-0). Le Suisse termine l’année en beauté, en conservant son titre au Masters (en battant à nouveau Hewitt, 6-3, 6-2).
Au cours des premiers mois de 2005, sa seule déception survient à l’Open d’Australie, où il est battu par Safin en demi-finale, à l’issue de l’un des plus beaux matchs de l’histoire du tournoi (5-7, 6-4, 5-7, 7-6, 9-7). Mais à part cela, lorsqu’il débarque à Miami en mars, Federer a déjà remporté quatre tournois depuis le début de l’année.
• Rafael Nadal, 18 ans et des promesses monstrueuses
En mars 2005, lorsque débute l’Open de Miami, le jeune Rafael Nadal n’a que 18 ans. Mais il s’est déjà imposé sur le circuit comme une menace pour l’ordre établi. En 2002, Nadal, âgé de 15 ans, 10 mois et 26 jours, fait sa première apparition sur le circuit principal, étant invité dans le tableau principal par le directeur de l’Open de Majorque.
Devant son public, le 762e joueur mondial dispute son premier match ATP, mais se permet même de gagner s, en battant le 81e joueur mondial, Ramon Delgado, en deux sets (6-4 6-4). Un an plus tard, en 2003, à 16 ans, au Masters 1000 de Monte-Carlo, il bat le tenant du titre de Roland-Garros, Albert Costa (7-5, 6-3), avant d’atteindre le troisième tour de Wimbledon (éliminé par Paradorn Srichaphan, 6-4, 6-4, 6-2).
En 2004, il élimine le nouveau numéro un mondial, Roger Federer, au Masters 1000 de Miami (6-4, 6-4) et participe à la victoire espagnole en Coupe Davis en battant le N.2 mondial, Andy Roddick, lors de la finale contre les États-Unis (6-2, 6-7, 7-6, 6-2).
En août, il remporte son premier tournoi ATP, à Sopot, en battant Jose Acasuso en finale (6-3, 6-4). Il commence l’année 2005 en atteignant les huitièmes de finale de l’Open d’Australie (battu par Lleyton Hewitt, 7-5, 3-6, 1-6, 7-6, 6-2), avant de décrocher deux titres consécutifs sur terre battue en Amérique du Sud (à Costa do Sauipe et Acapulco). Au début de l’Open de Miami, il est déjà numéro 31 mondial.
Le lieu : Key Biscayne, lieu historique du Miami Open
L’Open de tennis de Miami, qui s’appelle à l’origine le Lipton International Players Championship, a lieu pour la première fois en 1985, à Delray Beach, dans l’idée d’être le premier grand événement de tennis de l’année (à l’époque, l’Open d’Australie se tient au mois de décembre). Le tournoi déménage à Key Biscayne en 1987, et Miloslav Mecir est le premier à triompher dans le nouveau site de Crandon Park.
Les joueurs s’y affrontent sur des courts en dur assez lents, dans une chaleur et une humidité extrêmes. Avec une dotation exceptionnelle et un tableau de 96 joueurs, il est encore considéré, en 2007, comme l’un des plus grands tournois de tennis au monde, en dehors des Grands Chelems. Des légendes comme Ivan Lendl, Andre Agassi, Pete Sampras ou encore Jim Courier figurent notamment à son palmarès.
L’histoire : Federer s’en sort comme par miracle, Nadal envoie un message
Lorsqu’il atterrit à Miami en mars 2005, Roger Federer domine le tennis comme très peu l’ont fait avant lui. Depuis sa défaite contre Gustavo Kuerten en huitième de finale de Roland-Garros en mai 2004, il n’a subi que trois défaites, remportant dans le même temps onze titres, dont deux en Grand Chelem. Inutile de dire qu’il est le grand favori, le 3 avril, lorsqu’il entre sur le court pour affronter un gaucher de 19 ans, originaire de Manacor : Rafael Nadal.
Le Suisse a pourtant de bonnes raisons de ne pas sous-estimer son adversaire du jour. Tout d’abord, lors de leur première rencontre, douze mois auparavant, déjà à Miami, Nadal avait renversé Federer (6-4, 6-4).
“J’ai été impressionné par ce que j’ai vu”, avait alors commenté le N.1 mondial.
Il était pourtant loin d’avoir tout vu.
Depuis lors, Federer a ajouté deux couronnes majeures à son palmarès, mais l’Espagnol a également beaucoup progressé et a remporté ses trois premiers titres sur le circuit. À Miami, Nadal, vêtu d’un pantacourt blanc et d’un débardeur orange, ne perd qu’un seul set sur la route de la finale, et il n’a pas pour intention de se contenter d’admirer le tennis de Federer.
Je ne perds pas souvent 6-2 et cela montre à quel point j’étais en difficulté.
Roger Federer
Avec son coup droit de gaucher extrêmement lifté, l’adolescent met une énorme pression sur le revers de Federer. Ramenant toutes les balles, il pousse le Suisse dans ses retranchements. Lorsque Nadal remporte les deux premiers sets, 6-2, 7-6, l’incroyable semble sur le point de se produire : le N.1 mondial va être battu en finale de Miami par ce jeune homme de 18 ans.
Les choses vont de mal en pis pour Federer dans le troisième set, lorsque Nadal se détache 4-1. Cependant, faisant preuve d’une grande résilience, le Suisse réussit à remonter la pente et emmène l’Espagnol au tie-break, où il passe à deux points de la défaite, mené 5-3. Mais une fois de plus, il s’en sort presque par miracle. Le N.1 mondial empoche le troisième set, 7-6, et à partir de ce moment, Nadal commence à perdre du terrain. La machine suisse est maintenant bien rodée et Federer avale les deux derniers sets, 6-3, 6-1. Cependant, il est bien conscient que quelque chose de spécial vient de se produire.
“J’étais très inquiet, surtout dans le premier set”, déclare Federer. “Je ne perds pas souvent 6-2 et cela montre à quel point j’étais en difficulté. Mais je pense que cela a beaucoup à voir avec son jeu. Il est gaucher et je dois m’y habituer. Et je n’ai pas pu le faire ! Peut-être qu’il était très agressif dès le début. Le temps que j’arrive à comprendre son jeu, j’avais déjà un set et un break de retard. Ensuite, ma réaction a été bonne. J’ai raté beaucoup d’occasions, mais survivre à tout cela était incroyable. (…) Nous allons beaucoup le voir à l’avenir. Pour moi, c’était un match énorme, car je sais quel grand joueur Rafa sera un jour.”
Content de mon jeu, mais pas du résultat final
Rafael Nadal
Le grand espoir espagnol, malgré le grand niveau de tennis affiché, est bien sûr déçu d’être passé si près de la victoire.
“Je suis content de mon jeu, mais pas du résultat final. J’ai perdu un peu d’énergie dans le quatrième et le cinquième set. Dans le troisième, je me sentais bien. Je sentais que je jouais bien et que j’avais la confiance nécessaire pour gagner le match. Mais il a bien joué dans les moments-clés.”
La postérité du moment : La prophétie de Federer se réalise, Nadal devient a bête noire
Rafael Nadal remportera son premier titre en Masters 1000 à Monte-Carlo, moins d’un mois plus tard, en battant le tenant du titre Guillermo Coria en finale (6-3, 6-1, 0-6, 7-5). À Roland-Garros, il retrouvera Federer en demi-finale, et cette fois, c’est lui qui l’emportera (6-3, 4-6, 6-4, 6-3), deux jours avant de soulever son premier trophée du Grand Chelem. Federer avait raison : au cours des années suivantes, le monde du tennis aura souvent l’occasion de voir Nadal, car l’Espagnol deviendra l’un des plus grands joueurs de tous les temps, remportant un record de 14 titres à Roland-Garros et 22 Grands Chelems.
Pendant des années, Nadal sera la bête noire de Federer, le battant à quatre reprises en finale de Roland-Garros, mais aussi en finale de Wimbledon en 2008 et de l’Open d’Australie en 2009. Au total, Nadal mènera 24 à 16 dans leur face-à-face. Mais Federer prendra sa revanche en 2017, en battant son éternel rival pour remporter son premier titre majeur en cinq ans, à l’Open d’Australie.