Les surprises en Australie, une spécialité française ?
Titulaire d’une wild card, Arthur Cazaux, qui jouera cette nuit les huitièmes de finale de l’Open d’Australie contre Hubert Hurkacz, entretient une certaine tradition française (mais pas que…) de surprises à Melbourne.
Avant le début du tournoi, Mats Wilander expliquait en substance, dans les colonnes de l’Equipe, que l’Open d’Australie était sans doute le Grand Chelem où il y avait le plus de coups à jouer étant donné son positionnement très précoce dans le calendrier, responsable d’un état de forme encore assez incertain des top joueurs.
Même si elle tend à s’atténuer avec les années par rapport où une époque où le Grand Chelem australien était de loin le parent pauvre des quatre tournois majeurs, on se rend compte que cette tendance reste vraie. A Melbourne, il n’est décidément pas rare d’assister à des surprises en tout genre, des éclosions soudaines ou des percées sur le tard. Et les joueurs français n’ont jamais été les derniers à laisser leur part au chien.
Cette année, la surprise tricolore – et même la surprise du tournoi – est donc venue d’Arthur Cazaux, devenue à 21 ans la huitième wild card à rallier la deuxième semaine en Australie après Pat du Pre (1981), Tomas Smid (1983), Jason Stoltenberg (1988), Simon Youl (1990), Mats Wilander (1994), Lleyton Hewitt (2012) et Denis Istomin (2017).
au bon souvenr de Tsonga, clement, Pouille, escude…
Dans cette liste, seul Smid avait poussé le bouchon pour atteindre les quarts de finale, à une époque où le tournoi se jouait encore sur gazon, à Kooyong. Cette nuit, face à Hubert Hurkacz, le Montpelliérain tâchera donc de faire aussi bien.
Si les raisons de croire à l’exploit existent, elles ne trouvent pas seulement leur source dans la qualité invraisemblable du tennis proposé par Cazaux depuis le début de la quinzaine. Elles se situent aussi dans le souvenir de ces épopées fantastiques que les joueurs français ont souvent été capables de signer en Australie.
La plus fameuse reste celle de Jo-Wilfried Tsonga, finaliste en 2008 contre Novak Djokovic alors qu’il n’était encore “que” 38ème mondial, et âgé de 22 ans. Mais il y en a eu d’autres, évidemment. Plus récemment, en 2019, personne n’a oublié la demi-finale de Lucas Pouille, lui aussi battu par Novak Djokovic.
Et faut-il vous rappeler la formidable saga des “passing-potes” Arnaud Clément et Sébastien Grosjean, qui avaient joué l’un contre l’autre une demi-finale aussi fratricide que dramatique en 2001, remportée par le premier nommé ? Ou encore la chevauchée victorieuse de Nicolas Escudé en 1998, demi-finaliste en sortant vainqueur de trois marathons en cinq sets avant de s’écrouler face à Marcelo Rios ?
Dans un autre registre, il y a eu par ailleurs le coup fin, en 2006, de Fabrice Santoro, qui avait atteint à 33 ans son premier quart de finale en Grand Chelem, au crépuscule d’une carrière déjà longue comme un jour sans pain.
Bref, il y a en effet des coups à jouer à Melbourne et il n’est pas interdit de penser, sans évidemment diminuer ses mérites, que Cazaux bénéficie aussi de cet effet. Un effet qu’Escudé ressentait bel et bien quand il jouait. “L’approche de l’Open d’Australie était particulière, encore plus pour nous Français parce que c’était très agréable d’aller là-bas, en plein cœur de l’hiver parisien. C’était l’un des premiers tournois de l’année, à un moment où tout le monde n’avait donc pas suffisamment de tennis derrière soi pour être prêt, alors on se disait : ‘Il y a peut-être quelque chose à faire’, témoignait “Scud’ il y a quelques années sur Eurosport.
S’il existe un potentiel de surprises à créer à Melbourne, alors les Français ne sont pas les seuls à les exploiter, du reste. N’oublions pas les vainqueurs inattendus à Melbourne, comme Petr Korda en 1998 ou Thomas Johansson en 2002. Ou les finalistes surprises comme Clément et Tsonga, donc, mais aussi Rainer Schuettler en 2003 ou Marcos Baghdatis en 2006.
Par ailleurs, ce n’est pas parce que l’on dispute son premier Open d’Australie (comme Arthur Cazaux) qu’on ne peut pas atteindre les quarts de finale ou mieux : Ben Shelton l’a fait l’an dernier, tout comme le qualifié Aslan Karatsev (demi-finaliste) en 2021 et Tennys Sandgren en 2018, une année où deux joueurs non tête de série avaient rallié le dernier carré : le Britannique Kyle Edmund et le Sud-Coréen Hyeon Chung (c’était aussi le cas de Tommy Paul l’an dernier).
Paradoxalement, depuis son établissement à Flinders Park en 1998, et contrairement aux autres tournois du Grand Chelem, aucun joueur non tête de série ne s’est imposé à Melbourne, et aucune wild card n’y a jamais atteint le dernier carré. Dans son élan de folie, on se dit qu’après tout, il n’y a pas de raison qu’Arthur Cazaux ne fasse pas aussi tomber cette statistique…