18 mai 1909: le jour où est né le légendaire Fred Perry
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 18 mai 1909 est né Fred Perry, l’un des plus grands joueurs britanniques de l’histoire, dont le nom est passé à la postérité grâce à sa marque de vêtements.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi ça a marqué l’histoire du tennis : La naissance d’une légende
Ce jour-là, le 18 mai 1909, à Stockton, en Angleterre, naissait Fred Perry, qui deviendrait le premier joueur de l’histoire du tennis à gagner les quatre tournois du Grand Chelem. Tout le monde connaît la marque de vêtements qui porte son nom, mais en-dehors du Royaume-Uni, on ne se souvient pas toujours qu’il fut avant tout une vraie légende du tennis. Peu savent encore quels furent ses exploits sur le court, ou bien qu’avant de se mettre au tennis, il fut d’abord champion de… tennis de table.
En regardant de plus près la vie et la carrière de Fred Perry, nous vous proposons de comprendre pourquoi son immense œuvre tennistique fut presque ignorée pendant des dizaines d’années, et comment un joueur de tennis tel que lui, issu d’une famille ouvrière anglaise, finit par se trouver à la tête d’une entreprise multimillionnaire.
« Dieu merci, je ne joue pas contre moi-même aujourd’hui. »
Fred Perry
Fred Perry, avant tout un grand tennisman
Fred Perry connaît ses premiers succès sportifs au tennis de table, qui prend son essor en tant que discipline internationale. Il y joue assez bien pour en devenir le champion du monde en 1929, à Budapest. Sur les conseils de son père, il arrête le tennis de table l’année suivante pour se consacrer plus sérieusement au « lawn tennis », comme on l’appelle encore à l’époque. Bientôt, il y sera aussi le meilleur.
De sa pratique du ping-pong, Perry tire une grande coordination et un très bon œil, mais il dispose aussi de solides coups de fond de court, d’une volée puissante ainsi que d’un service et d’un smash réguliers. Joueur agressif mais ne pratiquant pas le service-volée à outrance, il se déplace aussi très bien et fait des dégâts avec ses coups droits en bout de course. Dans les matches accrochés, il s’appuie sur une grande confiance en lui. Lors de ses funérailles en 1995, un de ses amis racontera comment il est un jour entré dans le vestiaire en disant : « Dieu merci, je ne joue pas contre moi-même aujourd’hui. ».
Au cours de sa carrière d’amateur, Fred Perry accumule huit titres du Grand Chelem, dont trois consécutifs à Wimbledon, sans perdre le moindre set, entre 1934 et 1936. Il remporte également l’US Open à trois reprises, en 1933, 1934 et 1936 ; il ne se rend que deux fois au lointain Open d’Australie où il soulève la coupe en 1934. Lorsqu’il s’impose enfin à Roland-Garros en 1935, il devient le premier joueur de l’histoire à accomplir un Grand Chelem en carrière.
Cet exploit restera extrêmement rare mais ne sera peut-être pas apprécié à sa juste valeur, relégué au second plan par le premier Grand Chelem calendaire bouclé par Donald Budge en 1938. Les autres joueurs qui le réaliseront sont, outre Perry et Budge :
- Rod Laver en 1962
- Roy Emerson en 1964
- Andre Agassi en 1999
- Roger Federer en 2009
- Rafael Nadal en 2010
- Novak Djokovic en 2016
Fred Perry participe aussi à quatre campagnes de Coupe Davis victorieuses sous le drapeau britannique.
A la fin 1936, Fred Perry décide de passer professionnel et sillonne quelques années durant les Etats-Unis au cours de ses tournées, ses deux principaux rivaux étant Ellsworth Vines et Donald Budge. Il connaît ses plus grandes années en 1938-1941, période pendant laquelle il remporte l’US Pro, l’équivalent d’un tournoi du Grand Chelem réservé aux professionnels, à deux reprises.
En conflit avec l’establishment du tennis
Les succès de Fred Perry suscitent l’enthousiasme parmi les classes populaires, car il détonne à l’époque dans le milieu privilégié du All England Club.
Selon l’écrivain Kevin Jefferys, « Fred Perry, au contraire, refusait de dissimuler ses ambitions et s’adonnait à des manœuvres telles que des remarques personnelles à ses adversaires ».
Selon Jack Kramer, Perry est aussi connu pour irriter les autres joueurs en leur répétant systématiquement « très malin » à chaque fois qu’ils réussissent un beau coup.
Au lieu d’être Fred Perry le champion, je me suis senti comme Fred Muggs le chimpanzé.
Fred Perry
L’antagonisme entre Fred Perry et l’establishment du tennis anglais s’explique assez simplement. Perry est d’origine ouvrière, et lorsqu’il se fraye un chemin vers les sommets du tennis, il se retrouve dans un milieu qui n’est pas le sien, et qui le lui fait bien sentir. L’un de ses coéquipiers en Coupe Davis le qualifie de « maudit parvenu », et lorsqu’il remporte son premier titre contre l’Australien Jack Crawford, il entend un membre du comité de Wimbledon remarquer que « ce n’est pas la meilleure personne qui a gagné aujourd’hui ».
Sa cravate du All England Club, la marque des vainqueurs du tournoi, lui est laissée sur le dossier de son siège dans les vestiaires, sans un mot de félicitations.
L’incident le blesse profondément : “Au lieu d’être Fred Perry le champion, je me suis senti comme Fred Muggs le chimpanzé”, réagit-il, jouant en anglais sur la proche sonorité entre les abréviations « champ » et « chimp ».
C’est en grande partie en raison de cet antagonisme social que la Fédération Britannique ignore longtemps les exploits de Fred Perry, mais lorsqu’il décide de passer pro en 1936, un vrai scandale aux yeux de la Fédération, la cassure est définitive. Lorsqu’il part pour les Etats-Unis, un officiel du Lawn Tennis Club de Grande-Bretagne lui écrit pour pour lui signifier qu’il n’a plus le droit de porter le sweat-shirt du club.
Perry expliquera plus tard : « Je voulais être sûr qu’il ne s’inquiète pas à ce sujet, alors j’en ai découpé une manche que je lui ai envoyée en cadeau ».
La reconnaissance tardive de Fred Perry
Il faudra attendre plusieurs dizaines d’années avant que les relations entre Fred Perry et la Fédération Britannique s’améliorent. D’abord, le début de l’ère Open calme les tensions entre les pros et les amateurs, ce qui rend la « trahison » de Fred Perry plus tolérable aux yeux de l’organisation.
Perry connaît aussi un retour en grâce pour une autre raison : l’absence d’un digne successeur. Les années, puis les décennies passent, et aucun joueur britannique ne se montre capable de s’imposer en Grand Chelem. Au cours de l’ère Open, seuls deux joueurs masculins du Royaume-Uni parviennent en finale d’un tournoi majeur avant la fin du XXe siècle : John Lloyd (battu par Vitas Gerulaitis à l’Open d’Australie en 1977) et Greg Rusedski (vaincu par Patrick Rafter à New-York en 1997).
Fred Perry devient au fil des ans “le dernier Britannique à avoir gagné un tournoi du Grand Chelem”, et à avoir triomphé à Wimbledon. En 1984, une statue en bronze à son effigie est érigée au All England Club pour commémorer le cinquantenaire de son premier titre, en 1934.
Finalement, en 2012, soixante-seize ans après le dernier succès en Grand Chelem de Fred Perry, un citoyen britannique, l’Ecossais Andy Murray, s’impose à l’US Open, avant de triompher à Wimbledon en 2013 et 2016.
Fred Perry, l’homme devenu marque
Déjà connu, dans sa jeunesse, pour ses romances en-dehors du court, Fred Perry deviendra ensuite plus célèbre pour sa marque de vêtements que pour ses exploits tennistiques.
Dans les années 1930, Fred Perry est un séducteur connu pour ses aventures avec plusieurs actrices célèbres, comme par exemple Marlene Dietrich. Il se marie à trois reprises entre 1935 et 1945, avant d’épouser finalement Barbara Riese en 1952, un mariage qui durera cette fois jusqu’à la fin de sa vie. Fred Perry aime les projecteurs et la compagnie des stars d’Hollywood. Lorsqu’il devient co-propriétaire du Beverly Hills Tennis Club, Fred Perry dispute même, à l’occasion de l’inauguration des lieux, un match de double avec Charlie Chaplin et Groucho Marx.
A la fin des années 1940, le footballeur autrichien Tibby Wegner contacte Perry avec l’idée d’un accessoire anti-transpirant à porter autour du poignet, qui deviendra ensuite la première version du fameux poignet-éponge, bien connu des tennismen du monde entier. En 1952, Fred Perry lance le polo “M3”, très semblable au polo Lacoste, mais siglé d’une couronne de lauriers inspiré du logo historique de Wimbledon.
Porté par Jaroslav Drobny en finale du tournoi la même année, c’est un succès immédiat. Sean Connery, dans le rôle de James Bond, le porte à son tour à l’écran en 1965. Le polo Fred Perry devient un classique, et un vêtement emblématique du mouvement des « Mods ». De nos jours, il existe encore beaucoup d’adeptes du polo M3 de Fred Perry, qui ne savent probablement pas tous qu’une légende du tennis en est à l’origine.