15 novembre 1981 : Le jour où Connors et McEnroe se sont mal comportés à Wembley
Le 15 novembre 1981, en finale du tournoi du Grand Prix de Wembley, Jimmy Connors remonte un handicap de deux manches à zéro pour battre John McEnroe (3-6, 2-6, 6-3, 6-4, 6-2), dans un match à l’issue duquel les deux joueurs seront sanctionnés pour leur comportement.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi c’est historique : Jimmy Connors crie des obscénités, John McEnroe s’en prend à la chaise d’arbitre
Ce jour-là, le 15 novembre 1981, en finale du tournoi du Grand Prix de Wembley, Jimmy Connors remonte un handicap de deux manches à zéro pour battre John McEnroe (3-6, 2-6, 6-3, 6-4, 6-2), dans un match à l’issue duquel les deux joueurs seront sanctionnés pour leur comportement. Pour Connors, qui vient de passer trois années difficiles, cette victoire marque le début de son retour vers le sommet : alors qui n’avait pas atteint la moindre finale de Grand Chelem depuis l’US Open 1978, l’Américain remontera à la première place mondiale en 1982, après s’être imposé à Wimbledon et à Flushing Meadows.
Les acteurs : Jimmy Connors et John McEnroe
- Jimmy Connors, l’un des plus grands joueurs de son temps
Jimmy Connors, né en 1952, est l’un des plus grands joueurs de son temps. Coaché depuis toujours par sa mère, Gloria, Connors est l’un des premiers joueurs à jouer à plat et en cadence depuis la ligne de fond de court. Sa manière de frapper la balle montante inspirera beaucoup les futures générations de joueurs. « Jimbo », passé pro en 1972 à vingt ans, est devenu numéro 1 mondial dès 1974. Cette année-là, il avait gagné trois des quatre tournois du Grand Chelem, et avait été interdit de participation à Roland-Garros, le quatrième tournoi, en raison d’une procédure judiciaire qu’il avait lancée contre l’ATP. Il est resté numéro 1 mondial pendant une durée record de 160 semaines consécutives, entre 1974 et 1977. Après avoir cédé son trône à Bjorn Borg le 23 août 1977, pour une semaine seulement (!), il l’avait récupéré pour 84 semaines supplémentaires, jusqu’au printemps 1979. Il a pour l’instant décroché cinq titres du Grand Chelem : l’Open d’Australie (1974), Wimbledon (1974) et l’US Open (1974, 1976, 1978). Depuis 1979, Connors n’a pas obtenu des résultats comparables à ceux de ses grandes années. Il n’a pas atteint une finale de Grand Chelem depuis l’US Open 1978, mais il est tout de même encore classé 3e mondial. Son jeune rival McEnroe a même déclaré de façon provocante qu’il aimerait bien savoir comment cela serait d’affronter Jimmy Connors « à son apogée ».
- John McEnroe, le talent à l’état pur
John McEnroe, né en 1959, a ébloui le monde du tennis dès ses premier pas sur le circuit, en 1977, lorsqu’à l’âge de 17 ans, il s’était aligné à Wimbledon en tant qu’amateur pour s’extraire des qualifications et atteindre les demi-finales. « Mac » est extrêmement talentueux. Son jeu est basé sur le toucher de balle et la précision, le tout agrémenté d’un service aussi original qu’efficace, souvent suivi au filet. En 1979, il est devenu le plus jeune vainqueur de l’histoire de l’US Open en battant en finale Vitas Gerulaitis (7-5, 6-3, 6-3). Il a également créé la surprise cette année-là en venant à bout de Björn Borg (7-5, 4-6, 6-2, 7-6) en finale du World Championship Tennis. En 1980, il devient numéro un mondial pour la première fois, pour seulement quatre semaines. Cette année-là, il est battu en finale de Wimbledon par Bjorn Borg à l’issue de l’un des plus grands matches de tous les temps (1-6, 7-5, 6-3, 6-7, 8-6), au cours duquel McEnroe gagne un tie-break de légende au quatrième set (18-16). Quelques mois plus tard, Mac prend sa revanche en battant Borg à New-York pour conserver son titre à l’US Open (7-6, 6-1, 6-7, 5-7, 6-4). En 1981, il confirme son emprise sur le tennis mondial en s’imposant pour la première fois à Wimbledon et en remportant un troisième titre consécutif à l’US Open, en battant à chaque fois Borg en finale. En novembre, après avoir bataillé avec le Suédois pour la première place mondiale, il est installé au sommet depuis le mois d’août.
Le lieu : Wembley (Londres)
Le tournoi de Wembley a été créé en 1934. Avant l’ère Open, lorsque les pros ne pouvaient participer aux tournois du Grand Chelem, il s’agissait de l’un des tournois les plus cotés du tennis professionnel. A son palmarès figurent des légendes d’antan comme Ellsworth Vines, Don Budge, Ken Rosewall et Rod Laver. En 1976, le tournoi prend le nom de son nouveau sponsor, Benson & Hedges, mais son prestige reste intact. Depuis, les trois joueurs à avoir gagné le tournoi ont tous occupé la première place mondiale : Jimmy Connors (1976), Bjorn Borg (1977) et John McEnroe (1978-1980).
L’histoire : Mené deux sets zéro, Connors renverse McEnroe
Jimmy Connors et John McEnroe sont tous deux célèbres pour leur comportement, qui choque à l’époque le monde bien propre et policé du tennis. Ils sont parfois vulgaires – Connors montrant un doigt d’honneur à un juge de ligne ou mettant sa raquette entre ses jambes de manière évocatrice. Leurs querelles incessantes avec le corps arbitral dénotent dans un sport dit « de gentlemen ». S’ajoute quelque chose de personnel dans leur rivalité. Les deux joueurs ne s’apprécient guère : ils sont bien plus que de simples adversaires au tennis, allant jusqu’à s’invectiver sur le court, parfois violemment. Tout ceci contribue à faire un événement de chacune de leurs confrontations.
La finale de Wembley en 1981 ne fait pas exception à la règle. Les deux joueurs seront condamnés à de lourdes amendes après le match : Connors pour avoir crié une obscénité sur le terrain, McEnroe pour s’en être pris à la chaise d’arbitre, pour jet de raquette et pour jet de balle.
McEnroe, numéro 1 mondial et triple champion en titre, est le favori et prend le meilleur départ. Il remporte le premier set, 6-3, et le deuxième set, 6-2, mais un incident change probablement la tournure des événements. Au cours d’une dispute particulièrement longue entre McEnroe et l’arbitre de chaise – à propos d’un avertissement pour jet de balle – Connors s’assied sur la chaise d’un juge de ligne, afin de faire rire le public. Jimbo sait que les fans britanniques n’apprécient guère les crises de colère de McEnroe : à Londres, le surnom de Mac est “Super Brat” (« Sale morveux »). Cette petite blague lui vaut le soutien de la foule.
Au troisième set, Connors, faisant comme s’il ne pouvait plus supporter le comportement enfantin de son adversaire, vient au filet et fait signe à McEnroe de s’approcher, adoptant l’attitude d’un père qui dirait à son fils de cesser de se comporter comme un gamin. Jimbo remporte le troisième set, 6-3, et Mac est sur le point de perdre son sang-froid pour de bon. Au quatrième set, il se met en colère après qu’un lob qui, selon lui, avait touché le toit, ait été jugé bon. « Est-ce que tu regardes au moins ? » demande-t-il à l’arbitre. 6-4 pour Connors, qui conclut le set sur un superbe lob lifté.
La tension atteint son sommet au dernier set. L’arbitre de chaise, qui avait déjà pris plusieurs décisions controversées et s’était trompé deux fois en annonçant le score, est maintenant remis en question par les deux joueurs à chaque annonce proche des lignes. À un moment donné, McEnroe se tord légèrement la cheville et n’est pas content que l’arbitre lui demande de continuer à jouer. Lors du changement de côtés, il reproche à l’arbitre sa « stupidité » et affirme qu’il n’est pas connu pour simuler des blessures. Un peu plus tard, c’est au tour de Connors de se mettre en colère contre l’arbitre après une annonce limite. « On joue depuis plus de trois heures et on essaie de rester concentrés. Je sais que vous êtes très fatigué, vous avez beaucoup couru et tout, mais si vous pouviez faire un peu attention… »
Néanmoins, Connors gagne facilement le dernier set, 6-2, remportant ainsi son premier titre depuis Rotterdam, en mars. Le public ne le sait pas encore, mais il vient d’assister à la première étape de son retour au premier rang mondial.
En raison des amendes reçues lors de la finale, McEnroe risque 21 jours de suspension. « Ce n’est plus amusant de jouer au tennis », déclare le numéro 1 mondial, selon le Washington Post. « Il y a tellement de règles, je pense que personne ne les connaît toutes. Le tennis est un sport formidable et si l’on veut qu’il survive, on ne peut pas supprimer la personnalité de chacun. Je ne ferai pas appel de la suspension. Elle ne concerne pas les exhibitions, ni la Coupe Davis. Si je pensais que les gens qui constituent ces commissions étaient des êtres humains, je ferais appel, mais ça n’a aucun sens. . . J’ai perdu tous les appels que j’ai jamais faits. C’est tellement frustrant que je ne vais pas me donner la peine. »
La postérité du moment : Un dernier affrontement à Bâle, en 1991, remporté par McEnroe
McEnroe prendra sa revanche sur Connors lors d’un match de poule du Masters, en janvier 1982 (6-2, 7-5). En 1982, Jimbo battra son rival en finale de Wimbledon (3-6, 6-3, 6-7, 7-6, 6-4) et, après avoir remporté le titre de l’US Open contre Ivan Lendl (6-3, 6-2, 4-6, 6-4), il retrouvera la première place mondiale.
Ces deux stars du tennis américain s’affronteront 34 fois au total, McEnroe menant 20 à 14. Ils se croiseront pour la dernière fois sur le circuit à Bâle en 1991, un dernier épisode remporté par McEnroe 6-3, 6-3. Leur rivalité restera comme l’une des plus populaires de l’histoire du tennis, pour l’âpreté et le niveau de jeu exceptionnel de leurs combats, mais aussi en raison du conflit permanent entre les deux joueurs, et de leur implication émotionnelle.