Les blessures et les défaites, le lourd héritage que Nadal veut enterrer à Bercy
Rafael Nadal n’a jamais semblé en meilleure posture pour dupliquer au Rolex Paris Masters les performances qu’il réussit à Roland-Garros. Après trois années où les blessures l’ont vaincu, il jure ne pas y penser.
Ce qu’il n’avait pas pu dire au soir de sa treizième victoire à Roland-Garros, Rafael Nadal l’a lâché à son arrivée à Paris avant d’y disputer le Rolex Paris Masters 2020. Non, il ne met pas un terme à sa saison, même s’il l’a envisagé. « Oui », il disputera le Masters de Londres du 15 au 22 novembre (il faudrait dire Nitto ATP Finals). « Si rien ne m’arrive ici… », a-t-il seulement précisé pour confirmer son voyage.
Nadal : “Les courts sur lesquels j’ai besoin de mon meilleur tennis”
Nadal surjoue souvent la modestie en conférence de presse. Mais ici personne ne peut douter de la sincérité de son propos. Paris… La saison en salle… Tout ça n’a que trop l’odeur des pharmacies pour le numéro deux mondial. En novembre, sous le toit de l’Accor Hotels Arena, il sait qu’il peut tout se passer pour son corps qui a tant donné au tennis.
Un muscle de l’abdomen qui tire, comme en 2019 (forfait avant la demi-finale) et 2018 (dernier test avant son entrée en lice). Ou un genou droit trop abîmé, comme en 2017, quand il avait dû déclarer forfait avant son quart de finale contre Filip Krajinovic après avoir reçu un bandage contre Pablo Cuevas au tour précédent. C’est simple, Nadal n’a plus été sorti à la régulière du Rolex Paris Masters depuis 2015 et un quart de finale contre Stan Wawrinka (7-6, 7-6) – il était aussi indisponible pour blessure en 2016.
• Voir notre diaporama sur le contraste Roland-Garros / Bercy pour Nadal
Y pensera-t-il quand il pénétrera sur le central vide de l’Accor Hotels Arena contre Feliciano Lopez, mercredi soir vers 18h30 ? Il jure que non. « Si je suis là, c’est pour pratiquer mon meilleur tennis, pas pour penser aux blessures. » Mais il rappelle que le Nadal de l’indoor n’a pas la marge du Nadal de la terre battue.
« Les courts couverts sont ceux sur lesquels j’ai le plus besoin d’être frais, au maximum de mes capacités, et sur lesquels j’ai besoin de pratiquer mon meilleur tennis pour gagner. »
Ni Djokovic, ni Federer
Son meilleur tennis n’est pas loin : son dernier match, il y a trois semaines, était une déculottée infligée au numéro un mondial Novak Djokovic en finale de Roland-Garros, à 15 kilomètres de là par le périphérique. Une sorte de chef-d’œuvre total, de ceux qui placent la confiance au zénith avant de s’attaquer à un tournoi qui est un des rares à lui résister – une seule finale, en 2007 – sur un type de terrain (dur, indoor) où il n’a remporté qu’un seul de ses 86 titres en simple.
Dans le plateau cette année, il n’y aucun de ses deux grands rivaux sur la surface, ceux qui l’ont notamment privé de cinq Masters. Ni Djokovic, absent car bénéficiaire des points de sa victoire de 2019. Ni Roger Federer, que personne n’a aperçu sur un court de tennis depuis son exhibition contre Nadal le 7 février en Afrique du Sud. Le Suisse a privé l’Espagnol de trois Masters (deux demies, une finale) et mène 5-1 contre lui en salle. Le Serbe mène 4-2 dont deux défaites décisives au Masters et une à Bercy (demi-finale en 2010).
Nadal prenable ici plus qu’ailleurs
Le danger est ailleurs, car à Bercy, Nadal est prenable. « ll est plus vite acculé ici qu’à Roland-Garros et plus accessible dans ces tournois-là », constate Guy Forget, directeur du tournoi. A Bercy, Nadal ne perd jamais contre n’importe qui (Nalbadian, Davydenko alors 6e mondial, Djokovic, Ferrer, Wawrinka). Mais cette liste raconte aussi qu’il n’y est jamais au niveau de son classement : il n’y a battu que deux Tops 10. Deux Français : Gasquet et Monfils
« Il a pourtant les armes pour gagner ici, indique Forget. Il va lui falloir imposer sa puissance et sa longueur de balle. J’ai trouvé qu’à Roland-Garros, dans des conditions différentes de d’habitude, il a trouvé de une profondeur supérieure, car il lui était plus difficile d’épuiser l’adversaire avec le rebond. S’il conserve ce schéma de jeu, il peut battre tout le monde au Rolex Paris Masters. »
“Souvent entamé physiquement et psychologiquement”
Il peut battre tout le monde, mais une petite voix dira à ses adversaires que l’inverse est vrai. Lopez, son futur adversaire, a battu Nadal lors de leurs deux derniers matches, disputés sur surface rapide. Nadal peut affronter Coric, qui l’a battu deux fois sur surface rapide dont une en salle. Et son adversaire théorique en quarts de finale, Alexander Zverev, l’a battu l’an passé au Masters.
« Je considère que Feliciano Lopez est un joueur dangereux pour Nadal et n’oubliez pas la parité dans leur face à face, dont un succès à Bâle, a déclaré Paul Annacone, ancien coach de Pete Sampras et Roger Federer, sur Tennis Channel. S’il y a Nadal-Coric en huitième, je mise sur Coric. Je vous l’aurai dit, les gars. Quand le premier coup droit giclant de Nadal dans l’échange ne lui permet pas de prendre l’avantage, il est gêné. »
A une époque qui n’en est pas avare, Nadal va vivre une expérience rare avec ce Rolex Paris Masters 2020. « En fin d’année, j’arrive souvent entamé physiquement et psychologiquement », reconnaît l’Espagnol, par contraste à une année 2020 marquée par 26 matchs seulement (dont 4 défaites), et cinq compétitions disputées avant Bercy. Le Masters de Londres sera sa septième.
S’il bat Lopez, Nadal remportera son millième match sur le circuit. Mais il en voudra plus. L’Espagnol de 34 ans a souri quand il lui a été demandé s’il envisageait de jouer moins de tournois pour reproduire son niveau de forme de Roland-Garros. « J’adore jouer au tennis vous savez, et j’aspire à jouer davantage que deux tournois tous les six mois. » Ici plus qu’ailleurs, Nadal mesure la chance de jouer au tennis sans craindre pour sa santé.