7 janvier 1979 : Le jour où Tracy Austin, 16 ans, a battu la numéro un mondiale Martina Navratilova
Le 7 janvier 1979, Tracy Austin, 16 ans, domine la n°1 mondiale, Martina Navratilova, en finale du tournoi de Washington (6-3, 6-2).
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi c’est historique : l’exploit d’un prodige
Ce jour-là, le 7 janvier 1979, Tracy Austin, 16 ans, domine la n°1 mondiale, Martina Navratilova, en finale du tournoi de Washington (6-3, 6-2). Austin est passé pro en octobre 1978, et depuis, elle est invaincue : il s’agit de son troisième titre professionnel en autant de tournois disputés, après ses succès à Filderstadt et à Tokyo (où elle avait déjà battu Navratilova, 6-1, 6-1). La prodige américaine deviendra quelques mois plus tard la plus jeune gagnante de l’histoire de l’US Open, en battant Chris Evert en finale (6-4, 6-3), mais sa carrière sera abrégée précocement par une série de blessures.
Les acteurs : Tracy Austin et Martina Navratilova
- Tracy Austin, l’ado phénomène
Tracy Austin est, avec Pam Shriver, l’un des prodiges américains de la fin des années 1970. Née en décembre 1962, elle remporte son premier titre en janvier 1977, en battant Stacy Margolin en finale du tournoi de Portland (6-7, 6-3, 4-1, ab.), et en septembre de la même année, elle parvient en quarts de finale de l’US Open (battue par Betty Stove, 6-2, 6-2), quelques mois avant de fêter ses 15 ans. Elle termine l’année à la 12e place mondiale, et en 1978, elle atteint à nouveau les quarts de finale de l’US Open, éliminée cette fois par Chris Evert (7-5, 6-1). Deux mois plus tard, en octobre, elle passe professionnelle, et entame sa nouvelle carrière en s’imposant à Filderstadt (prenant sa revanche contre Betty Stove, 6-3, 6-3) et à Tokyo (où elle bat en finale Martina Navratilova, 6-1, 6-1). Austin pratique un tennis proche de celui d’Evert : elle est extrêmement patiente et précise du fond du court, cherchant à user ses adversaires à la fois physiquement et mentalement.
- Martina Navratilova, la patronne
À l’entame de 1979, Martina Navratilova, née en 1956, est numéro 1 mondiale, échangeant régulièrement cette place avec sa plus grande rivale, Chris Evert. La Tchécoslovaque, passée pro en 1975, atteint cette année-là la finale de l’Open d’Australie (battue par Evonne Goolagong, 6-3, 6-2) puis celle de Roland-Garros (dominée par Evert, 2-6, 6-2, 6-1). Au cours des années suivantes, elle s’installe dans le top 4, remportant 22 tournois, mais ce n’est qu’en 1978 qu’elle remporte son premier titre majeur, à Wimbledon (aux dépens d’Evert, 2-6, 6-4, 7-5). Selon Evert, elle révolutionne alors la condition physique dans le tennis féminin, apportant notamment l’idée de pratiquer d’autres sports, tel le basket-ball, pour s’entraîner physiquement. Peu après, elle devient n°1 mondiale, mais à l’US Open, elle est éliminée en demi-finale par une adolescente de 16 ans, Pam Shriver (7-6, 7-6). Elle siège toujours au sommet du classement en janvier 1979.
Le lieu : Washington
L’Avon Championships de Washington, anciennement connu sous le nom de Virginia Slims de Washington, a été créé en 1972. Le tournoi, disputé sur moquette intérieure, est assez prestigieux pour compter à son palmarès Margaret Court (1973), Billie Jean King (1974), Chris Evert (1976) et Martina Navratilova (1975, 1977, 1978).
L’histoire : Austin a fait craquer Navratilova
Au début de l’année 1979, Martina Navratilova est n°1 mondiale, après avoir considérablement amélioré sa condition physique, et elle considère Chris Evert comme sa principale, voire même unique rivale. Pourtant, une nouvelle génération de prodiges américains pointe le bout de son nez : Pam Shriver et Tracy Austin, toutes deux nées en 1962, ont déjà montré qu’elles étaient en mesure de perturber la domination d’Evert et Navratilova. D’ailleurs, en 1978, la n°1 mondiale gauchère a perdu contre chacune d’elles, battue par Shriver en demi-finale de l’US Open (7-6, 7-6), et par Austin en quarts de finale à Dallas (6-3, 2-6, 7-6) et en finale de Tokyo (6-1, 6-1). Cependant, elle les a également toutes deux battues, et lorsqu’Austin et Shriver s’affrontent en quarts de finale du tournoi de Washington, Navratilova ne se montre pas particulièrement inquiète :
“Je me fiche de savoir laquelle de ces gamines va gagner”, dit-elle, d’après Sports Illustrated. Toutefois, elle est malade et tousse beaucoup depuis le début de la semaine, et bien qu’elle se hisse en finale sans trop de difficulté, elle ne joue pas son meilleur tennis à Washington.
Pendant ce temps, Austin, qui avait battu Shriver à neuf reprises chez les juniors, remporte leur premier affrontement sur le grand circuit (6-3, 1-6, 6-2). Shriver est la joueuse locale, favorite du public, et la jeune Austin fait preuve de beaucoup de résilience pour se remettre de la perte du deuxième set et faire face à la foule hurlante :
“J’ai attendu que le bruit s’arrête”, dit-elle ensuite. “Je ne savais pas qu’une foule pouvait faire autant de bruit. Mais lorsqu’ils se sont laissés aller comme ça, je me suis dit, ‘Ok, je ne vais pas me laisser faire !”.
La finale démarre en fait un jour plus tôt que prévu, lors des conférences de presse respectives des joueuses. Même si Navratilova admet que son adversaire est “difficile à jouer”, lorsqu’on lui rappelle sa défaite contre elle à Tokyo, elle ne reconnaît pas beaucoup de mérite à Austin : “J’avais hâte de partir en vacances cette semaine-là”, dit-elle. “Je ne me suis pas vraiment battue ce jour-là.”
“Vacances ? Je n’ai entendu parler d’aucunes vacances”, réplique l’adolescente. “Je sais que lorsque je l’ai battue, j’ai dû jouer extrêmement bien. Elle est tellement forte…”
Austin applique son plan habituel : être régulière. Elle remarque que Navratilova rate plus que d’habitude côté revers, alors elle insiste bien dessus. Cette stratégie porte ses fruits, puisque la Tchécoslovaque s’agace et, perdant sa patience, commence à tenter des coups gagnants hasardeux et commet encore plus d’erreurs.
“C’est tellement ennuyeux! Je ne peux pas le supporter”, crie-t-elle à la fin du premier set, qu’elle perd 6-3.
Avec un tel état d’esprit, il n’est pas surprenant qu’elle ne parvienne pas à élever son niveau de jeu au deuxième set, qu’elle entame par une double faute avant de s’incliner, 6-2.
“Je n’ai pas la patience, pour ces longs échanges. Il faut que je tente un coup gagnant tout de suite. Si je dois faire 30 frappes, je vais finir par rater,” déclare Navratilova, non sans amertume, à l’issue du match.
Quant à la jeune Tracy, qui vient de remporter son troisième titre professionnel en autant de tournois disputés, elle remporte 24 000 dollars de prix, avant de retourner au lycée dès le lendemain.
La postérité du moment : La carrière d’Austin gâchée par des blessures
Navratilova dominera son aversion pour le jeu d’Austin et remportera leurs cinq affrontements suivants, parmi lesquels la demi-finale de Wimbledon (7-5, 6-1). Toutefois, Austin battra la Tchécoslovaque sur la route de son premier titre du Grand Chelem, en demi-finale de l’US Open (7-5, 7-5), avant de battre Chris Evert en finale (6-4, 6-3). En 1980, Austin deviendra la plus jeune n°1 mondiale de l’histoire (record battu par la suite par Monica Seles, puis Martina Hingis), et elle occupera la première place 21 semaines durant. La jeune prodige remportera l’US Open une deuxième fois, en 1981, battant Navratilova sur le fil (1-6, 7-6, 7-6). Malheureusement, le reste de sa carrière sera gâché par les blessures, et elle arrêtera sa carrière une première fois en 1984. Elle tentera ensuite de revenir en 1988, mais son retour s’arrêtera brutalement après un grave accident de voiture. Elle essaiera en vain de faire un dernier come-back, en 1993-1993, avant de prendre sa retraite une fois pour toutes.
Martina Navratilova deviendra, selon Billie Jean King, « la plus grande joueuse de simple, de double et de double mixte ayant jamais vécu ». Au cours de l’ère Open, aucun joueur, hommes et femmes confondus, ne gagnera plus de tournois que Navratilova en simple (167) ni en doubles (177), et personne ne remportera plus de matches qu’elle (2189). A l’issue de sa carrière, elle détiendra 18 titres du Grand Chelem en simple, 31 en double et 10 en double mixte, réalisant le Grand Chelem total, qui consiste à remporter les quatre tournois majeurs en simple, double et double mixte. Elle passera en tout 332 semaines à la tête du classement WTA.