Chardy après le titre d’Humbert à Metz : “J’adore ce boulot”
Jérémy Chardy, coach d’Ugo Humbert depuis juillet 2022, est très fier de la saison de son poulain après son titre à Metz. Tous les objectifs ont été remplis. Il s’est entretenu avec Tennis Majors.
Après le titre d’Ugo Humbert à Metz, Jérémy Chardy, son entraîneur depuis juillet 2022, s’est entretenu avec Tennis Majors pour mettre en perspective la saison 2023 de son protégé, qu’il va terminer à la 20e place mondiale, le meilleur classement de sa carrière.
Tennis Majors : Revenons sur cette finale face à Alexander Shevchenko, un joueur qu’Ugo Humbert n’avait jamais affronté et qui jouait sa première finale sur le circuit. Qu’as-tu ressorti de cette victoire ?
Jérémy Chardy : Je trouve qu’il a fait un super match (une victoire en deux manches 6-3, 6-3), il a été solide du début à la fin. Je suis encore plus fier de lui : une finale c’est jamais simple mais une finale chez toi, c’est encore plus dur. C’est un tournoi qui lui tenait vraiment à cœur, c’était son rêve de le gagner depuis tout petit. Il y avait pas mal de pression sur lui. Je trouve qu’il a vraiment fait un match très propre. Il a sauvé une seule balle de break. Du début à la fin, il a dominé le match et a gagné assez facilement.
Qu’as-tu pensé de sa semaine à Metz ? Beaucoup de matchs difficiles dans la tête (premier match contre Dominic Thiem, affrontement “messin” face à Harold Mayot) ? Comment tu l’as senti mentalement ?
Jérémy Chardy : Quand on est arrivés, il était très tendu. C’est le dernier tournoi de l’année. Beaucoup de joueurs sont fatigués mais lui c’était vraiment un tournoi qu’il avait envie de jouer. Il était très tendu aux échauffements et lors de ses deux premiers tours (NDLR : contre Dominic Thiem puis Harold Mayot). Mais après ces deux matchs, il s’est complètement libéré. Après ça n’avait plus rien à voir dans sa façon de jouer, tout était plutôt bien relâché.
Comment tu avais préparé ce tournoi avec lui après le Rolex Paris Masters et son gros combat perdu face à Alexander Zverev en 16es de finale ?
Jérémy Chardy : On a été directement là-bas. La seule chose différente, c’est qu’on avait l’objectif, au début de l’année, de finir dans le top 20. Il savait que pour y arriver, il fallait gagner le tournoi. C’était la cerise sur le gâteau, c’était aussi l’objectif de gagner un tournoi cette année. Il y avait plein de choses qui se jouaient au dernier tournoi, il y avait aussi la place de numéro un français.
Toutes les objectifs ont été remplis, si on t’écoute bien ?
Jérémy Chardy : Oui, il a vraiment fait une très belle saison : il a gagné trois titres (dont deux Challenger, à Cagliari puis Bordeaux). Là où je suis aussi content, c’est qu’il a bien joué tout au long de l’année, il a été régulier, il a marqué des points sur toutes les surfaces. Je pense que c’est sa première année vraiment complète, où il joue bien du début à la fin. Il s’est retrouvé à jouer les meilleurs joueurs au monde semaine après semaine, c’est pourquoi il a atteint son meilleur niveau. Il en a battu et il a aussi perdu mais ça a fait monter son niveau de jeu et de confiance.
Comment expliques-tu cette fin de saison en boulet de canon ?
Jérémy Chardy : Ça faisait un moment déjà qu’il jouait bien, depuis Wimbledon. C’est beaucoup lié à la confiance. Quand tu commences à gagner un match contre un top 10 et enchaîner les bons résultats, tu prends de plus en plus confiance, tu lâches plus tes coups. Ça fait une énorme différence. Il a enchaîné beaucoup de quarts de finale et demi-finales jusqu’à la fin de l’année. À part Toronto, Cincinnati et l’US Open (NDLR : des éliminations au second et premier tour), il a très bien joué tout le reste du temps.
Ugo Humbert était 108e mondial en janvier dernier, il sera top 20 lundi. Où est-ce qu’il a le plus progressé ?
Jérémy Chardy : Il a progressé sur toute la base de son jeu. Il est plus solide, il choisit mieux ses coups, ses zones. Il devient donc beaucoup plus régulier et plus dur à battre. On le sait déjà mais quand il est bien, il est capable, de n’importe quelle position, en coup droit et en revers, de mettre des coups gagnants. Il s’est aussi beaucoup amélioré physiquement et dans la tête.
Après sa défaite à Bercy face à Alexander Zverev, l’Allemand avait déclaré qu’il n’y avait pas de raison qu’Ugo Humbert ne puisse pas être top 10. Tu confirmes ?
Jérémy Chardy : Qu’il soit capable d’avoir le niveau top 10 sur un match, j’en ai aucun doute. Pour l’être plus durablement, il faut être capable d’avoir ce niveau moyen sur toute une saison et c’est beaucoup plus dur. Là, il est 20e et entre les vingt meilleurs et les dix meilleurs, il n’y a pas une énorme différence de niveau de jeu, et c’est le niveau moyen qui prime. Pour être top 10 il faut aussi avoir l’habitude d’enchaîner les saisons complètes, de battre les meilleurs. Si tu veux y être, la compétition est plus dure. Mais en terme de niveau de jeu, oui, il a tout ce qu’il faut.
Cette finale était le dernier match d’Ugo en 2023 ? Quel est son programme dans les semaines à venir ?
Là c’est repos. Dans dix jours, on reprend l’entraînement petit à petit avant d’aller en Australie.
La terre battue? Il était parti du principe que c’était impossible de jouer sur cette surface
Jérémy Chardy
Les objectifs sont déjà fixés pour 2024 ?
Pas encore. Là déjà, on a atteint les objectifs cette saison. Le plus important, c’est qu’il pense à autre chose que du tennis pendant ses dix jours de repos. Mais je ne suis pas la personne qui parle le plus d’objectifs de résultats. Je suis beaucoup plus concentré sur le processus et les choses à travailler. Quand tu fais bien les choses, les résultats arrivent automatiquement. Lui aime bien se fixer des objectifs et des challenges parce que c’est important pour se stimuler.
Si tu devais citer des matchs, moments, réactions références en 2023 qui ont fait basculer la saison d’Ugo, tu penserais auxquels ?
Sur terre battue, il était parti du principe que c’était impossible de jouer sur cette surface. Il n’avait jamais gagné de match à Roland-Garros. Au final, il a remporté deux challengers 175 (Cagliari, Bordeaux) en battant des très bons joueurs et gagné son premier match à Roland-Garros (face à Adrian Mannarino). D’avoir pu bien jouer sur terre battue et de comprendre la façon dont il voulait jouer sur cette surface, c’était un premier palier. Aussi, et c’est assez bizarre, mais la période sur gazon où il a très mal joué, alors que c’est une des surfaces qu’il préfère, ça a été aussi un déclic et une remise en question au niveau mental qui a fait une grosse différence pour lui dans la deuxième partie de saison.
De ton côté, tu as arrêté ta carrière de joueur à Wimbledon pour te consacrer exclusivement au coaching. Comment tu te sens dans ce nouvel habit de coach ?
J’avais déjà commencé en tant que joueur, c’était juste une continuité. Je prends beaucoup de plaisir, je m’entends très bien avec lui. J’adore le boulot que je fais, c’est vraiment une passion de partager tout ça avec lui et de lui amener mon expérience.