5 juin 1983 : Le jour où Noah a remporté Roland-Garros
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 5 juin 1983, Yannick Noah remportait Roland-Garros pour le plus grand bonheur du public français.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi cela a marqué l’histoire du tennis : Un grand jour pour le tennis français
Le 5 juin 1983, Yannick Noah domine Mats Wilander en finale de Roland-Garros (6-2, 7-5, 7-6). Agé de 23 ans, il est le premier Français à triompher à domicile depuis Marcel Bernard en 1946. Sa victoire est un grand événement pour le sport français, surtout lorsque l’on considère qu’il reste à ce jour le dernier tricolore à avoir remporté un tournoi du Grand Chelem. Le triomphe de Noah restera aussi comme la dernière victoire d’un serveur-volleyeur à Roland-Garros, et la dernière victoire en Grand Chelem acquise avec une raquette en bois.
Les personnages : Yannick Noah et Mats Wilander
- Yannick Noah, sérieux prétendant au titre
Yannick Noah est né en 1960 à Sedan, mais peu après sa naissance, sa famille retourne vivre au Cameroun, le pays d’origine de son père, et c’est là qu’il grandit. Le jeune Noah se met au tennis sans grand espoir de devenir un grand joueur, dans un pays où il n’y a que huit courts de tennis.
Sa rencontre avec Arthur Ashe, venu jouer une exhibition à Yaoundé en 1971, change le cours de sa vie. L’Américain, premier joueur noir à avoir gagné des titres du Grand Chelem chez les hommes, donne un coup de pouce à Noah et le jeune homme part bientôt en France pour y devenir un joueur de tennis professionnel.
Il commence sa carrière en 1978, et remporte son premier titre à Manille. Sa progression est constante et, dès 1981, il atteint les quarts de finale de Roland-Garros, battu par Victor Pecci après avoir éliminé Guillermo Vilas en huitièmes de finale. En 1982, il est battu par ce même Vilas en quarts des Internationaux de France. Cette année-là, il mène l’équipe de France de Coupe Davis à sa première finale depuis 1933, même si elle est vaincue par les Etats-Unis.
En 1983, il devient un sérieux prétendant au titre à Roland-Garros en gagnant deux tournois sur terre battue, d’abord à Madrid, puis à Hambourg, où il bat Jose Higueras en finale (3-6, 7-5, 6-2, 6-0) pour soulever ce qui est alors le trophée le plus important de sa carrière. Il est 6e mondial, et il est de loin le meilleur joueur français sur le circuit.
- Mats Wilander, le tenant du titre
Mats Wilander, né en 1964, a connu le succès à un très jeune âge. En 1982, à l’âge de 17 ans et neuf mois, il devient en effet le plus jeune vainqueur de Grand Chelem de l’histoire, en battant en finale Guillermo Vilas, véritable légende sur terre battue (1-6, 7-6, 6-0, 6-4).
Il se rend également célèbre après avoir fait preuve d’un rare fair-play plus tôt dans le tournoi : en demi-finale, contre Jose-Luis Clerc, il inverse, sur balle de match, une annonce qui le propulsait en finale, et ce alors que l’arbitre a déjà annoncé « jeu, set et match ».
En quarts de finale de la Coupe Davis 1982, il dispute également le match le plus long de l’ère Open, vaincu en six heures et 22 minutes par John McEnroe (9-7, 6-2, 15-17, 3-6, 8-6). Mats Wilander est tête de série N°5 des Internationaux de France 1983.
Le lieu : Roland-Garros
Cette histoire a lieu à Roland-Garros. Le stade, situé dans l’ouest parisien, à la lisière du bois de Boulogne, accueille les Internationaux de France depuis 1928. Ce fut le premier et désormais le seul tournoi du Grand Chelem sur terre battue, la surface la plus lente, ce qui en fait le tournoi le plus difficile à gagner sur le plan physique.
Mats Wilander y est le tenant du titre et son jeu est particulièrement efficace sur ocre. Il est extrêmement régulier, et sa condition physique est hors du commun. Yannick Noah, quant à lui, est un adepte du service-volée, un style de jeu qui n’a pas triomphé à Roland-Garros au cours de la décennie passée.
L’histoire : Un Noah en mission
Mats Wilander, malgré son jeune âge, a déjà pour lui l’expérience d’une finale de majeur gagnée, l’année précédente, contre Guillermo Vilas, à Roland-Garros. Les circonstances s’annoncent cependant très différentes cette fois. Il n’a pas pour seul adversaire le Français Yannick Noah, mais le pays tout entier qui le soutient dans sa quête de Roland-Garros, qu’aucun tricolore n’a remporté depuis 37 ans. « 50 millions de Noah », titre L’Équipe le matin de la finale.
Noah s’est dit lui-même en mission. Il s’est astreint à une préparation très rigoureuse avec un seul but en tête : conquérir le Saint-Graal du tennis français, la Coupe des Mousquetaires. Jusqu’à présent ses efforts portent leurs fruits. Lorsqu’il élimine le numéro 3 mondial Ivan Lendl en quarts de finale, le rêve commence à prendre forme. Il écrase en demi-finale son compatriote Christophe Roger-Vasselin (6-3, 6-0, 6-0). Pourtant, le tenant du titre Wilander se dresse encore entre lui et son rêve. Noah sera-t-il capable de supporter la pression générée par les attentes d’une nation entière et de battre un tel adversaire ?
36 minutes plus tard, Noah apporte une réponse à cette question en empochant le premier set, 6-2. Les circonstances ne l’empêcheront pas de déployer son tennis offensif. La nuit précédant la finale, il s’est vu, en rêve, perdre le match, et cela lui a été tellement insupportable que les quelques passings de Wilander ne suffisent pas à l’arrêter. Il se détache bientôt 5-3 au deuxième set, et on l’imagine déjà se diriger vers une victoire facile. Mais le Suédois, qui n’est pas du genre à lâcher le morceau pour si peu, réalise des prouesses en défense pour recoller au score. Noah garde le contrôle de ses émotions et boucle la seconde manche 7-5, pour le plus grand plaisir du public.
Le troisième set est éprouvant pour les nerfs des spectateurs. Noah commence à montrer des signes de fatigue, et peut-être est-il rattrapé par l’enjeu, alors qu’il a son rêve au bout de la raquette, alors que Wilander monte en puissance. Cette lutte intense amène les joueurs au tie-break. Sur sa deuxième balle de match, Noah suit son service au filet. Il n’aura pas de volée à jouer : le retour de Wilander s’échappe en longueur. Noah peut se mettre à genoux sur le Court Central : il vient de réaliser son rêve et de donner au tennis français son premier titre du Grand Chelem depuis 1946.
Dans un élan de joie incontrôlable, son père Zacharie descend des tribunes pour venir lui sauter dans les bras et célébrer cet instant. Comme un symbole, il reçoit ensuite la Coupe des Mousquetaires des mains de Marcel Bernard, qui n’est maintenant plus le dernier Français à avoir remporté Roland-Garros.
La postérité du moment : Noah ne retrouvera pas la flamme
Le triomphe de Yannick Noah à Roland-Garros aura un retentissement national. Son exploit fera l’ouverture de journal télévisé et la Une de la presse, et il accèdera au statut de héros de la nation, au point que cette responsabilité deviendra presque trop lourde à porter pour le jeune homme. Il avait réalisé son rêve à 23 ans et il ne retrouvera jamais la flamme qui l’avait animé pour aller chercher cette victoire.
Il restera néanmoins l’un des meilleurs joueurs du monde, qui atteindra encore deux fois les quarts de finale à Roland-Garros, et la demi-finale de l’Open d’Australie en 1990. À sa retraite, il aura remporté 23 titres en simple, ainsi qu’un trophée du Grand Chelem en double à Roland-Garros en 1984, associé à Henri Leconte.
Noah triomphera à nouveau par la suite en tant que capitaine de l’ équipe de France de Coupe Davis, qui remportera l’épreuve à trois reprises sous son capitanat, en 1991, 1996 et 2017. Le titre de 1991 restera l’un de ses exploits les plus retentissants, accompli face à une véritable Dream Team américaine alignant deux joueurs du Top 10, Pete Sampras et Andre Agassi.
Noah coachera également l’équipe féminine lors de la campagne victorieuse de 1997. Enfin, Noah se lancera aussi dans une carrière de chanteur à succès et vendra plusieurs millions d’albums.
Mats Wilander deviendra le deuxième plus grand joueur des années 1980, derrière Ivan Lendl. Il atteindra son apogée en 1988, lorsqu’il deviendra numéro 1 mondial en remportant trois des quatre tournois du Grand Chelem, en battant un autre Français, Henri Leconte, en finale de Roland-Garros.
Au total, Wilander s’imposera trois fois à Roland-Garros et inscrira sept tournois du Grand Chelem à son palmarès, sans jamais parvenir toutefois à gagner Wimbledon, où il ne dépassera jamais les quarts de finale. Après sa carrière, Wilander restera impliqué dans le monde du tennis en tant que consultant pour des chaînes de télévision ou des journaux tels que L’Equipe.