Coup droit, retour, volée : ce que Zverev veut améliorer pour gagner un Grand Chelem
Qualifié pour les demi-finales du Masters à l’issue d’une phase de poules parfaite, Alexander Zverev joue toujours avec la saison 2025 en tête, et le chemin qu’il lui reste à parcourir pour décrocher enfin un premier Grand Chelem.
D’abord, il est peut-être temps désormais de clore ce bon vieux débat sur l’identité du meilleur joueur à n’avoir jamais gagné un tournoi du Grand Chelem. Parmi les prétendants les plus régulièrement cités, on a beau chercher, on n’en voit aucun avec une feuille de résultats aussi épaisse que celle d’Alexander Zverev : deux finales majeures perdues, 23 titres dont sept Masters 1 000 et deux Masters, peut-être trois à la fin du week-end puisqu’il s’est qualifié pour les demi-finales du Nitto ATP Finals, ce vendredi, en disposant de Carlos Alcaraz. Et ceci est d’autant plus significatif que l’Allemand, rappelons-le, n’a que 27 ans, donc largement le temps et les moyens de corriger l’anomalie qui lui colle toujours à la peau.
C’est, en tout cas, son grand objectif, on a envie de dire sa grande obsession pour la suite de sa carrière. “Ce n’est un secret pour personne : je veux gagner un Grand Chelem et devenir numéro 1 mondial”, a rappelé Sascha ce vendredi tout en sachant très bien que l’un n’ira probablement pas sans l’autre. Voilà sans doute un moment qu’il y pense en se rasant le matin. Mais, peut-être comme certains de ses comparses de la Next Gen, il se disait que son heure viendrait naturellement avec la fin du Big Three. L’explosion soudaine de Jannik Sinner et Carlos Alcaraz, vainqueurs à eux deux des quatre Grands Chelems en 2024, est venue lui rappeler que le tennis n’attend jamais : dans ce sport aussi sublime que cruel, ou tu avances, ou tu meurs…
A l’image de Daniil Medvedev qui a fait part, jeudi, de son désir de se reconstruire pour mieux pouvoir rivaliser avec le terrible duo italo-espagnol, Zverev, qui s’en sort pourtant mieux dans ses face à face avec eux (il mène 6-5 face à Alcaraz et 4-2 face à Sinner), a donc décidé de prendre les choses à bras le corps en cette fin de saison. A Bercy, il filait à l’entraînement après chacun de ses matches et ne parlait que de 2025 en conférence de presse. Il a gagné. A Turin, pour l’instant, il en fait de même. Il a survolé sa phase de groupe sans perdre un set.
“Peut-être que d’avoir l’esprit concentré sur les choses à améliorer, et pas uniquement sur le résultat, m’aide à avoir un meilleur état d’esprit. Je devrais peut-être faire comme ça à chaque tournoi désormais”, s’amuse-t-il. N’empêche que ce détachement du résultat pur n’est certainement pas pour rien dans ses performances du moment. Sa 70è victoire de l’année, un record depuis Andy Murray en 2016 (78) ? Il s’en moque comme de sa première chemise. “Ce qui occupe davantage mon esprit, c’est d’améliorer mon jeu pour l’an prochain afin de gagner les plus grands tournois et de rivaliser avec Carlos et Jannik. Mais sinon, oui, je suis en demi-finale, j’en suis heureux.” Presque une formalité d’usage évacuée, comme s’il venait de remplir sa déclaration d’impôts.
Aujourd’hui, on voit que les meilleurs joueurs du monde ne sont plus forcément les meilleurs serveurs, mais les meilleurs relanceurs.
Evidemment, sur le plan mental, les choses seront différentes l’an prochain en Grand Chelem. Zverev en a bien conscience et, pour anticiper l’afflux d’émotions, met les bouchées doubles pour solidifier les structures de son jeu. Un jeu aussi solide que fragile, insondable, dont la meilleure arme (le service) s’est très souvent retournée contre lui par le passé, dont le meilleur coup (le revers) n’est pas le plus à la mode dans le tennis moderne – où un gros coup droit parait plus que jamais indispensable -, et dont la puissance naturelle s’efface trop souvent derrière une certaine frilosité. Sans parler de son diabète de type 1, qui peut s’avérer un vrai handicap dans les matches au long cours.
Ce qui est intéressant chez Zverev, c’est qu’au lieu de se contenter de ce qu’il a et de rester sans trop forcer dans le top 10, il est bien décidé à sortir de sa zone de confort pour aller gravir la dernière marche. Rien ne dit qu’il y parviendra, mais la démarche est louable : beaucoup, à sa place, n’ont même pas eu le courage de s’y attaquer, préférant rester bien au chaud dans leur camp de base. L’Allemand, lui, veut gravir son Everest et a parfaitement analysé la voie qu’il devait suivre pour y parvenir. Il a, du reste, commencé son ascension.
“L’un des secteurs sur lesquels j’ai le plus progressé ces derniers temps, c’est le retour de coup droit”, a-t-il analysé. “L’an dernier, je pouvais passer des matches entiers sans en mettre un dedans, et j’ai souvent perdu à cause de ça. J’ai beaucoup mis l’accent là-dessus cette année, comme j’ai pu le faire par le passé avec mon service ou mon coup droit. Aujourd’hui, on voit que les meilleurs joueurs du monde ne sont plus forcément les meilleurs serveurs, mais les meilleurs relanceurs, comme Jannik, Carlos et Novak. Or, dans ce secteur, j’étais l’un des plus mauvais.”
Ses progrès ont d’ailleurs été notés par Alcaraz lui-même, l’un des premiers à rendre hommage à son bourreau après sa défaite : “Face à lui, quand on sert, on sent une pression supplémentaire car il met presque tous les retours dans le court et vous oblige à jouer de longs rallyes”, a commenté le Murcien. “Par ailleurs, normalement, il a un meilleur revers que coup droit. Aujourd’hui, c’était pareil des deux côtés. Dans ces conditions, c’est vraiment difficile de trouver l’ouverture. J’ai eu du mal à trouver une faiblesse chez lui.”
Même au filet, un autre de ses habituels péchés mignons, Zverev s’est montré solide, à l’image de cette demi-volée de coup droit “ridicule” (ce sont ses mots) pour conclure le jeu décisif du premier set, avec l’aide d’un Alcaraz certes pas exempt de tout reproche sur le coup suivant. Si Sascha, après avoir marqué ce point, était hilare sur sa chaise en regardant son clan, c’est parce qu’il savait qu’il était qualifié avec le gain de cette première manche, mais aussi parce qu’il se doutait que son grand frère Mischa, un expert ès-service-volée du temps où il jouait, avait apprécié le geste technique.
“C’est sûr que je ne volleye par encore comme mon frère, c’est ce qui me manque encore pour être numéro 1 mondial”, s’est amusé… le numéro 2 mondial, par ailleurs très détendu et affable face aux journalistes ces derniers temps. “C’est aussi l’un des points sur lesquels je cherche à m’améliorer pour l’an prochain. J’espère y parvenir.”
le tennis ne se joue plus en défense. C’était davantage le cas il y a quelques années. Aujourd’hui, 90% du temps, les gars sont à l’attaque. C’est peut-être là, aussi, où j’ai eu du mal jusqu’à présent.”
Qu’on se le dise, l’Alexander Zverev 2.0 devrait donc être assez résolument offensif. Là encore, dans un souci de mimétisme avec Sinner et Alcaraz, mais aussi d’adéquation avec le tennis moderne. “Tout le monde parle de leur qualités défensives mais, en fait, ils ne passent pas beaucoup de temps en défense”, a enfin exposé le natif de Hambourg. “Je crois que le tennis aujourd’hui ne se joue plus en défense. C’était davantage le cas il y a quelques années, le tennis était un peu différent, un peu plus lent. Maintenant, 90% du temps, ces gars sont à l’attaque. Il faut pouvoir rivaliser avec eux en termes de vitesse d’exécution. C’est le plus important. Ne pas reculer, prendre sa chance dans les moments importants. C’est peut-être là, aussi, où j’ai eu du mal jusqu’à présent dans ma carrière, et où je dois encore m’améliorer. Faire confiance à mes frappes et y aller quand il le faut.”
Une chose est sûre, Alexander Zverev sait où il veut aller, et comment il veut y aller. C’est déjà un grand pas de fait car, comme dit l’adage, qu’importe la destination, le voyage restant le plus important.