Mirra Andreeva face à l’histoire, mais gare à la queue du tigre
Mirra Andreeva et Aryna Sabalenka jouent un peu plus qu’une finale à Indian Wells, ce dimanche soir. La Russe est peut-être en train de faire main basse sur le tennis mondial, mais la Biélorusse n’est jamais si dangereuse que lorsqu’elle défend son beefsteak.
Tactiquement, Mirra Andreeva a fait exactement ce qu’il fallait pour préparer la finale du WTA 1 000 d’Indian Wells qu’elle jouera ce dimanche face à Aryna Sabalenka. Elle a affronté la numéro 1 mondiale deux fois cette saison, à Brisbane et à l’Open d’Australie, pour deux défaites sèches en deux sets. Au total, elle a perdu quatre fois sur cinq face à la Biélorusse qui est la joueuse qu’elle a le plus affrontée depuis le début de sa jeune carrière. La seule fois qu’elle l’a battue, l’an dernier en quart de finale à Roland-Garros, c’est (aussi) parce que Sabalenka était un peu patraque.
En quoi est-ce une bonne chose ? Demandez à Madison Keys. L’Américaine, qui avait eu l’outrecuidance de terrasser la reine Saba en finale de « son » tournoi en début de saison à l’Open d’Australie, l’a payée très cher en demi-finale du tournoi californien, laminée 6-0, 6-1 par une Sabalenka revancharde comme jamais, et victorieuse 6-0, 6-1. « Il y a une expression anglaise qu’il dit qu’il ne faut jamais tirer la queue du tigre… », lui a fait remarquer un journaliste anglais en conférence de presse… « Oui, c’est dur de m’affronter quand j’ai en moi ce sentiment de revanche », lui a répondu en souriant la Biélorusse, dont le tigre est précisément l’animal préféré.
Bref, toute cette disgression pour dire qu’Andreeva, elle, a eu la sagesse de ne pas agiter la queue du tigre. Quoique. Elle l’a quand même probablement un peu titillée, au moins à distance, en s’imposant depuis un mois comme l’une des toutes meilleures joueuses du monde. Et peut-être même comme la vraie dauphine de Sabalenka en lieu et place d’Iga Swiatek, qu’elle a en revanche battue deux fois, la première sur la route de son premier titre en WTA 1 000 à Dubaï, et la deuxième ici, en demi-finale.
Et c’est aussi ce qui donne à cette finale d’Indian Wells des allures de croisée des chemins, peut-être même de carrefour de l’histoire. Oublions ce qui s’est passé en janvier et ces deux défaites face à Sabalenka. Depuis février, Mirra Andreeva n’est plus la même et ce qu’elle réalise en ce moment, du haut de ses 17 ans, n’est pas seulement la fortune passagère d’une joueuse en pleine confiance. C’est, n’ayons pas peur des mots, la trace fulgurante d’une joueuse en train de faire main basse sur le tennis mondial.
Andreeva, des chiffres vertigineux
Quelques références pour situer la dimension de la perf qu’elle a d’ores et déjà réalisée, et de l’exploit qu’elle pourrait accomplir ce dimanche :
- Depuis 1989 et la création du tournoi féminin d’Indian Wells, Mirra Andreeva est la quatrième joueuse de moins de 18 ans à atteindre la finale après Monica Seles (1991), Martina Hingis (1998), Serena Williams (1999) et Kim Clijsters (2001). Uniquement des numéros 1 mondiales et gagnantes de Grand Chelem.
- Actuellement lancée sur une série de 11 victoires, est la seulement la troisième joueuse de moins de 21 ans (elle en a 17 !) à réussir un tel enchaînement après Nicole Vaidisova et Maria Sharapova.
- Victorieuse, donc, d’ Iga Swiatek en demies, elle pourrait, en cas de succès sur Aryna Sabalenka, devenir la troisième mineure en 40 ans à battre les numéros 1 et 2 mondiales lors d’un même tournoi, après Steffi Graf à Miami en 1987 et Serena Williams à l’US Open en 1999. Pas du menu fretin, là non plus.
- Toujours en cas de succès, elle sera la plus jeune joueuse à battre une numéro 1 mondiale en finale d’un tournoi WTA depuis Maria Sharapova, elle encore, face à Lindsay Davenport à Tokyo en 2005.
Au-delà des chiffres, sur un pur plan tennistique, on a surtout l’impression que Mirra Andreeva est en train de mettre une petite claque à nombre de ses rivales. Service puissant (elle a été flashée à 202 km/h en demies), sens du jeu extraordinaire, main de velours, revers au cordeau, coup droit désormais au diapason… Là où l’on pouvait, avant, mégoter sur son caractère boudeur et son physique un peu fragile (des péchés de jeunesse avant tout), il semble n’y avoir désormais plus aucune faille dans son arsenal. « Elle est la meilleure joueuse du monde, et de très loin », dit d’elle son ancien entraîneur Jean-René Lisnard, qui l’a façonnée pendant deux ans au sein de son académie de l’Elite Tennis Center, à Cannes, avant que Conchita Martinez ne prenne le relais l’an dernier.
Pour Aryna Sabalenka, il ne s’agit donc pas simplement d’inscrire son nom pour la première fois au palmarès d’Indian Wells, où elle a été battue en finale en 2023 par Elena Rybakina. Il s’agit surtout bel et bien d’affirmer son règne, qui n’est certes pas en danger immédiat sur un plan mathématique (Andreeva sera au mieux 6ème mondiale en cas de succès), mais qui l’est bel et bien sur un plan symbolique. Car à la Race 2025, en revanche, la Russe serait quasiment à égalité avec la Biélorusse si elle venait à s’imposer.
Sabalenka, qui n’est que la quatrième joueuse à enchaîner finale de l’Open d’Australie et finale d’Indian Wells la même saison (après Monica Seles, Martina Hingis et Lindsay Davenport), le sait bien sûr mieux que quiconque. Et aura à cœur de remettre l’église au milieu du village. Ou plutôt, pourrait-on dire, le tigre au milieu de la savane.