Entretien exclusif avec Juan Carlos Ferrero : “Carlos (Alcaraz) et moi, c’est presque la même personne maintenant”
L’entraîneur de Carlos Alcaraz, Juan Carlos Ferrero, confie à Tennis Majors des éléments-clefs de son travail et de sa trajectoire commune avec le numéro un mondial. Cet entretien est un privilège, très éclairant sur la réussite de l’Espagnol, qui “voit super grand” pour sa carrière, prévient Ferrero.
Quand Carlos Alcaraz est devenu numéro un mondial pour la première fois après l’US Open 2022, Tennis Majors avait entrepris une série de six longs formats pour raconter en détail la spécificité du parcours de l’Espagnol. Dans chaque épisode ou presque, la même pensée nous a traversé : l’œil de son coach Juan Carlos Ferrero serait si intéressant… Un trimestre plus tard, l’entraîneur de Ferrero n’a pas réfléchi longtemps avant d’accepter le principe de ce grand entretien, mené au Hard Rock Stadium de Miami en marge du Masters 1000. Ferrero a dépassé le temps imparti, qu’il en soit encore remercié ici, mais pas au point de se mettre en retard pour la séance d’échauffement qui attendait Alcaraz sous le cagnard floridien. Une rigueur qui, au même titre que le talent fou du champion de Murcie, explique sa fulgurante réussite.
On vous connaissait surtout comme un grand joueur, vainqueur de Roland-Garros 2003, ancien numéro un mondial. Vous êtes désormais un coach de tout premier plan, qui a mené Carlos Alcaraz à la première place mondiale. Comme décrivez-vous cette expérience ?
Juan Carlos Ferrero : Quand on est joueur on ne pense pas trop à une éventuelle carrière de coach pour son propre avenir. A la base, il faut savoir que j’ai monté une académie en Espagne (à Alicante, ndlr). C’était sûrement une façon pour moi de poser les bases d’une future carrière de coach. Vous observez les joueurs, vous les conseillez, vous pilotez la structure… Je suis devenu coach à haut niveau avec Alexander Zverev (dix mois entre 2017 et 2018, ndlr). Une belle expérience, qui m’a permis de retrouver mes repères sur le Tour. Mais pendant cette période je me suis dit que coacher et préparer un très jeune joueur prometteur pour le haut niveau, ce serait une belle expérience. C’est devenu plus ou moins un objectif et cette période m’y a préparé.
Après votre carrière de joueur, comment avez-vous nourri votre réflexion sur l’évolution du tennis ?
Juan Carlos Ferrero : Ça se fait au quotidien vous savez. Vous regardez du tennis, vous sentez des choses, tout est à portée de main si c’est votre quotidien. On a pu constater qu’on voyait de plus en plus de joueurs qui se placent en situation de « détruire » le jeu adverse, en frappant fort pour finir le point le plus vite possible. Je voulais construire autre chose avec Carlos, et on travaille dur pour y parvenir.
Quand on regarde Carlos Alcaraz jouer, on a l’impression que vous avez construit le joueur « du futur » : un joueur qui aurait un temps d’avance sur la concurrence en terme de profil technique.
Juan Carlos Ferrero : Je ne sais pas si on peut dire ça. Ce que je peux dire, c’est que dès que j’ai vu Carlos jouer, j’ai compris sur quel aspect il méritait d’être modelé mais aussi que cela allait être manifestement possible. Il est très difficile de trouver un joueur capable d’avoir plusieurs options tactiques et de les appliquer sans difficulté. Par exemple, pour battre Daniil Medvedev en finale à Indian Wells, on avait mis en place un plan de jeu qui n’est pas celui de Carlos habituellement. Pas trop éloigné non plus mais pas le même. Exécuter ce plan ne lui a pas posé de problème et il a gagné. Je me souviens d’un jour, quand il avait 15 ans, où on s’entraînait avec Dominic Thiem à Rio. Avec Thiem, le jeu allait beaucoup plus vite que d’habitude. Eh bien Carlos s’est adapté sans délais et s’est hissé à ce rythme-là. Je sentais qu’il avait ce genre de chose en lui, mais c’était spectaculaire à voir. Très peu de joueurs sont capables de ça.
La seule chose que je peux vous dire, c’est qu’il voit très grand. Il voit super grand.
Juan Carlos Ferrero
Ce qui est impressionnant avec le jeu de Carlos, c’est qu’il crée énormément d’incertitude chez l’adversaire. On connaît le plan de jeu préférentiel de Federer. Celui de Nadal. Celui de Djokovic. Je ne suis pas certain qu’on puisse dire la même chose de Carlos Alcaraz.
Juan Carlos Ferrero : Je suis d’accord avec ce constat. Il a beaucoup d’options et il peut énormément varier. C’est un gros atout mais c’est aussi un piège. Quand il était plus jeune, il variait tout autant mais ça allait dans tous les sens. Ce n’était pas structuré. Il mélangeait les choses, juste comme ça. Au début, je pouvais lui donner des recommandations très précises pendant la préparation du match, mais franchement je pouvais m’attendre à tout sur le terrain. Quand on a tant de coups forts, c’est difficile de jouer de façon structurée. Il a plus d’expérience maintenant, et il a réussi à mettre de l’ordre dans sa façon de jouer.
Ce travail consistant à clarifier son jeu et ses options tactiques est-il achevé ou est-il toujours en cours ?
Juan Carlos Ferrero : On est encore dessus. Il joue à très haut niveau, c’est évident, mais il a seulement 19 ans et encore beaucoup de progrès à faire. Un joueur de tennis ne peut plus ne pas essayer de progresser chaque jour de sa vie. C’est nécessaire pour sa carrière.
Son identité de jeu, comme l’avez-vous modelée. Ensemble ? Ou avez-vous pris les rênes ?
Juan Carlos Ferrero : Ce que je peux dire c’est qu’un coach n’a pas d’autre choix que d’adapter ses convictions au jeu naturel de son joueur. J’ai procédé dans cet ordre, et pour tout dire ça a été facile. Dès son plus jeune âge, on pouvait constater son agressivité, sa qualité de main, son attirance pour le filet – il faisait même du chip and charge sur les retours à l’époque.
Il n’est plus rare d’entendre des consultants, et même d’autres acteurs du tennis, dire que Carlos Alcaraz pratique un jeu qui est le mélange des trois identités des membres du Big Three. Comment réagissez-vous ?
Juan Carlos Ferrero : Je n’aime pas les comparaisons avec les autres et…
(Interruption) Pardon, ce n’est pas l’esprit de la question. La question serait : dire qu’il a pris le meilleur de Federer, Nadal et Djokovic n’est-ce pas tout simplement un fait, dû à la réalité suivante : en grandissant, il a vu ces joueurs-là, il a vu que ce qu’ils réalisaient d’incroyable était possible à réaliser sur un court de tennis. Et donc vous vous en êtes inspirés.
Juan Carlos Ferrero : S’il s’agit de dire qu’on peut prendre en exemple ce qu’il y a de mieux chez tous les joueurs qu’on trouve hyper bons pour s’en inspirer, ça oui. Le déplacement de Federer, la combativité de Nadal, etc. Tout ça est inspirant. On traque les petits détails qui font la différence chez tel ou tel joueur et on va l’implanter dans notre jeu, oui. Mais vous savez, pendant longtemps Carlos a dû composer avec l’idée qu’il était le nouveau Nadal tout ça. C’état lourd à porter. Ça rend fier bien évidemment de justifier de telles analogies, mais ça a été dur à gérer aussi bien pour lui que pour moi. La seule chose que je peux vous dire, c’est qu’il voit très grand. Il voit super grand. Les journalistes me demandent souvent s’il a la capacité de gagner de 22 tournois du Grand Chelem lui aussi. Je n’en sais rien du tout. Ce que je sais c’est qu’il est capable de faire de grandes choses pour le tennis. Laissons le jouer, laissons le essayer d’aller le plus loin possible. S’il en gagne un deuxième, on lui demandera déjà s’il peut gagner le troisième. A chaque fois ce sera un degré de pression supplémentaire. Donc vous dire s’il sera capable de faire ce qu’ont fait les trois autres, honnêtement je n’en sais rien.
S’il vous plaît prenons la machine à remonter le temps : racontez-nous la première fois que vous l’avez vu jouer.
Juan Carlos Ferrero : Carlos avait 12 ou 13 ans, il était tout simplement venu jouer un tournoi de sa catégorie qu’on organise à l’académie. On parlait déjà beaucoup de lui à l’époque en Espagne. « Il y a un jeune qui pratique un jeu différent, etc… » Je suis donc allé le voir en match. Il était vraiment tout maigrichon à l’époque. Il n’avait aucune puissance mais tout le reste était déjà là : les montées, les amorties, l’agressivité dès le retour. Il détonnait chez les moins de 12.
Avez-vous aussi constaté qu’il était un compétiteur-né ?
Juan Carlos Ferrero : A 12, 13 ans, ce n’est pas encore facile à détecter. A cet âge on peut voir si quelqu’un a quelque chose dans son jeu, mais pas s’il sera capable de gagner des matches au plus haut niveau. Vous trouverez toujours des gens capables de vous dire : « Quand il ou elle avait 10 ans, j’ai repéré qu’il ou elle serait au top », pour ma part je considère que c’est trop difficile.
Comment êtes-vous devenu son coach ?
Juan Carlos Ferrero : Ça n’a pas été une décision si facile à prendre. Ça n’avait rien à voir avec la vie sur le circuit telle que je l’avais connue avec Sascha Zverev. Les jets privés et les grands hôtels. J’en ai parlé à ma femme, à ma famille. La famille de Carlos est, disons, une famille de tennis puisque son père a touché au professionnalisme, ça m’a aidé à me projeter. Il habitait à une heure de chez moi et ça aussi, ça a facilité les choses. Enfin, son agent, Albert Molina, est quelqu’un que je connais depuis très longtemps et avec qui j’ai d’excellents rapports. Vu que c’était dans mes plans de prendre un joueur très tôt dans son évolution, et vu tout ce que je viens de citer, ma famille m’a encouragé et j’ai dit OK.
Si c’était « une décision à prendre », comme vous venez de le dire, c’est donc qu’une offre vous a été faite. Ce n’est pas vous qui avez levé la main pour dire : ça m’intéresse ?
Juan Carlos Ferrero : Non non, j’ai eu une offre directe de son agent. Il est tout simplement venu me voir en me demandant si ce projet pouvait me convenir. Il avait conscience que ça n’avait rien à avoir avec le fait de suivre un Top comme Zverev. Évidemment ça n’échappait à personne que Carlos jouait très bien mais il n’en fallait pas moins tout construire : une équipe, préparer la famille, etc. Un travail énorme. Je pense d’ailleurs que c’est la chose la plus importante qu’on a faite : entourer Carlos d’une équipe exceptionnelle.
En dehors du travail acharné, je ne connais aucune autre recette pour réussir. Il pensait que Carlos avait besoin de quelqu’un comme ça
Juan Carlos Ferrero
Pourquoi Albert Molina vous a-t-il choisi ?
Juan Carlos Ferrero : Ah ça, moi je ne peux pas savoir, demandez-lui ! (Rires) Albert sait que je suis quelqu’un d’hyper rigoureux. Il sait qu’en dehors du travail acharné, je ne connais aucune autre recette pour réussir. Il pensait que Carlos avait besoin de quelqu’un comme ça, capable de tracer une voie claire, de mettre de l’ordre dans son projet. Il savait que Carlos avait un talent fou mais qu’il fallait construire quelque chose de très solide pour le faire grandir comme personne et évidemment comme joueur.
Entre ce tournois des moins de 13 ans et ses 15 ans, gravitiez-vous un peu autour du projet ou pas du tout ?
Juan Carlos Ferrero : Vraiment pas du tout. Je dirigeais mon académie. Lui était sur les circuits de sa catégorie d’âge. Il suscitait toujours autant de commentaires et de curiosité mais j’étais en dehors. La deuxième fois que je l’ai vu jouer, il avait 14 ans et j’avais déjà lâché Sasha. Il n’y avait rien de calé encore mais Albert m’avait déjà glissé : « Jette quand même un œil au projet autour de ce joueur ». Albert sait y faire quand il a quelque chose en tête (Rires).
Quelle est l’équipe qui est au service de Carlos aujourd’hui ?
Juan Carlos Ferrero : Le préparateur physique et le physio de mon académie ont été mis à son service : Juanjo Moreno and Albert Lledo. Alejandro Garcia prend sa part quand Carlos est à Murcie. Albert Molina est l’agent. Isabel Balaguer est sa préparatrice à la performance. Juanjo Martinez est son médecin. J’ai mis à ma disposition les personnes de mon académie mais les autres étaient déjà là.
Quand vous avez commencé, quel était l’objectif. Plutôt de type « devenir pro » ou plutôt « aller au sommet » ?
Juan Carlos Ferrero : Il n’y avait pas d’objectif précis, de type « à tel moment, il doit avoir atteint ce niveau ». On savait tous qu’il avait un talent fou mais le plan c’était simplement de se mettre au boulot pour devenir le meilleur joueur possible. Mon but à moi, à terme, c’était de l’emmener à la place de numéro un, mais à aucun moment personne n’a envisagé que ça pouvait arriver aussi vite. C’est arrivé beaucoup plus vite que je pouvais le concevoir. En réalité quand vous le côtoyez tous les jours, que vous constatez à quel niveau il évolue au quotidien, ce n’est pas si surprenant que ça. Mais la vitesse à laquelle il a franchi chaque étape reste épatante : les Futures, les Challengers, les 250 etc… Ce n’est pas à la portée de tout le monde.
Comment expliquez-vous qu’il digère si vite et si bien chaque des étapes-clefs qui mènent à la suivante ?
Juan Carlos Ferrero : C’est très difficile de vous fournir une explication. Il y a des gens « spéciaux » dans leur nature et il faut en prendre acte. Roger, Rafa, Novak… Comment expliquez-vous qu’ils aient gagné 22 Grands Chelems ? Je n’ai pas de réponse en dehors de : ces personnes ne sont pas comme les autres.
Mais c’est une partie de la question : Federer a eu besoin de quatre ans pour franchir ces étapes entre ses premiers coups d’éclat chez les pros et son premier Wimbledon. Pas Carlos.
Juan Carlos Ferrero : C’est vrai mais Rafa s’est hissé au niveau tout de suite, et à l’arrivée ils ont la même carrière. Je ne sais pas quel mot employer pour traduire l’idée mais c’est un peu comme s’ils étaient nés avec ça en eux et qu’ils avaient eu la capacité de le rendre possible.
Quel type d’entraîneur êtes-vous ?
Juan Carlos Ferrero : J’aime échanger avec mon joueur sur tout ce qu’il y à faire, sur le court et en dehors du court. Je questionne le joueur. Je ne suis pas du genre à dire : « Fais ça, applique et ferme là ». On débat de tout, même si ça ne m’empêche pas de savoir ce que je veux et ce en quoi je crois. Mais j’ai un tempérament assez ouvert, j’aime plutôt discuter avec les gens, je cherche à retirer quelque chose de toutes mes discussions avec mes confrères. Je n’ai pas à me forcer pour avoir la même ouverture avec les joueurs.
Certains entraîneurs affirment que la capacité du coach à se connecter à son joueur est de loin la qualité principale d’un entraîneur. Patrick Mouratoglou dit qu’un coach doit être capable d’anticiper les pensées de ses joueurs. Gilles Crevara dit que les séances tennistiques sont "la partie facile du travail."
Juan Carlos Ferrero : Je ne peux qu’être d’accord. Je considère que le coaching est beaucoup plus large que faire du panier, des exercices et encourager en donnant la serviette. Il faut échanger autant que possible avec son joueur. Sur tout. Si on ne parlait que de tennis, on deviendrait cinglé non ? Notre relation, Carlos et moi, est tout-à-fait comme ça.
Depuis quand sentez-vous avec certitude, que vous avez 100% de la confiance de Carlos ?
Juan Carlos Ferrero :(Il réfléchit) La confiance, elle était là dès le début. On a senti d’emblée une connexion assez incroyable. Mais la réponse est probablement : au bout d’un an de travail. Il fallait que je connaisse ses réactions dans les bons moments, les mauvais moments, il y avait plein de choses à traverser. Mais du jour où on a eu fini ce travail et jusqu’à aujourd’hui, on est devenus quasiment la même personne. On pense de la même façon sur un court de tennis. Il y a des tas de choses que je n’ai plus besoin de dire, on se regarde et ça suffit. La même chose dans l’autre sens. C’est vraiment fort.
Et quand vous n’êtes pas d’accord, comment ça se passe ?
Juan Carlos Ferrero : On peut dire qu’il a son caractère. Sans ça, de toute façon, il n’y a pas de grand joueur possible. Il a de grandes chose en lui, il voit les choses en grand sans se forcer. « J’en suis capable », c’est la façon dont il voit les choses. Il m’a toujours dit très spontanément quand il se sentait capable de réaliser quelque chose de nouveau. A chaque étape. « Maintenant je pense que je suis prêt ». Il m’a dit à l’âge de 15 ans qu’il se sentait capable de gagner un Future. Quand il s’est senti capable de gagner un Grand Chelem, il me l’a dit aussi.
Quand vous l’a-t-il dit ? Nous, il nous l’a dit dans la pièce d’à coté ici à Miami, après avoir gagné le tournoi il y a un an.
Juan Carlos Ferrero : (Sourire) C’est sûr que quand vous gagnez un Masters 1000 c’est l’étape d’après de penser à un Grand Chelem. Mais il me l’avait dit encore avant. Beaucoup de joueurs sont capables de jouer très très bien, mais peu de voir les choses en grand comme lui.
La question initiale était : comment ça se passe si vous n’êtes pas aligné sur une décision.
Juan Carlos Ferrero : Ça peut arriver comme dans toute relation, avec votre femme, avec n’importe qui dans votre famille. On cherche une solution commune, une voie médiane. Parfois deux personnes peuvent avoir besoin de temps pour ajuster leur vision.
Vous cherchez une voie médiane mais vous pourriez tout aussi bien le laisser expérimenter son choix, même si c’est une erreur, pour qu’il ne la commette plus.
Juan Carlos Ferrero : C’est sûr que je peux anticiper des étapes par lesquelles il va passer parce que je les ai connues moi-même. Ça m’est arrivé de le prévenir, de le laisser aller dans sa direction et de finalement lui faire remarquer : « Tu vois, je te l’avais dit ». On ne peut pas changer cette réalité : il est très très jeune et il a encore beaucoup de choses à vivre pour tirer les leçons de toutes ses expériences.
Après l’US Open, vous aviez dit qu’il n’était qu’à 60% de son potentiel et beaucoup ont estimé que vous exagériez, que vu son niveau actuel, sur tous les plans, c’était impossible qu’il soit seulement à 60%.
Juan Carlos Ferrero : C’était pour moi une façon de dire qu’il n’était tout simplement pas encore capable de donner sa pleine mesure. Il suffit de regarder : il doit améliorer son retour, il doit être plus régulier au service, il doit s’améliorer sur des tas de détails pour éviter des choses comme celles qui se sont passée à Miami contre Lajovic. Il mène 6-0, 5-4, il sert, et il commet trois fautes directes et se fait embarquer dans le tie-break. Même sur le plan mental, il a une grosse marge. Les gens le voient solide, et à raison, mais il doit être plus mature sur et en dehors du court, dans plein d’aspects. Il a encore de gros progrès à faire dans des tas de domaines. C’est ça l’idée. Il est peut-être à 65% ou 70% de son potentiel je le concède, mais il a des tas de progrès à faire, c’est certain.
Quels sont les trois matches qui lui ont appris le plus de choses et ont accéléré sa progression vers les sommets ? Des défaites peut-être ?
Juan Carlos Ferrero : La défaite contre Zverev en quart de finale à Roland-Garros 2022. (Silence). La victoire contre Sinner à l’US Open quatre mois après. Et un autre match très important a été la défaite à Indian Wells contre Rafa en demi-finale, l’an dernier. Il est sorti du court et m’a dit : « Je crois que j’ai compris comment battre Rafa ». Première chose qu’il m’a dite juste après sa défaite ! Six semaines plus tard, il battait Rafa, puis Djokovic à Madrid. C’est ce que je disais au début : il sent quand il est prêt.
Vous ne mentionnez pas la défaite contre Hugo Gaston au Rolex Paris Masters en 2021, la seule fois probablement où on l’a vu s’effondrer sous la pression.
Juan Carlos Ferrero : Ç’a été un moment important pour le confronter à la pression du public, c’est certain, mais si on parle de tennis, je crois qu’Hugo n’y était pour rien. Carlos est habitué à jouer devant un public majoritairement favorable. Cette fois, il a vraiment senti toute une foule qui voulait sa défaite. Ça l’a paralysé. Ce match lui a appris quelque chose sur la façon de s’adapter à une circonstance anormale mais sur le plan du tennis, je ne le cite pas parmi les matches qui l’ont fait grandir.
Il a connu, pour résumer, trois blessures différentes en cinq mois. C’est nouveau. Est-ce une ombre qui plane sur la suite de sa carrière ?
Juan Carlos Ferrero : Les blessures font partie du tennis, c’est normal d’en avoir. On a changé quelques détails à la marge ces derniers temps et on en a analysé les conséquences possibles. Il y a des petits réglages en permanence. Et n’oubliez pas que ces blessures sont intervenues après sa victoire à l’US Open. Tout le monde lui est tombé dessus : « Tu es si fort, et machin… » C’est difficile de maintenir la même qualité d’entraînement dans ce contexte, sans compter les sollicitations des sponsors. Les choses se sont stabilisées et sont redevenues normales. Et de fait, ça se voit sur le court.
Sur internet, des rumeurs circulent au sujet d'une blessure à la main que Carlos se serait faite pendant sa demi-finale contre Sinner à Miami.
Je ne peux pas commenter les rumeurs à propos de la forme physique de Carlos. (Alcaraz a déclaré forfait pour le Masters 1000 de Monte-Carlo dans l’intervalle, ndlr) •
Magnifique interview de Juan Carlos Ferreiro au sujet de Carlos Alcaraz. Merci