Federer quitte le tennis sur un double perdu avec Nadal, et des torrents de larmes
Roger Federer a mis un terme à sa carrière à 41 ans, sur une défaite de la paire Federer-Nadal à la Laver Cup contre Tiafoe-Sock (4-6, 7-6, [11-9]). Ses émotions furent incontrôlables à l’issue de la soirée.
Cette fois c’est irréversible : pour revoir Roger Federer jouer au tennis, il vous faudra désormais prier pour qu’il daigne s’aligner lors d’un Trophée des légendes, guetter les exhibitions qu’il affirme vouloir organiser, vous ruer sur d’éventuelles pubs Barilla ou sortir un vieux DVD.
Mais le frisson d’un Federer en train de défendre ses chances dans un environnement de tennis professionnel, cette gâterie merveilleuse dont nous nous sommes gavés un quart de siècle, avec le “larmomètre” au plus haut les grands soirs, c’est fini, c’est de l’histoire ancienne, c’est votre passé et c’est une petite mort pour ceux qui aiment profondément le tennis.
Ce que le Suisse appelle lui-même un « conte de fées » ouvert en 1997 avec ses premiers points ATP s’est achevé vendredi lors du premier double de la Laver Cup 2022 et une cérémonie d’adieux où le Suisse n’a pu réfréner une des plus grandes crises de larmes de sa carrière. Avant sa prise de parole auprès du public. Pendant. Après. “D’une façon ou d’une autre, il va falloir que je m’en sorte” a-t-il souri avant de noyer dans les pleurs la moitié de ses remerciements.
Même si Federer peut théoriquement s’aligner à nouveau ce week-end lors de de ce désormais traditionnel match par équipes entre Europe et Reste du monde, l’homme aux vingt titres du Grand Chelem (2003-2018) a joué ses dernières balles à l’O2 Arena de Londres aux côtés de Rafael Nadal lors d’un double à suspense perdu contre une paire Frances Tiafoe et Jack Sock sans la moindre retenue (4-6, 7-6, [11-9]). Au-delà, il a vécu une journée de “dernières fois” qu’il a décrite comme “merveilleuse”.
Quelques secondes et les larmes de Federer
Ce ne fut – malgré le score – ni tout-à-fait un intense moment de compétition suffocant, même s’il y a un inhabituel 2-2 à l’issue de cette première journée, ni tout-à-fait une exhibition sympathique pour épater la galerie. Juste un vrai match de tennis à la loyale de plus de 2 heures 10, utilisé comme prétexte à une cérémonie d’adieu plutôt courte mais d’un grande intensité pour l’homme qui a changé le tennis au XXIe siècle.
Il n’a fallu que quelques secondes à Roger Federer, après la poignée de mains, pour fondre en larmes dans les bras de ses partenaires puis sous l’ovation du public britannique, en un hommage évidemment difficilement proportionnel à l’œuvre invraisemblable de Roger Federer, qui a aussi mouillé les yeux de quelques stars aux nerfs d’acier, Rafael Nadal et Novak Djokovic en tête, avant que trois générations de Federer réunies se noient à leur tour dans les pleurs de joie au bord du court. “Je ne suis pas triste, je suis heureux OK”, a bredouillé Federer auprès de ses jumeaux et jumelles.
“Il va déjà falloir que je sois capable de parler” avait sangloté Federer quelques secondes plus tôt, quand Jim Courier l’a invité à témoigner sur l’apport de ses proches. Federer a notamment, au sens propre, courbé l’échine sous le poids des mots adressés à son épouse Mirka. “Tu aurais pu me dire tant de fois d’arrêter et tu m’as à chaque fois permis de continuer…”
Les millions de fans du Suisse, au premier rang desquels les deux numéros un mondiaux Carlos Alcaraz et Iga Swiatek, hyperactifs sur Twitter, ont trouvé ce qu’ils étaient venus chercher dans cette soirée achevée au-delà de minuit à cause de la durée de Murray – De Minaur en ouverture de la night session.
Non Federer n’a plus les moyens de défendre ses chances au très haut niveau après trois opérations du genou droit. Oui, il reste un grand joueur admirable à voir malgré ses 41 ans, sur un court foulé ce soir par un double vainqueur en Grand Chelem cette année (Nadal) et un demi-finaliste de l’US Open (Tiafoe).
Une balle de match pour Federer-Nadal
Roger Federer n’a perdu aucun de ses jeux de service au cours du match. Ses volées réflexe tranchantes ont régalé Londres plus d’une fois, notamment à 7-7 au super tie-break. Mais ses démarrages n’ont plus rien à voir avec ce qu’il proposait lors de la décennie précédente. Il s’en est amusé après avoir échoué à ramener une balle en coup droit sur la seule balle de match que son équipe s’est procurée à 9-8. « C’était quoi, c’était un ralenti ? » a-t-il ironisé auprès de son équipe au changement de côté.
En tout début de match, en faisant passer un passing dans un espace minuscule compris entre le poteau et le filet, il a laissé croire que le tennis restait un jeu surnaturel avec lui dans les parages. Le reste du match ne serait pas si foufou, mais cela n’a aucune importance.
Ce qui est surnaturel à cette heure est le volume d’affection et d’admiration que l’un des plus grands sportifs de l’histoire a suscité, jusqu’au bout d’une carrière que le reste de notre vie ne suffira pas à ré-ausculter pour y puiser la grâce et l’excellence qu’elle a semées sur son chemin.