Djokovic et Musetti ont créé un monument, le Serbe est reparti avec
Opposé à Lorenzo Musetti au troisième tour de Roland-Garros, Novak Djokovic a remporté un duel monumental. Le plus tardif de l’histoire du tournoi, pour égaler au passage le record de matchs gagnés en Grand Chelem.
Par son heure de fin – 3h06 – ce match est entré dans l’histoire. Comme le plus tardif de Roland-Garros, devant le Nadal – Sinner de 2020 terminé à 1h38 du matin. Par son scénario, sa dramaturgie et sa myriade de points mirifiques qui ont fait exploser le public à en craindre de voir le toit du court Philippe-Chatrier sauter, il a sans doute marqué les mémoires pour très longtemps. Encore plus pour ceux qui ont vécu ce moment – cette expérience de vie – depuis les tribunes jusqu’au dernier coup de raquette.
Au troisième tour de Roland-Garros, Novak Djokovic, numéro 1 mondial en quête d’un 25e titre du Grand Chelem, s’est imposé face à un Lorenzo Musetti au sommet de son art. Victoire 7-5, 6-7⁶, 2-6, 6-3, 6-0 en 4h29. Sa 369e victoire en Grand Chelem, de quoi égaler le record établi par Roger Federer. Surtout, il a peut-être obtenu le succès référence qu’il cherchait pour de nouveau se sentir solide comme un roc sur terre battue, et croire dur comme fer en ses chance de remporter le tournoi. Lui qui avait confié ne pas se voir “comme un favori”, et avoir “de faibles attentes mais de grands espoirs.”
Bien que paraissant fatigué, Djokovic a pris les devants
Le Belgradois, 37 balais, revenant presque d’outre-tombe, a dû puiser en lui pour trouver des ressources dont on se demandait s’il était encore capable d’aller les chercher. Parce qu’il nous avait mis un léger doute. Tant sur le plan physique avec ses dernières sorties à Genève et Monte-Carlo – défaites contre Tomáš Macháč et Alejandro Tabilo –, que sur le plan mental en confiant avoir “plus de mal à se motiver”. En précisant toutefois que cela était valable en dehors des tournois du Grand Chelem. Il n’avait pas menti. Quand il est question de transformer sa raquette en plume pour tenter d’écrire un nouveau chapitre d’histoire en lettres d’or, il est toujours d’une autre planète.
Malgré un visage rougi et déjà marqué par l’effort en milieu de premier set, le surnommé “Nole” est parvenu à prendre l’avantage – en remportant notamment la bataille des amorties, et en pilonnant le revers de l’Italien – pour mener 7-5, 4-2. Puis le vent a tourné. Face à un adversaire montant encore en régime et poussé par les tribunes, Djokovic a perdu son break d’avance. Et il s’est mis à se ruer inlassablement vers le filet. Comme si, à bout de souffle dans les rallyes, il cherchait à raccourcir les points.
Jusqu’au début du quatrième set, il était meilleur joueur, je n’avais plus de solutions.
Novak Djokovic
ll est monté 22 fois dans le deuxième set – son plus grand total dans une manche, et sur 71 venues au filet dans le match –, la grande majorité après avoir été débreaké. Malgré son faible pourcentage de réussite – 55 %, 12 points gagnés – , il est passé tout proche de mener deux rounds à zéro. À 6-5 dans le tie-break, il a eu une balle de set sur son service, écartée d’une attaque de coup droit suivie d’un smash de son opposant. Deux points plus tard, le Serbe a perdu le deuxième acte.
Dès lors, il a semblé être en souffrance. Face à un Musetti peignant le court avec toutes les couleurs de sa large palette, le tenant du titre a été globalement dominé à l’échange. À deux sets à un contre lui, s’il ne s’était pas appelé Novak Djokovic, aucune âme sur terre n’aurait pu imaginer un retournement de situation. Ce dernier, lui-même, commençait peut-être à craindre fortement une issue douloureuse. Mais voilà, un évènement inattendu s’est produit : il a été porté par le stade, qui l’avait sifflé lors de sa pause vestiaire en fin de premier set.
“Avant tout, grand respect et félicitations à Musetti”, a-t-il commencé, en français, lors de l’interview sur le court. “Il était très proche de la victoire. Il était le meilleur jusqu’au début du quatrième set. Je ne voyais plus de solutions contre son jeu, vraiment. Il réalisait tous ses coups avec une très haute qualité. Moi, je faisais plus d’erreurs. J’étais donc vraiment en grande difficulté. Mais vous (le public) méritez un grand merci, parce qu’à 2-2 dans le quatrième (lors de sa balle de break à 30-40 sur le service de Musetti), j’ai eu le bonheur que vous m’encouragiez.”
À partir du moment où vous (le public) m’avez soutenu, je suis devenu un joueur différent.
Novak Djokovic
“À partir de ce moment, je suis devenu un joueur différent”, a-t-il continué. “Merci pour le soutien. Vraiment ! Merci beaucoup. C’est incroyable que vous soyez restés, il est plus de 3h du matin. Je vois des enfants. Que faites-vous ici ? Vous devriez dormir (sourire). Merci encore du fond du cœur. C’était peut-être le plus beau match que j’ai joué ici.”
Emmené par la foule, et ce jusqu’à la fin de l’empoignade, le triple vainqueur du tournoi a haussé l’intensité d’un cran. En frappant beaucoup plus fort, en coup droit comme en revers. Et en ne cherchant plus à enfermer Musetti sur son revers à une main, mais en le déplaçant des deux côtés afin que ce ne soit plus à lui de cavaler comme un dératé. Comme revigoré par les encouragements du Chatrier, il a trouvé son second souffle. Et a soufflé son rival du jour.
Soutenu par les fans, Djokovic en a mis plus et a fait cavalier seul
À partir 7-5, 6-7⁶, 2-6, 2-2, Djokovic a fait cavalier seul. Un double break pour se détacher – 5-2 – avant d’en perdre un pour finalement conclure sur le service du Transalpin, puis un 6-0 dans l’ultime acte. En faisant pétarader des coups gagnants dans tous les coins, pour remporter 26 des 36 points disputés – soit 72 % – dans le cinquième set. Avec une fatigue physique toutefois lisible. Notamment après le rallye lui permettant de breaker à 7-5, 6-7⁶, 2-6, 6-3, 1-0, sur lequel les deux hommes ont fini exténués, pliés en deux, mains sur les genoux.
En huitièmes de finale, Novak Djokovic a rendez-vous, lundi, avec Francisco Cerúndolo, tête de série numéro 23. En axant désormais son travail sur la récupération. Et le sommeil. Mais pas immédiat. “Maintenant, avec l’adrénaline, ça va être impossible de dormir”, a-t-il plaisanté pour conclure au micro d’Alex Corretja. “Si vous avez des fêtes prévues, je viens ! Allez ! On le fait !”. Mais, dans la nuit de samedi à dimanche, pour les amoureux de tennis et de sport en général, la vraie fête était pendant le match.