12 février 1996 : Le jour où Muster a détrôné Agassi
Thomas Muster, victime d’un grace accident en 1990, grimpe à la première place mondiale le 12 février 1996. Un exploit dû à ses résultats fantastiques sur terre battue et à un concours de circonstances favorable.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi c’est historique : Muster dépasse Andre Agassi pour devenir N.1 mondial
Le 12 février 1996, l’Autrichien Thomas Muster, qui a réussi la meilleure saison de sa carrière en 1995, dépasse Andre Agassi pour devenir numéro un mondial. « Musterminator », qui avait totalement dominé la saison sur terre battue et remporté Roland-Garros, est le premier et seul joueur à avoir atteint la première place mondiale sans avoir jamais passé un tour à Wimbledon. Il restera en tout six semaines au sommet du classement.
Le personnage : Thomas Muster, un terrien modèle de résilience
Thomas Muster est né en 1967. Gaucher, il développe un jeu classique de terre battue, imprimant beaucoup de lift des deux côtés et possédant une condition physique hors norme. Il base son tennis sur de longs échanges très intenses du fond de court, qui lui valent le surnom de « Musterminator ». Il soulève son premier trophée sur le circuit en 1986, à Hilversum, sur terre battue, aux dépens de Jakob Hlasek (6-1, 6-3, 6-3). Bien que tous les tournois gagnés par Muster avant 1990 l’aient été sur ocre, son premier coup d’éclat en Grand Chelem a lieu sur dur, à l’Open d’Australie 1989, où il atteint les demi-finales (battu par Ivan Lendl, 6-2, 6-4, 5-7, 7-5). Cette même année, juste après avoir éliminé Yannick Noah en demi-finale à Miami (5-7, 3-6, 6-3, 6-3, 6-2), il est percuté par un chauffard et son genou est gravement endommagé. Après une opération chirurgicale, il marque le tennis de son empreinte lorsqu’une image fait le tour du monde, sur laquelle on le voit frapper des coups droits assis sur un banc, la jambe plâtrée. Il devient alors l’image même de la résilience.
Sa volonté de revenir porte ses fruits et il est de retour en 1990, et atteint bientôt les demi-finales de Roland-Garros, battu par le futur vainqueur du tournoi Andres Gomez (7-5, 6-1, 7-5). Malgré un premier titre sur dur à Adélaïde, il s’aperçoit que la terre battue est moins traumatisante pour son genou et se spécialise encore davantage, remportant presque tous ses titres sur cette surface. Parmi ceux-ci, les plus importants sont le tournoi de Rome en 1990, et celui de Monte-Carlo en 1992, jusqu’à ce qu’en 1995, il soit l’auteur de l’une des plus grandes saisons sur terre battue jamais réalisées. Invaincu sur ocre 40 matchs durant, il gagne les tournois d’Estoril, Barcelone, Monte-Carlo, Rome et enfin Roland-Garros (aux dépens de Michael Chang, 7-5, 6-2, 6-4). Plus tard dans l’année, il remporte son premier Masters 1000 sur moquette intérieure, à Essen, en battant au passage Pete Sampras en demi-finale (7-6, 6-2) et MaliVai Washington en finale (7-6, 2-6, 6-3, 6-4). Il termine l’année à la 3e place mondiale, ayant accumulé la bagatelle de 12 titres au cours de la saison.
L’histoire : Une saison de folie et un concours de circonstances
En 1995, Thomas Muster a réalisé la meilleure saison de sa carrière, et peut-être l’une des plus grandes saisons sur terre battue de tous les temps. En plus de son sacre à Roland-Garros, il a remporté 10 autres tournois sur sa surface préférée, dont deux Masters 1000. Mais il a aussi, à la surprise générale, remporté un Masters 1000 sur moquette intérieure, avec une victoire remarquable face à Pete Sampras (7-6, 6-2).
Ses exploits sont un peu passés au second plan, éclipsés par la rivalité entre Sampras et Agassi, mais aussi car la plupart de ses résultats avaient été obtenus uniquement sur terre battue. Cependant, Muster termine l’année 1995 à la troisième place mondiale, et après la défaite de Sampras au troisième tour de l’Open d’Australie, l’Autrichien devient N.2 mondial.
Agassi occupe toujours la première place, mais il vient de perdre son titre à l’Open d’Australie et il est tenant du titre à San Jose. Cependant, en 1995, le tournoi avait eu lieu la première semaine de février, et en 1996, il ne se joue que la deuxième semaine. Ainsi, Agassi va perdre ses points avant même d’avoir pu défendre son titre. C’est ainsi que Muster, qui dispute alors la Coupe Davis en Afrique du Sud, est assuré de devenir numéro 1 mondial pour la première fois le 12 février.
Selon le journaliste Gerald Widhalm, qui se trouve en Afrique du Sud avec Muster, l’Autrichien, qui avait battu Wayne Ferreira (7-5, 6-7, 6-4, 7-6), réagit calmement à sa consécration :
“Je suis connu pour garder les pieds sur terre. Je travaille à cet objectif depuis des années et je ne vais pas m’affoler. Je suis déjà trop vieux et trop mature pour cela”.
Mais s’il ne voulait pas trop en faire à l’époque, Muster se souviendra de ce moment avec fierté, vingt ans plus tard, selon le site atptour.com.
“Mon classement de N.1 mondial en 1996 était basé sur mes 12 tournois gagnés en 1995… Je ne sais pas combien de personnes peuvent dire que, de façon objective, mesurable, ils ont été numéro 1 à quelque chose, le meilleur au monde. J’ai adoré ce moment.”
La postérité du moment : Sampras l’a vite délogé
La semaine suivante, Thomas Muster commencera son règne par une horrible défaite au premier tour de Dubaï, battu par Sandon Stolle, 161e joueur mondial (6-1, 3-6, 7-6). Pendant ce temps, Sampras gagnera le tournoi de San José et récupèrera ainsi la première place mondiale. Muster passera en tout six semaines au sommet du classement ATP, et au printemps, il recommencera une incroyable série de victoires, conservant ses cinq titres à Mexico, Estoril, Monte-Carlo, Barcelone et Rome, avant de s’incliner à la surprise générale face à Michael Stich en huitièmes de finale de Roland-Garros (4-6, 6-4, 6-1, 7-6). Après un dernier grand titre en mars 1997 à Miami, où il battra en finale Sergi Bruguera (7-6, 6-3, 6-1), et un dernier quart de finale Porte d’Auteuil en 1998 (perdu contre Felix Mantilla, 6-4, 6-2, 4-6, 6-3), Muster déclinera peu à peu et prendra sa retraite en 1999.