16 mars 1992 : Le jour où Edberg s’est incliné contre le 289e mondial
Stefan Edberg concède le 16 mars 1992 l’une des défaites les plus inattendues de sa carrière contre Robbie Weiss, 289e mondial, au deuxième tour du Miami Open. Ce qui n’empêchera pas le Suédois de redevenir N.1 mondial le lundi suivant.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi c’est historique :
Le 16 mars 1992, à Miami, Stefan Edberg, alors numéro 2 mondial et qui vient d’atteindre la finale de l’Open d’Australie, est battu par le 289e mondial, Robbie Weiss, dès son deuxième match (6-3, 3-6, 6-4). C’est l’une des pires défaites de sa carrière, et l’une des plus grandes surprises de l’histoire du tournoi. Ironiquement, le Suédois reprendra la place de numéro 1 mondial à Jim Courier à la fin de la semaine.
Les acteurs : Stefan Edberg et Robbie Weiss
- Stefan Edberg, futur crack (déjà) chez les juniors
Stefan Edberg est né en 1966. Déjà très fort chez les juniors, catégorie dans laquelle il réalise le Grand Chelem en 1983, il a pourtant failli arrêter le tennis la même année, à 17 ans, après qu’un de ses services a accidentellement tué un juge de ligne à l’US Open. Il n’a probablement jamais regretté d’avoir continué.
Dès 1985, quelques mois après la révélation de Boris Becker à Wimbledon, Edberg s’adjuge son premier Grand Chelem, lui aussi sur gazon, à l’Open d’Australie, en venant à bout de son compatriote Mats Wilander en finale (6-4, 6-3, 6-3). Le tournoi, dont les dates s’apprêtent à changer, n’a pas lieu en 1986 et Edberg parvient à conserver son titre en 1987 aux dépens du favori local Pat Cash (6-3, 6-4, 3-6, 5-7, 6-3). En 1988, il remporte son premier Wimbledon en battant Becker (4-6, 7-6, 6-4, 6-2) à l’issue d’une finale qui marque le début de l’une des rivalités les plus populaires du tennis.
En 1989, Edberg perd confiance après avoir perdu deux finales majeures à la suite : la première à Roland-Garros, où il est battu par Michael Chang (6-1, 3-6, 4-6, 6-4, 6-2) à l’issue d’un match “crève-cœur” qui le voit mener deux sets à un puis obtenir en vain 10 balles de break au quatrième set ; et la deuxième à Wimbledon, où il est victime de la revanche “brutale ” de Becker (6-0, 7-6, 6-4).
En 1990, en finale de l’Open d’Australie, touché aux abdominaux, il est contraint à l’abandon au deuxième set de son match contre Ivan Lendl. Après une nouvelle déception à Roland-Garros où il est éliminé d’entrée, il redevient le maître des lieux à Wimbledon en prenant le dessus sur Becker lors de leur troisième finale consécutive au All England Club (6-2, 6-2, 3-6, 3-6, 6-4). Quelques semaines plus tard, il devient numéro 1 mondial pour la première fois.
En 1991, à la lutte avec Becker pour la première place mondiale, il s’impose pour la première fois à l’US Open, réalisant un chef d’œuvre en finale pour écraser Jim Courier (6-2, 6-4, 6-0). L’Américain prend sa revanche à l’Open d’Australie 1992 (6-3, 3-6, 6-4, 6-2) et évince Edberg de la première place mondiale le 10 février.
- Robbie Weiss, joueur universitaire qui s’est glissé dans le top 100
L’Américain Robbie Weiss est né en 1966. Parmi les meilleurs de sa catégorie chez les jeunes, il remporte les championnats universitaires en 1988 en représentant l’université de Pepperdine. En octobre 1990, alors qu’il occupe le 117e rang mondial, il remporte son premier et unique titre sur le circuit, à Sao Paulo (en battant Jaime Yzaga en finale, 3-6, 7-6, 6-3).
Grâce à cette victoire, il entre brièvement dans le top 100, mais en 1992, son classement a chuté au 289e rang mondial après une blessure à l’épaule qui a mis sa carrière en danger.
Le lieu : L’Open de Miami, le plus grand tournoi du monde hors-Grand Chelem
L’Open de Miami, qui s’appelle à l’origine le Lipton International Players Championship, a lieu pour la première fois en 1985, à Delray Beach, dans l’idée d’être le premier grand événement de tennis de l’année (à l’époque, l’Open d’Australie se tient au mois de décembre). Le tournoi déménage à Key Biscayne en 1987, et Miloslav Mecir est le premier à triompher dans le nouveau site de Crandon Park.
Les joueurs s’y affrontent (sur dur) dans des conditions souvent difficiles, avec une chaleur et une humidité extrêmes. Néanmoins, grâce à une dotation exceptionnelle et un tableau de 96 joueurs, le tournoi est considéré au début des années 1990 comme le plus important du circuit en dehors des Grands Chelems.
L’histoire : Pas un simple accident de parcours pour Edberg
En mars 1992, lorsque Stefan Edberg débarque à Miami pour participer au Lipton Championship, à Key Biscayne, il est numéro 2 mondial et a la possibilité de reconquérir la première place, car il n’est qu’à quelques encablures du numéro 1, Jim Courier.
Vainqueur du dernier US Open, finaliste de l’Open d’Australie, le Suédois est largement favori de son match du troisième tour (sachant qu’il a bénéficié d’un “bye” au premier) contre Robbie Weiss, issu des qualifications. Edberg a toutefois déjà subi une défaite surprenante, quelques semaines plus tôt, battu par le 238ème mondial Daniel Nestor lors d’un match de Coupe Davis contre le Canada. Entretemps, le Suédois a atteint la finale à Stuttgart. Mais au premier tour de Key Biscayne, il a perdu un set contre le 169ème , Grant Stafford (5-7, 6-1, 0-1, ret.).
C’est une pâle copie du quintuple vainqueur de Grand Chelem que le public de Miami voit évoluer le 16 mars. En difficulté dans tous les secteurs du jeu, Edberg s’incline en trois sets (6-3, 3-6, 6-4). Weiss, transcendé par l’occasion, conclut le match sur un dernier coup droit gagnant supersonique.
“J’ai juste tout lâché, je n’avais rien à perdre”, déclare Weiss. “Je suis sous le choc d’avoir gagné, même si je m’attendais à livrer une belle bagarre. Je n’arrive pas à y croire, c’est génial”.
Comme on peut facilement l’imaginer, Edberg ne partage pas cet enthousiasme.
“Robbie a fait un bon match, j’ai fait un mauvais match. C’est le pire match que j’ai joué depuis des années”, commente Edberg. “Je ne me souviens pas d’avoir eu autant de mal.”
Cependant, Edberg peut encore récupérer la place de numéro 1 mondial, à condition que Courier, le tenant du titre, n’atteigne pas la finale. Le Suédois, qui a déjà passé 66 semaines au sommet du classement ATP, n’est pas vraiment emballé à l’idée de devenir numéro 1 de cette façon. “Je ne le mérite pas”, dit-il. Et pourtant…
La postérité du moment : Un exploit sans lendemain pour Weiss, Edberg à nouveau numéro un
Robbie Weiss s’inclinera lourdement au tour suivant (6-2, 6-2) face au Suisse Jakob Hlasek. Ironiquement, Stefan Edberg récupèrera la première place à la fin de la semaine, Jim Courier ayant buté en demi-finale sur Michael Chang (6-2, 6-4).
Edberg sera rapidement dépossédé de cette place de numéro 1 mais finira par la reconquérir quelques mois plus tard grâce à un sixième et dernier titre du Grand Chelem remporté à l’US Open 1992, où il gagnera trois matches consécutifs en cinq sets avant de battre Pete Sampras en finale (3-6, 6-4, 7-6, 6-2).