Critique du calendrier trop chargé, mais participation aux exhibitions : la schizophrénie de certains joueurs de tennis

Carlos Alcaraz et Alexander Zverev, faisant écho à bien d’autres voix, ont critiqué le calendrier ATP surchargé. Depuis la salle de presse de la Laver Cup. Une exhbition.

Carlos Alcaraz et Alexander Zverev, Laver Cup 2024. Carlos Alcaraz et Alexander Zverev, Laver Cup 2024. © Imago / Panoramic

C’est un peu comme vouloir perdre du poids, mais s’envoyer des kebabs entre les repas. Chaque année, un sujet revient sur la table dans le tennis : le calendrier de plus en plus chargé, et attaqué par les joueurs. À juste titre. Ils ont de moins en moins de temps pour récupérer ou se réserver des blocs d’entraînement. Seulement, parmi les plaignants, certains alourdissent leur menu déjà trop copieux en participants à des exhibitions.

Avec les nouveaux formats mis en place depuis 2023, cinq des neuf Masters 1000 se jouent sur douze jours : Madrid, Rome, Shanghai égalant désormais la durée d’Indian Wells et Miami. Un total qui va passer à sept en 2025, avec le Canada et Cincinnati pour grossir les rangs, laissant Monte-Carlo et Paris-Bercy comme les seuls restant sur une semaine. Un allongement qui fait fulminer pas mal de professionnels de la raquette.

“Ok, c’est bien beau tout ça, mais ils n’ont qu’à pas tous les jouer”, vous entends-je rouscailler d’ici. Seul hic, sauf blessure, les meilleurs du monde n’ont pas le choix. Pour avoir le maximum de points possible, et ne pas risquer de manger une amende en cas d’absentéisme trop élevé, ils doivent prendre part à au moins 19 compétitions.

L’un des nerfs de la guerre : les tournois obligatoires

Les quatre tournois du Grand Chelem ainsi que huit des neufs Masters 1000 sont obligatoires, et les sept meilleurs résultats des autres évènements disputés – parmi ces catégories : ATP Cup, Monte-Carlo (seul Masters 1000 non obligatoire), ATP 500, ATP 250, tournois Challenger et ITF – sont pris en compte au classement.

Pas de quoi se tourner les pouces. Le tennis étant d’ailleurs l’un des rares sports, si ce n’est le seul, à s’étaler sur onze mois de l’année. Privilège des anciens, et de l’excellence, des exemptions sont toutefois accordées.

Pour chacune de ces conditions, un joueur peut retirer un Masters 1000 de son planning :

  • avoir joué au moins 600 matchs au 1er janvier
  • avoir fait 12 ans de service (avoir passé 12 ans sur le circuit, ndlr)
  • avoir 31 ans au 1er janvier

Le calendrier est trop chargé, ils vont finir par nous tuer.

Carlos Alcaraz, pendant la Laver Cup

Si les trois cases sont cochées, le bon soldat, comme le laisse suggérer le champ lexical choisi par le règlement de l’ATP – “12 ans de service” –, peut zapper autant de Masters 1000 qu’il le souhaite. Voilà pourquoi Novak Djokovic est en mesure de se concocter des programmes allégés, tout comme, par exemple, Roger Federerun modèle pour le Serbe sur ce point – avant lui, pour viser un pic de forme lors des seuls graals comptant désormais à ses yeux : les quatre Majeurs.

Luxe dont ne jouissent pas Carlos Alcaraz et Alexander Zverev, par exemple. Loin d’être au même stade de leur carrière que Djokovic, ils chassent en plus les points afin de retrouver la première place mondiale, concernant l’Espagnol, et la découvrir pour l’Allemand.

“Le calendrier est trop chargé, beaucoup de tournois obligatoires, qui seront probablement encore plus nombreux dans les prochaines années, ils vont finir par nous tuer (sourire)”, a déclaré Alcaraz pendant la Laver Cup, en s’étalant également sur d’autres conséquences néfastes pour lui.

Alcaraz et Zverev (comme d’autres) trouvent le calendrier trop chargé ; Alcaraz et Zverev (comme d’autres) l’alourdissent encore avec des exhibitions

“Parfois, je ne me sens pas motivé du tout”, a-t-il aussi confié. “Trop de compétitions, pas autant de jours de repos que je le souhaite pour pouvoir m’entraîner. Je ne vais pas mentir, il m’est arrivé de vouloir rester avec mes proches plutôt que d’aller en tournoi.”

Des paroles sensés, mais qui laissent penser à une certaine folie intérieur tant la contradiction avec ses actes est forte. Le phénomène transpyrénéen enchaîne les déplacements pour des exhibitions. Certes, ces duels sont à des années-lumière de l’intensité des empoignades du circuit, mais il pourrait utiliser ce temps pour ce qu’il réclame : récupérer ou s’entraîner. Depuis la fin d’année dernière, le surnommé “Carlitos” enquille les matchs non officiels, mais souvent très lucratifs :

  • Novembre 2023 : exhibition au Mexique avec Tommy Paul
  • Décembre 2023 : exhibition en Arabie Saoudite avec Novak Djokovic
  • Décembre 2023 : exhibition à Murcie avec Roberto Bautista Agut
  • Mars 2024 : exhibition à Las Vegas avec Rafael Nadal
  • Septembre 2023 : exhibition à Berlin (Laver Cup)
  • Octobre 2024 : exhibition en Arabie Saoudite (6 Kings Slam) avec Novak Djokovic, Rafael Nadal, Jannik Sinner, Daniil Medvedev et Holger Rune

On commence la saison fin décembre, pour finir fin novembre de l’année suivante.

Alexander Zverev, pendant la Laver Cup

Sommet de schizophrénie, trois jours avant ses critiques, légitimes, contre le calendrier, le protégé de Juan Carlos Ferrero avait même déclaré : “Jusqu’au Masters en fin d’année, je vais essayer de jouer autant de matchs que possible.” Afin, notamment, d’engranger de l’expérience en indoor dans le but de progresser dans ces conditions et pouvoir viser le titre au Masters.

Également interrogé sur le sujet des saisons interminables, Zverev a livré cette réponse ce week-end : “Le nombre de tournois est bien trop excessif. Nous ne devrions pas jouer du 27 décembre, date du début de l’United Cup (2025) jusqu’à fin du Masters aux alentours du 20 novembre, voire plus encore pour ceux qui jouent la Coupe Davis (le Final 8).” S’en est suivi un échange animé avec le journaliste.

“Vous (les joueurs) pourriez vous unir pour vous élever contre ça, a rétorqué ce dernier.
– Et après quoi ? Faire un boycott ? On prend des amendes si on ne joue pas les tournois. Alors que devrait-on faire selon vous ?, a répliqué Zverev.
– Clairement, vous unir et boycotter.
– OK, et après quoi ? S’unir, s’unir…
– Et trouver une solution, qu’il y ait moins de tournois obligatoires.
– Mais vous dites des choses sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle. Nous ne décidons pas, nous ne voulons pas des tournois obligatoires. L’ATP se fiche de notre opinion, tout ce qui compte, c’est l’argent et le business. Vous posez toujours ce genre de question, mais vous n’avez pas de solution non plus.
– Croyez-moi, si les meilleurs joueurs choisissent le boycott et que le circuit est à l’arrêt, ils vous écouteront. Et les journalistes demanderont (aux instances) pourquoi les joueurs ne jouent plus.
– Mais si on veut devenir numéro 1 mondial, gagner des titres du Grand Chelem, on a besoin de jouer. (…) Et il y a de l’argent en jeu pour les tournois obligatoires, ils ont acheté des licences pour avoir ce statut, on ne les retire pas comme ça.”

Bien que légitimes, les plaintes en contradiction avec les actes perdent tout leur poids

Deux points de vu dont les arguments sont tout à fait recevables, et défendables. En revanche, ce qu’Alexander Zverev pourrait faire pour alléger son calendrier, ce serait, par exemple, de ne plus jouer la Laver Cup. Mais “l’argent et le business” n’est pas “tout ce qui compte” uniquement aux yeux de l’ATP, visiblement.

Aucun mal là-dedans, celui qui a participé à une tournée-exhbition avec Federe en Amérique du Sud fin 2019 a tout fait raison d’aller prendre un gros chèque, qui plus est pour s’amuser avec des camarades du circuit. Sans doute l’auteur de ces lignes en aurai-il fait autant s’il en avait eu la chance (malheureusement pour lui, son niveau tragi-comique est bien plus proche de Charlot Alcata ou Alexandre Zéroperf, 30/4 vedettes d’un club perdu au fin fond du Poitou, que de Carlos Alcaraz ou Alexander Zverev).

Mais ses plaintes contre le calendrier auraient toutefois plus d’impact en ne participant pas à ce type d’évènement. Et elles perdent même encore plus de poids en étant faites depuis la salle de presse d’une exhibition.

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