28 juillet 1985 : Le jour où Ivan Lendl a créé le chaos à Indianapolis
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 28 juillet 1985, Ivan Lendl s’écharpait avec le public et les organisateurs d’un tournoi à Indianapolis.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi c’est historique : Lendl a provoqué le public et les organisateurs
Ce jour-là, le 28 juillet 1985, Ivan Lendl domine Andrés Gómez (6-1 6-3) en finale de l’US Men’s Clay Court Championships, à Indianapolis. Le Tchèque, qui a déjà passé la semaine à faire des remarques désobligeantes à propos du tournoi, provoque le public ainsi que les organisateurs lors de la remise des prix, puis lors de la conférence de presse. Avec cette attitude, Ivan Lendl n’augmente pas sa cote auprès du grand public. Le Tchèque possède déjà cette image de joueur austère.
Les personnages : Ivan Lendl et Andrés Gómez
- Ivan Lendl : l’un des quatre meilleurs
Né en 1960, Ivan Lendl est numéro 2 mondial en juillet 1985, derrière John McEnroe. Passé pro en 1978, il se pose depuis 1980 comme l’un des quatre meilleurs joueurs au monde avec Bjorn Borg, John McEnroe et Jimmy Connors. Bien qu’il ait déjà remporté des dizaines de tournois ATP, dont le Masters 1981 en venant à bout de Vitas Gerulaitis, il ne parvient pas à décrocher un titre du Grand Chelem avant 1984. Il a échoué à quatre reprises en finale. Une fois à Roland-Garros (en 1981, battu par Bjorn Borg), deux fois à l’US Open (battu par Jimmy Connors, en 1982 et 1983) et une fois en Australie (battu par Mats Wilander en 1983).
En 1984, Lendl triomphe finalement à Roland-Garros. Il vient à bout de John McEnroe à l’issue d’une finale légendaire où il surmonte un handicap de deux sets. Ivan Lendl redéfinit les standards du jeu de fond de court. Son coup droit lifté très puissant lui permet d’être à la fois agressif et extrêmement régulier. Il pousse ses adversaires à un rude combat physique.
Il redéfinit aussi les standards en termes de préparation. Lendl s’entraîne plus que quiconque auparavant. Le Tchèque est bien plus soucieux de sa condition physique et de son alimentation que n’avaient l’habitude de l’être les joueurs de l’époque.
- Andres Gomez, 7e mondial
L’Equatorien Andrés Gómez est né en 1960. Il est l’un des nombreux spécialistes de la terre battue venus d’Amérique du Sud. Mais il peut aussi se montrer dangereux sur surface rapide grâce à son excellent service. En 1985, le gaucher a déjà remporté neuf titres, dont sept sur terre battue. Le plus important d’entre eux est l’Open d’Italie, à Rome, qu’il gagne à deux reprises, en 1982 et1984.
En 1984, Gómez réalise ses meilleurs résultats en Grand Chelem en atteignant les quarts de finale à trois reprises, à Roland-Garros (éliminé par Ivan Lendl, 6-3 6-7 6-4 6-3), à Wimbledon (battu pat Pat Cash, 6-4 6-4 6-7 7-6) et à l’US Open (battu une nouvelle fois par Lendl, 6-4 6-4 6-1). En juillet 1985, Andrés Gómez occupe la 7e place mondiale.
Le lieu : l’US Men’s Clay Court, l’autre Indianapolis
L’US Men’s Clay Court Championships est un tournoi disputé à Indianapolis, chaque année, au mois de juillet. En 1985, le tournoi se joue encore sur terre battue. Il attire des spécialistes, tels Andrés Gómez, qui a gagné le tournoi en 1984. Parmi les anciens vainqueurs, on trouve d’autres « terriens », comme José Higueras (1982) ou José Luis Clerc (1980, 1981).
L’histoire : “Merci d’être venus même si vous ne m’aimez pas”
Pour un tournoi tel que l’US Men’s Clay Court Championships, recevoir un joueur de la stature d’Ivan Lendl, n°2 mondial, aurait dû être un souvenir inoubliable. L’attraction du tournoi est finalement le récent vainqueur de Wimbledon : Boris Becker (17 ans). Lendl montre, lui, très peu d’enthousiasme depuis son arrivée à Indianapolis.
D’après le Chicago Tribune, Lendl commence sa série de remarques acerbes en déclarant qu’il n’était venu que parce que le Conseil des joueurs le lui avait imposé. Par la suite, le Tchèque, fidèle à lui-même, ne partage que peu ses émotions avec le public. En demi-finale, il vient à bout de la coqueluche du public, Boris Becker, après une dure bagarre (5-7 6-2 6-2). Sur le moment, Lendl ne montre rien. Mais il goûte peu le soutien bruyant que l’Allemand reçoit du public américain.
Le lendemain, le vainqueur de Roland-Garros 1984 affronte Andrés Gómez en finale. Après avoir perdu le premier jeu, Lendl exécute son adversaire, remportant les sept jeux suivants et s’imposant 6-1 6-3. Lorsqu’on lui tend le micro à la remise des prix, Lendl tire à boulets rouges sur le public d’Indianapolis. “Merci d’être venus même si vous ne m’aimez pas”, lance-t-il. “Peut-être que, la prochaine fois, votre Boris gagnera.”
Au cours de la conférence de presse qui suit, le vainqueur a encore des comptes à régler. Il classe le tournoi dans le dernier tiers des épreuves du calendrier. Il déclare également qu’il aurait préféré rester chez lui avec son nouveau berger allemand. “Je vais essayer de me faire pardonner par mon chien d’être parti”, souffle-t-il. “C’était très dur de l’habituer à ma présence et d’être le maître, il faut être là tout le temps.“
Lendl, qui empoche tout de même 51 000 $ après sa victoire, termine sur une note plus positive : “Je suis globalement satisfait de la façon dont j’ai joué. Je pense qu’au final, j’ai mieux joué que je ne l’avais imaginé sur terre battue.“
Postérité du moment : Lendl parmi les plus grands, Gómez touche la gloire
Ivan Lendl confirmera sa grande forme en 1985, en s’imposant à l’US Open (il bat John McEnroe en finale). Le Tchèque redeviendra premier mondial au mois d’août. Il totalisera trois titres à Roland-Garros à la fin de sa carrière (1984, 1986, 1987), mais aussi trois titres consécutifs à l’US Open (1985-1987). Il y sera présent en finale huit années consécutives, de 1982 à 1989. Le dernier Grand Chelem à s’offrir à lui est l’Open d’Australie, qu’il gagne à deux reprises, une fois le gazon abandonné au profit du Rebound Ace (en 1989 et 1990).
Le Tchèque ne réussira jamais à remporter Wimbledon, où son jeu était moins efficace. Il y dispute tout de même deux finales, en 1986 (battu par Boris Becker, 6-4 6-3 7-5) et en 1987 (battu par Pat Cash, 7-6 6-2 7-5). En 1992, à l’issue d’une procédure de cinq ans, il obtient la citoyenneté américaine. A la fin de sa carrière, en 1994, le désormais Américain aura passé 270 semaines en tant que numéro 1 mondial (améliorant de deux semaines le précédent record de Connors). Il a remporté 94 tournois ATP.
Andrés Gómez atteindra la place de numéro 1 mondial en double en 1986. En simple, il accomplira son plus grand exploit en fin de carrière. Il triomphe de manière inattendu à Roland-Garros en 1990, à l’âge de trente ans, battant en finale la jeune star américaine Andre Agassi (6-3 2-6 6-4 6-4). Il atteindra alors le meilleur classement de sa carrière, 4e mondial, avant de décliner lentement jusqu’à sa retraite, en 1995.