16 mai 1999 : Le jour où Kuerten a empêché Rafter de devenir n°1 mondial
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 16 mai 1999, Gustavo Kuerten domine l’Australien Patrick Rafter en finale des Internationaux d’Italie, et l’empêche de devenir numéro 1 mondial.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi ça a marqué l’histoire du tennis : Kuerten prive Rafter du rêve absolu
Ce jour-là, le 16 mai 1999, le Brésilien Gustavo Kuerten domine l’Australien Patrick Rafter en finale des Internationaux d’Italie, et l’empêche par la même occasion d’accéder à la place de numéro 1 mondial. Pat Rafter, double tenant du titre à l’US Open, était en concurrence pour cette place avec Pete Sampras, Carlos Moya et Evgueni Kafelnikov, depuis deux mois. C’était une rare opportunité pour l’Australien qui ne dominait pas le circuit et n’était pas du tout certain de parvenir un jour au sommet de la hiérarchie mondiale.
Les acteurs : Pat Rafter et Gustavo Kuerten
- Patrick Rafter, l’explosion tardive avant la confirmation
Patrick Rafter, né en 1972, est passé pro en 1991. Durant les premières années de sa carrière, l’Australien n’a pas obtenu de grands résultats, et jusqu’en 1997, il n’avait jamais remporté qu’un seul tournoi, à Manchester, en 1994. Rafter avait atteint son meilleur classement, 21e mondial, en 1994, et avait passé la plupart de son temps au-delà du Top 40.
Mais en 1997, sa carrière décolle subitement lorsqu’il atteint les demi-finales à Roland-Garros, seulement battu par Sergi Bruguera (6-7, 6-1, 7-5, 7-6). Quelques mois plus tard, après avoir disputé deux finales à Indianapolis et Long Island, il gagne l’US Open à la stupéfaction générale. Ce n’était que le deuxième titre de sa carrière ! En chemin, Rafter bat Andre Agassi (alors 63e mondial, 6-3, 7-6, 4-6, 6-3), puis le numéro 2 mondial Michael Chang (6-3, 6-3, 6-4), et enfin Greg Rusedski en finale (6-3, 6-2, 4-6, 7-5).
Mais en 1998, ses résultats décevants en début d’année le mettent sous le feu des critiques, John McEnroe déclarant qu’il ne reproduirait pas son exploit de l’US Open, tandis que Pete Sampras faisait remarquer que, pour être un grand joueur, Rafter devait gagner un autre tournoi majeur. Comme pour leur répondre, à l’été 1998, Pat Rafter remporte coup sur coup les tournois de Toronto et Cincinnati (où il bat en finale… Sampras, 1-6, 7-6, 6-4).
Sur sa lancée, l’Australien s’adjuge un deuxième titre à l’US Open, en battant une fois de plus Pistol Pete (6-7, 6-4, 2-6, 6-4, 6-3), avant de venir à bout de son compatriote Mark Philippoussis (6-3, 3-6, 6-2, 6-0) à l’issue de la première finale de Grand Chelem 100% australienne depuis 1970. Bud Collins décrivait Patrick Rafter comme “un homme humble et élégant sur le court, d’une grande générosité et une attitude de gentleman”.
- Gustavo Kuerten, la sensation à Roland avant de rentrer dans le rang
Gustavo Kuerten, né en 1976, se fait connaître aussi en 1997, lorsqu’il décroche le titre à Roland-Garros dans la peau d’un 66e mondial inconnu du public. Il domine en route les trois derniers vainqueurs du tournoi (Thomas Muster, Evgueni Kafelnikov et Sergi Bruguera en finale, 6-3, 6-4, 6-2). C’est non seulement le premier titre de sa carrière, mais c’est même la première fois qu’il atteint une finale sur le circuit. Son tennis repose sur un excellent premier service et un revers à une main impressionnant, ainsi que sur des campagnes d’amorties : bref, c’est un joueur naturel de terre battue.
Alors qu’il termine 1997 à la 14e place mondiale, Kuerten a du mal à confirmer son nouveau statut en 1998 et ses résultats sur dur sont décevants. Malgré un regain de confiance pendant la saison sur terre, il est éliminé en cinq sets au deuxième tour de Roland-Garros par le jeune Marat Safin, qui atteindra les quarts de finale (3-6 7-6 3-6 6-1 6-4).
Au début 1999, Kuerten est 23e mondial et, même si certains pensent que la magie de Roland-Garros 1997 n’était qu’un feu de paille, il croit toujours en ses capacités. Il atteint les demi-finales à Indian Wells (battu par Moya, qui devient par la même occasion numéro un mondial), avant de faire une démonstration en Coupe Davis, où il domine, sur terre battue, les Espagnols Carlos Moya et Alex Corretja. Dans la foulée, il remporte son premier Masters 1000 à Monte-Carlo : Kuerten est en train de devenir l’un des favoris de Roland-Garros.
Le lieu : Le Foro Italico, à Rome
Les Internationaux d’Italie ont lieu à Rome depuis 1935, au Foro Italico, un complexe sportive immense destiné initialement à soutenir la candidature de l’Italie pour accueillir les Jeux Olympiques de 1940. Classé dans la catégorie des Masters 1000, il est aujourd’hui encore l’un des tournois sur terre battue les plus prestigieux. Presque tous les plus grands joueurs de l’histoire du tennis ont foulé les courts du Stadio del Tennis.
Alors que Patrick Rafter n’a jamais dépassé le deuxième tour à Rome, Gustavo Kuerten y a obtenu l’un de ses meilleurs résultats en 1998, en se hissant jusqu’en demi-finale, où il s’était incliné face à Marcelo Rios (6-0 7-5).
L’histoire : Kuerten redevient un crack, Rafter ne redevient pas numéro 1
Les enjeux de cette finale sont particulièrement importants pour les deux joueurs, en ce 16 mai 1999. Au début de la saison, Guga était 23e mondial, peinant à donner suite à son exploit de Roland-Garros 1997. Mais depuis le mois de mars, la magie opère à nouveau. Quelques semaines auparavant, il a triomphé à Monte-Carlo, au début de la saison sur terre battue.
A Rome, il est affûté, son service est bien réglé, son revers est précis. A l’exception de Karol Kucera, qui l’a poussé au troisième set en quarts de finale (3-6, 6-4, 7-5), Kuerten a sèchement écarté tous ses adversaires, y compris le numéro 1 mondial Kafelnikov, battu en huitièmes de finale (7-5, 6-1). Il est en passe de s’imposer comme le meilleur joueur du monde sur cette surface, et gagner le tournoi à Rome en ferait LE favori de Roland-Garros.
Patrick Rafter, lui, a un objectif bien différent. Jusqu’à cette semaine, il n’avait plus gagné deux matches de suite depuis l’Open d’Australie, où il s’était incliné au troisième tour. Et pourtant, le voilà qui se retrouve à lutter pour la place de numéro 1 mondial ! Dans les faits, Pete Sampras, qui a dominé le circuit pendant six ans, n’a fait que de rares apparitions en 1999, et comme aucun autre joueur ne sort vraiment du lot, Rafter, qui a gagné l’US Open 1998, a maintenant l’occasion de s’emparer de sa place. Ses deux rivaux dans cette quête sont Carlos Moya et Evgueny Kafelnikov.
L’Espagnol a déjà atteint la première place du classement au mois de mars, avant que Sampras ne la récupère deux semaines plus tard. Le 3 mai, c’est Kafel qui devient à son tour premier mondial. Et maintenant, après une belle semaine à Rome, où il a vaincu Andre Agassi en huitièmes de finale (6-4 7-6) et le terrien Felix Mantilla en demi-finale (6-3 7-5), Rafter n’est plus qu’à un match d’écrire l’histoire en devenant le premier Australien à prendre la tête du classement ATP depuis John Newcombe, en 1974.
Mais le défi proposé par Kuerten est trop élevé. Comme Rafter est en délicatesse avec sa première balle de service, Kuerten, retournant à la perfection, le met sous pression à la volée, et se montre très précis sur ses passings. Guga sert très bien et promène Rafter aux quatre coins du terrain, tout en variation, avec son revers. Son jeu si bien adapté à la terre battue est largement au-dessus des capacités de Rafter sur cette surface et Kuerten s’impose en trois manches (6-4, 7-5, 7-6). Rafter ne deviendra pas numéro 1 mondial.
“Il m’a mis la pression à la volée, et sur mon service”, explique l’Australien. “J’ai tout essayé, mais il me massacrait au fond de court. J’aurais eu besoin d’un petit coup du sort pour faire basculer le match, car il a maîtrisé de bout en bout.”
La postérité du moment
Gustavo Kuerten, qui grimpe au huitième rang mondial, est maintenant le grand favori de Roland-Garros. Il s’y inclinera en quarts de finale, surpris par Andrei Medvedev (7-5, 6-4, 6-4), mais restera longtemps le meilleur joueur du monde sur terre battue, en conquérant deux nouveaux titres à Paris, en 2000 (en battant Magnus Norman, 6-2, 6-3, 2-6, 7-6), et en 2001 (en dominant Alex Corretja, 6-7, 7-5, 6-2, 6-0). L’année où il dessinera son fameux cœur sur le court Philippe-Chatrier.
En 2000, il terminera l’année numéro 1 mondial mondial, grâce à un fantastique triomphe au Masters où il vaincra à la fois Andre Agassi et Pete Sampras en salle, sur surface rapide. Sérieusement touché à la hanche, il ne pourra venir défendre son titre Porte d’Auteuil en 2002, et la suite de sa carrière ne sera qu’un long combat contre cette blessure dont il ne se remettra jamais. Après deux ans d’inactivité, il finira par annoncer sa retraite en 2008, après une dernière apparition pour faire ses adieux à Roland-Garros.
Pat Rafter deviendra bien numéro 1 mondial, le 26 juillet 1999, même s’il ne le restera qu’une semaine, signant ainsi le règne le plus court de l’histoire du tennis. Il ne remportera plus aucun titre du Grand Chelem, mais disputera deux finales consécutives à Wimbledon, vaincu par Sampras en 2000 (6-7, 7-6, 6-4, 6-2), puis terrassé en 2001 par Goran Ivanisevic à l’issue d’une légendaire finale en cinq sets (6-3, 3-6, 6-3, 2-6, 9-7). Fin 2001, son épaule nécessitera une intervention chirurgicale après laquelle il ne reviendra pas sur le circuit. Rafter officialisera sa retraite en 2003.